Plaisir Coupable : The Walking Dead saison 2

Plaisir Coupable : The Walking Dead - Saison 2

Y a des choses que l’on pourrait dire, mais socialement, ça ne passe pas. Aujourd’hui, je vais vous dire un truc, mais ça va rester entre nous… sur un site en libre accès … enfin voilà, on ne va pas non plus être foule à en discuter, donc je peux me le permettre. Je me lance : je trouve la saison 2 de The Walking Dead de Telltale plus réussie que la première. Lâche ce flingue ! Lâche ce couteau ! Lâche ce poinçon ! Non, mais tu peux pas te tailler les veines avec un cure dent, c’est juste même pas probab… Ah merde ça marche vraiment ? Non mais OK, on est d’accord, dans la saison 2 de Walking Dead, tout le monde est un peu teubé « Alors est-ce que c’est une morsure de zombie ou de chien ?  » , ce genre de chose. Ouais, sauf que je n’ai pas réussi à anticiper la fin dès le premier épisode.

 

Ce que je reproche à Telltale ? Bah de faire un peu toujours la même merde. Aussi, de pas renouveler leurs outils de développement et de ne miser que sur l’illusion du choix, même si cela commence à bouger de ce côté depuis Game Of Thrones (… et, non, c’est loin d’être un sombre étron ; il a juste capté tous les problèmes des Telltale, et les gens s’en sont rendus compte à partir de celui-ci), on est tous d’accord pour dire que c’est loin d’être formidablement écrit. Entre les personnages fonctions, les retournements de situations parfois téléphonés ou capillotractés, les freezes, les problèmes de finitions… Bref, ça sent la production industrielle.

Le fait est que chaque fois que quelqu’un veut faire du Telltale, il n’arrive pas à sa hauteur, et c’est juste frustrant de voir la concurrence se planter. Par exemple, Grutolla et son cinéma vaguement interactif, c’est juste écrit avec une poutre et ça possède une mise en scène souvent catastrophique. Dontnod et son Life Is Strange est aussi écrit avec une poutre, doublée de références par milliard qui alourdissent encore plus un propos pourtant intéressant. Et A Crowd of Monsters et son Blues And Bullets, où cela fait deux ans qu’on a que deux épisodes sur les cinq prévus… Donc voilà, sur son terrain, Telltale c’est juste le roi du pétrole, et en un an, ils te font un truc plus agréable qu’un de leur concurrent en deux ans (… voire plus). Ce n’est plus une leçon, c’est une humiliation.

Alors comment est-ce que Telltale arrive au miracle ? Bah déjà, un Telltale ne mise pas forcément sur ses qualités techniques, ni sur une écriture au poil de cul. Disons que c’est convenablement écrit, tandis que les dialogues et les répliques sonnent juste. Ce n’est pas abracadabrantesque, et quand ça l’est, c’est super drôle (Tales From The Borderlands est une leçon d’humour dans toutes ses nuances). Cette écriture convenable se conjugue à un sens du rythme qui rendrait jaloux bien des jeux « d’action  » ou des productions cinématographiques comme un The Last Of Us. Un jeu Telltale, même quand longueur il y a, c’est pour mieux te claquer un moment bien fendard / stressant / choquant (… la fin du premier épisode de Game Of Thrones se pose là).

Telltale sait aussi gérer la tragédie ainsi que la comédie, et sait même nuancer et marier les deux pour le meilleur, plus rarement pour le pire ; il y a souvent une petite touche de légèreté dans un épisode anxiogène d’un jeu, comme dans la première saison de Walking Dead (… l’épisode 2, souvenez vous de l’épisode 2 !). On est donc en face d’un studio qui sait écrire. Ça, je pense que personne ne peut le nier, ou ne peut le faire sans entrer sur un terrain glissant. Parce que la qualité d’écriture est sans doute un peu subjective, mais tout de même, la variété des situations, la cohérence de la progression, et cette capacité à toujours garder le joueur / spectateur dans la zone pourtant fragile de suspension de l’incrédulité, permettant au studio de raconter des histoires partant sur de faibles bases afin d’arriver à un résultat… brillant.

Parce que, oui, autant je regrette certains passages de la saison 2 de The Walking Dead (… l’épisode 2 en grande partie, et un peu l’épisode 1), autant il est difficile de lui reprocher l’impact et la cruauté du reste, et surtout ce final aux multiples fins qui fini d’enfoncer le clou en faisant de Clementine un personnage très, très fort. Alors, oui, c’est une putain de guerrière la gamine. OK, elle a 11 ans et elle fracasse du zombie, se recoud toute seule avec un hameçon de pêche (… tu peux vraiment pas la test), sait tenir tête à un tyran complètement fêlé, et sait même se faire apprécier avec quelques habiles répliques. Mais malgré tout… c’est toujours la Clementine fragile de la première saison.

L’ami Telltale a conscience de ce choc narratif ; il joue de cette « incohérence  » (… on parle malgré tout d’une enfant qui a grandi et vécu l’apocalypse zombie en direct live, comment savoir et anticiper l’évolution d’une enfant dans un tel contexte ?). Tour à tour fragile, courageuse, combative, Clementine fini malgré elle par servir de référent pour les adultes. Alors, c’est peut-être drôle à lire, mais je trouve cela finalement logique : les adultes ont connu l’ancien monde, l’adaptation est plus complexe, un plus lourd passif rend chaque journée plus douloureuse, Clementine elle… bah, elle était à peine sortie de l’âge de raison lorsque le merdier à débuté. Elle s’est structurée sur ce monde brisé, elle a ses repères dans cet enfer, contrairement au personnage de Sarah, d’un âge plus avancé, mais qui a été épargnée de la réalité par son père.

Quand on joue à un titre, il faut aussi prendre en compte l’intention de l’auteur. Ici, le but n’est pas de montrer Clementine en mode Rambo ; c’est de commencer à définir quel adulte elle sera. Le focus est donc sur sa place, ainsi que son impact sur le monde et sur les autres. Qui est devenu Clementine en deux ans après la fin de la première saison ? Que lui est-il arrivé ? C’est aux joueurs d’orienter le personnage, voir si elle est devenue une impitoyable survivante, une fille qui a gardé son âme d’enfant grâce à ses protecteurs, si elle est restée sociable, ou est-ce que cette vie lui a justement appris à ne surtout pas s’attacher à des gens ? On parle d’un enfant qui se construit et se détermine d’ores et déjà ; elle n’a pas le temps d’être une enfant, elle est propulsée dans un monde qui va la bouffer tout cru (… bon, celle là, vous l’oubliez, OK ?). Elle doit s’adapter vite, où elle finira comme tous ceux qu’elle a connu depuis le début de son histoire, et la suite ne sera pas forcément plus tendre.

Je trouve effectivement cette saison 2 plus humaine, moins téléphonée, et ne reprenant pas trop de poncifs des histoires de zombies. Quitte à parfois fortement flirter avec le ridicule, Telltale fait du Telltale, mais arrive à insuffler à une poignée de nouveaux personnages une aura moins convenue, arrive à rendre le casting moins prévisible et caricatural dans certains cas. On n’est pas au niveau du chef d’œuvre ou du meilleur de Telltale, le fait est par contre que la fin de cette saison 2 m’a fait mordre ma lèvre inférieure pour ne pas chialer comme une merde, tandis que la spectatrice à mes côtés se laisser aller. Moi dans mon conditionnement de garçon, je n’avais pas le droit d’être déchiré par cette fiction, pourtant, je peux vous le dire que les choix de cette fin de saison m’ont tordu les entrailles comme rarement. Et, quand j’entends les musiques de cette saison, ou quand je vois Clementine dans une bande annonce de A New Frontier , je sais pertinemment que je vais craquer un jour si je refais la saison 2, tout en sachant que je serais bien incapable de ne pas m’adonner à ce nouveau chapitre.

 

Alors, c’est certes un vrai plaisir coupable, mais je préfère la saison 2 de Walking Dead, même si Lee… putain tu manques mon pote ; tu fais chier. C’est aussi la grande force de cette seconde saison. Elle avance en nous faisant ressentir le manque profond de Clementine, et rien de ce que lui donneront les autres ne pourra remplacer ce qu’elle a perdu. C’est peut-être ça qui a empêché cette seconde saison d’être autant appréciée que le première : assumer le fait qu’il manque quelque chose à son personnage et à son récit, quelque chose de vraiment fort à perdre, parce que la première brutale séparation restera toujours la plus poignante.

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Jared Emerson-Johnson; The Walking Dead : Goodbye

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

10 Commentaires sur “Plaisir Coupable : The Walking Dead saison 2”

  1. Andariel dit :

    Pas trop accroché à cette saison et tu mets le doigt sur les raisons dans ton joli article.

    La relation Lee/Clem y manque cruellement et j’ai pas pu trouver de persos suffisamment intéressants parmi les nouveaux venus. Et puis, je n’ai pas pu m’identifier à cette gamine, même si elle a bien (trop ?) mûri depuis le temps.

    C’est aussi avec cette saison que j’ai commencé à vraiment m’ennuyer de la formule Telltale, son moteur limité, ses choix de façade et son côté rushé. C’est d’ailleurs le dernier Telltale que j’ai fait.

    Après, on est d’accord, je prend le pire des Telltale sur cette immondicité de Life is Strange, any time.

  2. Toupilitou dit :

    C’est fou ; je ne m’attendais pas à ce que ça marche aussi bien avec un cure-dent ; j’ai récupéré depuis ^^

    Pour le reste, je suis resté sur le même sentiment qu’Andy, même si j’ai joué à quelques autres Telltale depuis (GoT et Borderlands). La première saison a franchement sublimé le délire, et ils n’ont juste pas fait aussi fort dans celle-ci. Pas qu’il soit nul, loin de là, mais il ne m’a pas marqué au même degré, et la formule était connue. En même temps, comment faire plus fort que cette fin ?

    En résulte que j’ai fait les deux saisons en 2014, je ne me souviens très bien que de la première, tandis que la troisième saison m’en touche une sans faire bouger l’autre. J’aurais tendance à dire qu’il faut parfois savoir rester sur un bon souvenir ^^

  3. Marcheur dit :

    En même temps Telltale dans l’état actuel de leur moteur ne peuvent juste rien faire de plus. Ils sont complètement coincé parce que leur modèle économique les force à produire rapidement pour se garantir la rentabilité.

    Ils leur faudrait une grosse pause pour pouvoir améliorer leur moteur, mais ils ne se la permettent pas, rien ne fonctionne plus aussi bien qu’avant chez eux.

  4. Andariel dit :

    Ouais, surtout quand en plus tu te payes de grosses licences (Batman, GoT, Minecraft, Gardiens de la galaxie,…) à droite à gauche, c’est sûr qu’il ne va pas rester grand chose pour le moteur… ou pour autre chose.

    C’est con, parce que dans leur « folie des licences », des trucs vraiment cool comme The Wolf Among Us sont passés à la trappe.

    Mais bon, heureusement qu’il nous reste le grand dieu David Cage pour nous sortir des trucs AMAZING :p

  5. Toupilitou dit :

    Vous pensez sincèrement qu’ils n’ont plus grand chose à mettre dans le moteur ? J’en mettrai clairement pas ma main à couper, car même s’ils doivent verser de grosses parts aux détenteurs des licences, je pense qu’il leur reste largement assez derrière, d’autant plus que leurs anciens jeux continuent de se vendre sur toutes les plateformes.

    Quand tu vois un Spiders qui continue sans cesse à améliorer son moteur, alors qu’ils ne sont qu’une vingtaine, et qu’ils n’ont pas vendu autant d’exemplaires que Telltale, j’aurais tendance à me dire que ce n’est vraiment qu’une question de volonté plutôt que de moyens.

    M’enfin, en gérant leur avenir comme ça, sans se renouveler techniquement, y’a des chances pour qu’ils finissent par se casser méchamment la gueule. C’est peut être d’ailleurs ce qui va faire qu’ils réagiront. Après tout, j’en sais rien, peut-être qu’ils sont déjà en train de préparer un nouveau moteur, ou qu’ils vont améliorer le leur.

    Sinon, même si j’ai aimé The Wolf Among Us, c’est… également basé sur une licence existante, puisque ça vient des comics de Bill Wilingham, « Fables » (… le truc qui a aussi donné la série Once Upon A Time)

  6. Marcheur dit :

    Comme le dit Andariel, Telltale a des licences à payer, et c’est à mon avis pour ça qu’ils prévoient à terme de créer leurs propres licences pour sortir du tourment dans lequel je pense sincèrement qu’ils se trouvent.
    Telltale c’est une formule et une formule qui fini par lasser, les ventes se tassent pour tout un tas de raisons et d’ici peu, quelqu’un arrivera à concurrencer (bon, c’est pas demain la veille avec Dontnod et Gruttola pour seuls concurrents) et là Telltale n’auront pas d’autres choix que de créer.

    Je pense que Spiders est dans une position largement plus enviable au final : ils bossent avec un éditeur sérieux, intelligent au rein solide qui sait quoi donner à qui niveau budget. Spiders produit un jeu tous les deux ans et a donc le temps de retoucher les outils tout en corrigeant du mieux qu’ils peuvent avec leurs moyens leurs productions.

  7. Toupilitou dit :

    J’suis pas convaincu par le « on a pas les moyens parce qu’ont doit payer des droits de licences ». Que les ventes se tassent, ça c’est sûr, et j’ai pu le constater sur PC (aucune idée sur consoles). Spiders a un éditeur, mais il lui reverse un pourcentage des ventes. Ça marche pareil avec Telltale et les proprio des licences, sauf qu’ils sont auto-édités. L’un dans l’autre…

    Leurs ventes sont peut être pas ouf, mais je pense sincèrement qu’ils ne doivent pas être au ras des pâquerettes comme… comme… tiens, Reality Pump & Topware (… ou alors, c’est vraiment des bites en gestion ). Mais, de toute façon, on ne fait que spéculer, à partir du moment où on a pas les chiffres sous les yeux ^^

    Flofrost, t’as pas les chiffres sous la main ?

  8. Andariel dit :

    Je ne pense pas qu’ils sont au ras de pâquerettes, non. Mais je pense quand même que le fait d’investir dans un nouveau moteur (ou même upgrader l’actuel) est une décision qui doit avoir un gros impact sur leur budget et leurs plans futurs.

    On ne doit pas être les seuls à leur reprocher leur stagnation technique et depuis le temps (leur moteur date quand même de 2010), ils doivent être tout à fait conscients qu’une grande partie de leur public s’attend à les voir aller dans ce sens. Et pourtant, ils ne font visiblement rien pour y remédier.

    Je pense en plus qu’il doit régner chez eux un gros sentiment « pourquoi changer une équipe qui gagne ? » et peut être aussi un manque de confiance technique vis-à-vis du fait de devoir pondre un nouveau moteur aussi adéquat que leur actuel (gestion de plusieurs embranchements narratifs, QTE et autre) et avec lequel ils peuvent développer de façon aussi à l’aise et soutenue.

    Comme l’a dit Marcheur, ils ont un rythme, un modèle économique. C’est désormais une usine qui est un peu l’esclave de leurs licences et de leur marketing, d’autant plus qu’ils s’auto-financent. Aller vers un nouveau moteur, ne va pas faire couler la baraque mais ça va certainement bien heurter le quota annuel qu’ils se sont fixés.

    Sinon je sais bien pour Fables. Mais tu conviendras que c’est une licence bien moins connue et du coup surement bien moins coûteuse qu’une licence Marvel ou Warner Bros. Ils auraient dû s’en tenir à 2 ou 3 licences et bien les renforcer plutôt que de s’éparpiller avec plein de grosses IPs.

  9. Toupilitou dit :

    Ouais, doit y avoir un peu de ça, c’est vrai.

    Quoi qu’il en soit, je viens de faire une demande d’interview à Telltale ; comme ça, s’ils acceptent, on pourra les spammer de questions dérangeantes, et on sera fixé

  10. Marcheur dit :

    D’ailleurs vu qu’on est encore sur ce sujet, j’aurais bientôt un avis peu objectif sur « a new frontier » que je viens d’acquérir.


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