Night In The Woods
Night In The Woods, créé par Infinite Fall et dont c’est le premier essai, est un jeu d’aventure sorti début 2017. C’est un de ces succès Kickstarter, grâce aux promesses d’un monde favorisant l’exploration et d’une histoire forte, associés à une esthétique 2D qui envoyait déjà sévère. Son univers a été introduit par deux mini-jeux, Longest Night et Lost Constellation, qui sont venus imposer leur esthétique et faire monter la hype pendant ses quatre ans de développement. Allez, coupons court à cette introduction digne de Wikipédia, et répondons à la question : dis, c’est bien Night in the Woods, dis ?
Usual suspects
Mae Borowski, jeune chatte anthropomorphe d’une vingtaine d’années, a quitté la fac sans que l’on sache pourquoi. Les études, c’est fini pour elle. C’est tout. La voilà forcée, du coup, à retourner vivre chez ses parents, dans sa ville natale de Possum Springs, où se sont aussi installés ses amis d’enfance. L’occasion de revenir au bon vieux temps, se dit-elle… d’essayer de retrouver son insouciance de gosse, le temps de chercher un nouveau boulot. Peut-être. Si elle a le temps et le courage. Mais non. C’est pas comme cela que ça marche. Tout a changé, ses vieux potes ont grandi, se sont casés, tracent leur chemin. Et y’a un truc qui cloche. Possum Springs toute entière n’est plus ce qu’elle était. Les mines de charbon qui autrefois assuraient sa prospérité ont fermé, l’économie stagne… et elle apprend rapidement qu’un de ses amis, Casey, a disparu récemment.
On suit donc la vie quotidienne de Mae et de sa bande de potes : Bea l’alligator, gothique intelligente mais systématiquement blasée ; Gregg le renard, voyou anarchiste hyperactif ; et son compagnon Angus l’ours, le nerd silencieux. Une belle bande de clichés sur pattes, avec lesquels notre héroïne fera les quatre cent coups. Night In The Woods est un jeu d’aventure, dans la frange la plus « narrativiste » du genre. Il n’y a pas d’énigmes ni de véritable challenge. Le gros des interactions se limite à des discussions, où l’on pourra choisir ce que répondra Mae parmi deux ou trois possibilités. Il reste un peu plus interactif que le walking simulator moyen, ceci dit, comme on le verra plus loin.
Un jour sans fin
Le jeu se structure sous forme de journées successives. Chacune est l’occasion de se promener assez librement dans la ville, de discuter avec à peu près tout le monde pour découvrir de petites histoires, et de sortir avec un ou plusieurs potes. A noter que certaines journées sont exclusives à ce niveau : Mae n’aura le temps de passer voir qu’un seul ami – l’occasion pour le jeu de forcer un peu artificiellement une rejouabilité. Pour pousser dans le cliché, toute cette petite bande fait partie d’un groupe de rock, qui fera régulièrement des répétitions. Toutefois, une routine s’installe très rapidement. Tous les jours, on espère quelque chose de nouveau, qui ne vient jamais vraiment.
Néanmoins, causer quelques minutes avec les deux-trois personnes sur le chemin pour aller voir les potes donne à chaque journée sa couleur… En nuances de gris. Dans le fond, c’est toujours pareil, toujours la même routine : chaque matin, on se lève, on vérifie nos messages sur notre PC portable, puis on va faire un tour en ville, histoire de tuer le temps. On passe voir les potes, espérant retrouver nos meilleurs souvenirs, mais c’est jamais vraiment comme avant. Jusqu’au soir, où on joue un peu à Demontower avant d’aller pioncer… pour mieux recommencer le lendemain. Demontower ? Un jeu dans le jeu, installé sur le PC de Mae, qui s’avère un peu plus riche en gameplay que le reste. Il s’agit d’un petit Roguelike aussi simple qu’efficace, dans lequel on se surprend à retourner assez souvent pour se changer les idées.
Et cette nuit dans les bois, alors ?
Et puis, Mae commence à faire des rêves étranges, cryptiques, qui laissent une marque chaque jour grandissante sur elle. Jusqu’à ce que sa routine quotidienne soit brisée aux trois-quarts du jeu par un événement marquant surnaturel. Celui-ci en changera la structure jusqu’à l’épilogue, pour quelque chose de beaucoup plus dirigiste. Ouais, en deux mots, on fourre là-dedans un grand méchant. Le changement de ton que l’évènement induit paraît brutal (… peut-être est-ce voulu), mais creuse toujours plus loin sur le thème déjà bien ancré de la nostalgie, interconnecte bien la plupart les histoires, questions, ou événements qui semblaient jusque là gratuits (… à commencer par le titre du jeu). Je ne vais pas en dire plus sur l’histoire (peut-être en ai-je déjà trop dit, d’ailleurs) ; mais elle s’avère très sympathique, comme peut l’être une version « jeunes adultes » de ces séries animées américaines dites « intelligentes » pour jeunes ados modernes… Naïf, mais avec ce qu’il faut de mystère et de questionnements sur des sujets de société variés (dépression, religion, etc… ) pour tenir en haleine. Pensez Gone Home, en plus vivant.
Il n’y a, comme je l’ai dit, pas grand-chose de plus qu’une histoire, alors est-elle pour autant aussi potentiellement efficace pour tout un chacun ? Pas sûr ; il n’y a pas vraiment de demi-mesure avec Night In The Woods. Si vous avez vécu directement ou non la situation de Mae, ça ne peut que marcher, surtout si vous êtes un peu ado dans l’âme… Sinon, c’est un jeu narratif bavard, et pauvre en gameplay de plus… Avec des personnages qui passent leur temps à se plaindre, alors qu’ils ont tout ce qu’il faut pour être heureux. Un semblant de volonté d’objectivité me force à signaler que j’ai plus ou moins été dans le premier cas dans le passé, et que cela a certainement affecté mon jugement. Quoi qu’il en soit, reste que l’ensemble est indéniablement bien raconté ; les dialogues sont très bons, et parfois assez frappants de réalisme. Les quatre personnages principaux ont de fortes personnalités, et causent entre eux comme de vrais jeunes adultes et amis d’enfance. Ça déconne, ça charrie, et c’est d’une touchante sincérité lorsque le ton se doit d’être sérieux. Certains passages sont d’une telle justesse que je soupçonne la chose d’être partiellement autobiographique.
Autumn leaves
Côté visuel, artistiquement, comme vous avez pu le constater sur les screenshots, le jeu est assez impressionnant. L’ambiance est automnale, propice pour associer couleurs et mélancolie, et laisse parfois place à des bleus nocturnes façon ciel étoilé. De nombreuses animations mimi tout plein donnent vie à tout ça : une tripotée de petits animaux, feuilles, véhicules se déplacent continuellement en ville autour de Mae. C’est superbe, vivant, coloré, tout en collant au thème pourtant moins jouasse. Tout cela, soutenu par une très bonne bande-son, très riche, que je me surprends régulièrement à fredonner sous la douche ou à écouter en bagnole. Écoutable ici pour les plus curieux :
Et sinon, c’est quand qu’on joue ?
Le jeu est un poil plus qu’un visual novel, que je disais. Côté gameplay donc, qu’en est-il ? La présentation sous forme de sidescroller 2D, et le fait que l’on contrôle un chat, donne forcément à la jouabilité une couleur de platformer. Quelques gadgets sont présents, du style combo de sauts (… le troisième saut d’une série est plus puissant), qui servira à accéder à des zones secrètes. Ces zones, planquées un peu partout, possèdent chacune leur petit bout de background. La ville de Possum Springs, ou l’on passera la large majorité du temps de jeu, s’avère d’ailleurs avoir une certaine verticalité plaisante.
Night In The Woods a donc un vrai aspect exploration – la plupart des bâtiments ont une histoire, témoins du passé de cette ville minière qui elle aussi a vécu de meilleurs jours ; le parallèle avec Mae est d’ailleurs tout trouvé. Les sorties entre potes sont représentées par des minis-jeux très variés dans leur présentation, mais qui n’amèneront forcément jamais bien loin côté interactivité : attraper des parts de pizza, casser des bouteilles à coup de batte, Guitar Hero–like lors des répétitions du groupe, etc… Leur seule utilité est, à nouveau, d’en raconter un peu plus sur chaque personnage, autrement qu’en passant à la réplique suivante. Reste le fameux Demontower, décidément plutôt fun, histoire de varier les plaisirs.
Je m’arrête ici pour Night in the Woods. Alors, bien ou pas ? C’est bien foutu, mais pour ce qui est de l’apprécier… Tout dépend de vous. Il n’y a pas suffisamment de gameplay pour maintenir l’intérêt, et la narration est calibrée pour un public particulier et un seul. Si vous ou un de vos proches avez connu la situation de Mae, foncez : l’histoire est touchante, dans un genre mélancolique et nostalgique. Sinon, ce n’est pas la peine d’essayer ; c’est trop « ado » , trop caricatural et complaisant… Dans tous les cas, son esthétique très réussie et ses personnages adorables en font la prochaine cible de choix pour nos amis furries qui vont prouver une nouvelle fois la 34ème Règle d’Internet. (… Pas la peine de chercher sur Google. Non, vraiment. Je ne déconne pas.)
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Donc si j’ai bien compris, son design cartoon s’adresse aux plus jeunes, son histoire s’adresse aux ados et son sous-texte s’adresse aux adultes ? ça brasse large, dis donc…
Je reste vraiment sur une impression de jeu pour ado/jeune adulte. Oui aux deux premiers – bien que je ne trouve pas le design si « enfantin » que ça (moi qui ne suis pas du tout fan de style cartoon habituellement).
Pour le dernier point (le sous-texte) c’est plus discutable : si sa présence est en en effet appréciable pour le public le plus « mature », c’est pas non plus la folie…
J’ai comparé NITW à des « séries américaines animées modernes », ça reste dans cet ordre d’idée. Ça va pas beaucoup plus loin côté sous-texte que ce qu’un Adventure Time/Gravity Falls/etc. pourrait faire par exemple. On se sent un peu moins con en le lisant (d’où le côté agréable à suivre) mais pour faire de la philo c’est un peu juste
OK merci. Je ne suis définitivement pas le public cible. Mais mine de rien, ça peut être un bon cadeau pour une cousine ado. Juste dommage qu’il n’a pas plus de trucs à la League of Legends, je pourrais plus facilement la convaincre d’y jouer ><