D4 : Dark Dreams Don’t Die – Saison 1
D’habitude, je débute de manière à développer distinctement les directions prises dans la suite de mes dires. Aujourd’hui, je décide de faire différemment dans la mesure d’une critique difficile à écrire, le délirant D4 est indiscutablement délicat à définir. Dit ainsi, dur de ne pas déjà être désarmé par ce début de texte, car D4 se distingue par son design complexe et détient donc une différence qui lui permet de, définitivement, et assez divinement, distancer la concurrence. D4, pour Dark Dream’s Don’t Die, est en effet le seul jeu qui m’ait inspiré une introduction de six lignes pour y placer 37 D indépendants de son titre, que je vais vous laissez compter. Fainéants.
R2-D2, Détroit, rangez les au placard ; D4 n’a rien à voir avec toutes ces fantaisies. D4 est une exclusivité Microsoft originellement sortie sur la Xbox One, et sortie plus tard sur PC. Il est développé par Hidetaka Suehiro (même plus besoin d’aller sur Wikipédia), et si vous êtes lecteur assidu du site, vous savez pertinemment que c’est le game designer de Deadly Premonition. Non ? Vous me décevez.
Toujours est-il qu’entouré de Microsoft et de ses gros brouzoufs, Hidetaka semblait tout avoir pour imposer sa vision au travers d’un jeu évidemment singulier. De quoi montrer qu’un format épisodique n’entraîne pas forcément que des cinématiques à tire-larigot et un gameplay minimaliste – Telltale et Dontnod, oui, on parle de vous – et que Deadly Premonition n’était pas qu’un miracle. Alors, c’est réussi ? En tout cas du côté du visuel, pas vraiment.
Pas vraiment, mais il y a du mieux, du carrément mieux même. Si Deadly Premonition pouvait rappeler une PS2 en fin de vie, D4 rappelle une 360 agonisante. En effet le jeu utilise l’Unreal Engine 3 – crève moteur de mes deux, cela fait 9 ans que tu me harcèles ! – qui est un moteur d’ancienne génération, et s’en sert assez correctement. Les environnements, bien que petits, sont très détaillés, remplis d’objets interactifs et de petites choses rigolotes.
Les textures sont malheureusement assez grossières, et le jeu accuse d’un aliasing très prononcé dès qu’un objet se situe un peu trop loin de vous. On notera une direction artistique très colorée, et en cel shading pouvant faire office de léger cache misère. Mais en dehors de l’économie de moyens qu’elle permet, elle s’avère aussi assez réussie, et parfaitement en accord avec l’esprit loufoque de l’auteur du titre.
Parlons un instant des musiques, délicieusement décalées, jazzy, et parfaitement en accord avec le ton décomplexé du jeu. Pas une fausse note côté doublages non plus. Tout dans le surjeu, vous rencontrerez des gens très mystérieux particulièrement mystérieux, des policiers bourrus parfaitement bourrus, et des hystériques parfaitement énervantes et susceptibles de vous donner envie de les guérir à grand coup de claques. Côté bruitages, on est devant quelque chose de correct, sans réelles fioritures.
Les modélisations de personnages s’avèrent quant à elles assez sommaires, ce qui n’est en rien un défaut, dans la mesure où celles-ci se marient parfaitement avec le rendu comics du jeu. Là où par contre Swery65 ne déçoit pas – et s’avère même tout à fait surprenant – c’est dans la mise en scène des affrontements du jeu. Les séquences de « cascades » comme elles sont appelées, ça va n’importe où, ça fait n’importe quoi, et c’est tout à fait succulent à regarder et à jouer.
Parce que oui, on est bien dans un jeu vidéo, et Swery ne l’oublie pas. Ainsi, on a le droit à ces fameuses phases de cascades où vous auriez l’occasion de vous frotter aux rares QTE que je considère comme utiles et réussis. Cela fait beaucoup de compliments pour ce que je considère comme un cancer du jeu vidéo, mais je pense sincèrement que ces QTE complexifiés – s’apparentant à un genre de mini jeu de rythme – accentuent la tension dans une mise en scène parfaitement maîtrisée. Il faut le dire : c’est un très bon complément aux cinématiques qui s’enchaînent, sans que l’on ai jamais véritablement l’impression de ne pas jouer.
En parlant d’interaction avec les cinématiques, il y a aussi parfois des observations à faire dans celles-ci. Elles sont tout à fait secondaires et permettent juste de vous faire gagner quelques crédits – monnaie du jeu. Loin d’être intrusives, ces interactions s’avèrent tout à fait aptes à garder le joueur un peu pingre, moi en l’occurrence, mais ne sont pas vraiment nécessaires au bon fonctionnement de la narration. En effet, l’histoire contée dans D4 est très étrange, surtout très bonne, mais nous y reviendrons.
Vous aurez à vous balader dans différents environnements – quatre en l’occurrence – qui comportent chacun un certain nombre de tableaux. Chaque action vous coûtera des points d’endurance que vous pourrez récupérer en mangeant. En plus de cette gestion de la faim plutôt réussie, car juste assez contraignante pour proposer un petit challenge, nous trouverons un système de santé assez limité. Vous ne serez jamais vraiment inquiété par votre vie, car les occasions de la perdre ne sont pas légion. Les médicaments et autres bandages magiques vous soignant d’une décapitation sont très nombreux par contre. Et enfin vous pourrez boire tout votre saoul afin de régénérer vos points de vision. Ces derniers permettent d’enclencher un mode spécial, vous permettant de voir tous les objets interactifs. Je n’ai personnellement pas utilisé ce mode.
Bien sûr, chaque accomplissement, qu’il soit interaction, bonne réponse dans un dialogue, trouvaille, etc… vous rapportera des crédits vous permettant de vous acheter de la nourriture, de la boisson – le whisky étant l’une des plus bénéfiques pour votre personnage, car oui, l’abus d’alcool est bon pour votre héros – des vêtements influençant les caractéristiques de votre personnage et… des disques de musique parce que D4 est groovy.
Ah ! Un détail qui a son importance pour les joueurs One : le jeu est entièrement jouable avec Kinect ! Oui oui, vous savez, la caméra de la Xbox… Quoi vous en avez pas ? Moi non plus, mais il me semblait bon de vous le dire et qu’il paraît qu’en plus c’est bien. Pourquoi je n’ai pas Kinect ? Parce que j’ai déjà le mauvais goût d’avoir une Wii chez moi, et qu’on ne m’y reprendra pas deux fois.
Enfin, nous arrivons au scénario et à l’écriture. Veuillez noter que j’ai tout de même écrit 1032 mots à propos d’un jeu épisodique narratif, avant d’en arriver à la narration en elle même. Prenez en de la graine Dontnod et Telltale ! Alors, pour ce qui est de l’histoire, sachez que cela me serait très compliqué de vous la décrire avec des mots. Vous incarnez un ex flic. « Allez, ils vont encore nous la jouer avec « déprimé, « . Je vous l’avais dit ! « alcoolique, « . Tout y est je vous dis ! « et qui peut retourner dans le temps » Mais c’était sû… attends, quoi ?! Eh oui, cet ex flic se nomme David Young, dans la trentaine, et c’est avec ce personnage torturé, gaffeur, un brin dragueur, et pourtant taciturne, que vous devrez composer.
L’écriture est de bonne qualité. Les dialogues, faisant souvent dans le n’importe quoi, mélangent le sérieux et le décalé, tout comme les personnages sont tantôt complètement débiles (une femme-chat) et sérieux à en mourir (le flic Derek). L’ensemble ne souffre d’aucuns soucis de cohérence, car le jeu ne se veut pas sérieux, et vous serez amener à rire à de nombreuses reprises devant des situations assez… assez D4. Oui, disons-le ainsi. L’histoire a le mérite de ne pas manquer de rythme, et l’on voit défiler devant soi avec plaisir le prologue et les deux épisodes que comporte déjà cette beaucoup trop courte saison 1.
En effet, 5 à 6 heures seront nécessaires à l’accomplissement de la majeure partie du contenu du jeu. Dans ce temps n’est pas comptabilisé les missions annexes absolument stupides au nombre de 37 (est-ce un signe ?) et un mini jeu sur lequel vous pourrez vous amuser au scoring. Bien sûr, vous pourrez recommencer les épisodes afin d’améliorer votre score et votre degré de complétion global, ou tout simplement pour vous replonger dans un univers loufoque, intéressant, et peuplé de personnages surprenants. Est-ce que cela vaut 15 euros ? Je suis obligé de vous dire que oui, mais cela reste un jeu narratif qui cible déjà un public bien particulier, tout en étant particulier. A vous de savoir si votre égo vous force à admettre que vous êtes un cas parmi des cas.
Court, mais certainement plus pertinent que 95 % de ce que nous avons eu le droit en 2014. D4 : saison 1 s’impose comme un candidat de choix pour tout amateur de jeu narratif, ou pour les rares aficionados de point’n click. Un jeu d’auteur ambitieux qui saura convaincre les plus ouverts aux délires étranges de monsieur Hidetaka Suehiro. Si vous avez aimé Deadly Premonition, foncez, et si vous êtes curieux, allez-y. Au pire les promotions existent !