The Evil Within 2
Est-ce que c’était une bonne idée de donner suite à The Evil Within ? C’est probablement la question que ne s’est pas assez posé Tango Gameworks après le succès commercial du premier opus. Mikami n’est plus à la réalisation, cédant la place de réalisateur à John Johanas. Ce n’est pas un parfait inconnu, car il a déjà travaillé sur les DLC du premier jeu à cette même place. Le sort du nouveau réalisateur se rapprocherait presque de celui d’un Kamiya ayant succédé à Mikami sur la série Resident Evil. Mais est-il à la hauteur de la tâche ? Nous allons pouvoir y répondre, mais se montrera-t-il à l’avenir aussi ingénieux que maître Kamiya, et aussi productif ? Je l’espère sincèrement, car The Evil Within 2 est une réussite. Une drôle de réussite, mais tout de même, je n’y aurais pas cru de prime abord.
Comment faire un jeu radicalement différent avec la stricte même base ? John Johanas semble s’être posé cette question, car tout dans The Evil Within 2 pourrait être résumé par la phrase suivante : « C’est le même jeu, mais tout y est profondément différent » . Partant de cela, comment établir une critique non-contradictoire à partir d’un postulat qui peut pourtant le paraître ? C’est tout le défi qui m’est aujourd’hui proposé. Si l’on ne pourra pas statuer strictement qui de The Evil Within premier du nom ou du second est, ou n’est pas, le meilleur de la série, nous pourrons au moins affirmer que si vous avez apprécié l’un, vous serez mécaniquement amené à au moins apprécier l’autre. La sensibilité de chacun ira ensuite déterminer qui du titre de Mikami ou de Johanas est la meilleure expérience.
Le premier The Evil Within était un fonceur, profondément bourrin et subtil dans son approche de l’horreur. Le second est peut-être encore plus subtil, moins bourrin, plus atmosphérique. Il recèle pourtant de moments de réminiscences du premier opus, comme s’il voulait en même temps être profondément un autre jeu, tout en apportant avec lui une grande partie de ce qui a fait le génie du premier. J’ai lu des mauvaises plumes écrire que là où The Evil Within 2 réussi, c’est lorsqu’il est similaire à son aîné dans sa construction linéaire. Nous pouvons contredire cela en un simple « non » . The Evil Within 2 est au moins aussi bon que son aîné dans ses portions linéaires, et au moins aussi intéressant dans ses portions ouvertes. Le jeu est en effet découpé de bien curieuse manière, évitant bien souvent le rythme couloir / zone ouverte / couloir / zone ouverte que l’on aurait pu craindre. Pour schématiser, les zones ouvertes ressemblent à des hubs dans lesquels le danger rôde, mais probablement pas la peur comme le premier opus la construisait. Il recèle par contre de petits secrets qui distilleront une inquiétude grandissante à l’égard de ces zones qui paraîtront presque rassurantes aux claustrophobes.
Croyons-le ou non, The Evil Within 2 est loin, très loin de récompenser la curiosité. Disons que, au mieux, vous réussirez à trouver des équipements pour vous aider plus tard, mais vous paierez parfois cher le prix de la flânerie et de la curiosité. L’exploration dans le titre donne parfois lieu à de brutaux changements d’atmosphère, d’unité de lieu et de temps, si bien que vos premières découvertes pourront bien vite vous dissuader d’avoir la curiosité de continuer à explorer. Toutefois, ce n’est pas que la curiosité dans les zones ouvertes qui peut amener à avoir un moment de frayeur ; il y a aussi une créature pouvant se manifester, rarement, mais à des occasions si incongrues, laissant parfois penser à une génération procédurale de ces apparitions qui peut vous mettre dans des situations bien compliquées. Il y a aussi quelques scripts là pour vous remettre dans le bain lorsque vous prenez trop d’assurance. Bref, l’ouverture de The Evil Within 2 peut paraître parfois aussi contemplative qu’un The Last Of Us. Au contraire, c’est probablement ces moments qui sont les plus imprévisibles, tout en étant évidemment les plus aérés.
J’ai parlé de The Last Of Us, car John Johanas semble s’être inspiré de ce dernier afin d’approfondir quelques mécaniques de craft et de progression. Il y a désormais, dans The Evil Within 2 une liberté d’approche évoquant celle d’un The Last Of Us. L’IA des ennemis, particulièrement permissive, permet d’ailleurs ici une approche furtive des plus pratiques pour éviter de gâcher les rares munitions et objets de soin que vous pourrez trouver. Le mieux reste encore de fouiller l’environnement à la recherche de quoi se faire de l’équipement. Cette exploration, quasiment contrainte, ne se vit pas comme tel, car les zones ouvertes sont plutôt bien bâties et ne sont jamais trop longues à parcourir. On sera même surpris d’y trouver des quêtes secondaires qui, même si elles sont peu nombreuses, ont le mérite d’être aussi bien mises en scène que l’aventure principale, et très généreuses en péripéties.
Ceci amène donc une certaine homogénéité à l’aventure, et ce malgré l’alternance de rythme très différent. Quand The Evil Within 2 est dirigiste, il le fait très bien, et lorsqu’il est ouvert, il le fait de manière pertinente. On pourrait craindre le sentiment d’un jeu coupé en deux, se perdant dans ses intentions différentes. En réalité, l’équilibre et l’alchimie sont presque parfaits. De là à dire qu’il n’y a pas de couacs dans la progression globale, je ne m’y risquerais pas, car l’introduction du titre, beaucoup plus claire et contextualisée que celle du précédent, est aussi terriblement plate et moins engageante. On regrette d’ailleurs que, pour rentrer dans le jeu, il faille attendre justement une bonne demie heure d’exposition maladroite, avant de foncer dans une référence habile et maîtrisée au premier opus qui succède à la première zone ouverte.
Ce rythme, d’abord bancal, finit très vite par laisser place à quelque chose de très équilibré. John Johanas a eu pour lui la chance de s’exercer avec deux DLC sur The Evil Within original, et le travail paye. Sans pour autant être aussi contraignante que dans l’aventure de l’agent Kidman, les phases où le joueur se retrouve impuissant et forcé de fuir face à un adversaire trop puissant sont plus ambitieuses, maîtrisées, et surtout beaucoup plus intéressantes. L’équipe de développement a su insuffler du renouveau à son jeu, alors que curieusement on pourrait lui reprocher un manque de variété dans le bestiaire, ainsi que dans la variété des environnements traversés. En effet, quitte à être parfois quelque peu troublant, l’unité de lieu est ici clairement mieux définie. Nous sommes dans la ville d’Union et nous gravitons autour de celle-ci. On croisera donc beaucoup plus d’intérieurs, parfois peu inspirés, beaucoup plus de coins de campagnes un brin paumés ; on a globalement moins l’impression d’être baladé dans un cauchemar.
Pourtant, The Evil Within II sait se montrer remarquable quand il le faut, au bon moment, à intervalles tout à fait irréguliers ; un rythme qui laisse à penser que le jeu a été maintes et maintes fois abordé comme une œuvre qu’il a fallu ajuster, et non comme un ensemble d’événements développés en un bloc. Je n’ai pas ressenti la routine qui aurait pu faire tant de mal à un jeu finalement semi-ouvert, car l’aventure offre suffisamment de « moments » dans le sens, des instants qui marquent. Et c’est bien là où The Evil Within II parvient à égaler son prédécesseur et s’assure d’ores et déjà sa place de digne successeur.
Mis à part ces éléments, qui font de ce titre une chaude recommandation de ma part, soulignons l’aspect technique encore parfois un peu vacillant, avec une version Xbox One accusant de quelques chutes de framerate dont on se passerait bien, mais également des textures un peu baveuses, ainsi que l’absence de cinémascope dans le premier run. Cette absence, qui vient d’une demande clairement exprimée du public, vient rendre légèrement moins marquant et viscéral le rendu du jeu, gagnant ainsi en clarté ce qu’il perd en identité. Relativisons cette légère déception par la présence en bonus de ce même cinémascope lorsque vous aurez fini le jeu une première fois, mais aussi et surtout, car le titre est ici différent dans ses intentions par rapport à son prédécesseur, et recherche une autre forme de peur.
Notons aussi une infiltration légèrement plus fonctionnelle que par le passé, avec quelques mécaniques révisées. Néanmoins, globalement, on a toujours l’impression d’une feature cochée plus qu’autre chose. Le système d’évolution du personnage et de crafting appuie un sentiment de progression plus gratifiant, avec malgré tout un bémol assez évident : en fin de jeu, difficile d’être réellement mis en difficulté. Enfin, saluons une formule de TPS à l’identique toujours aussi lourde et efficace, bien que l’on note quelques souplesses bienvenues. Résulte de cela un sentiment global que rien n’a été trahi, et que tout a été légèrement amélioré.
Ce n’est par contre pas le cas d’une esthétique moins sale que par le passé dans la majeure partie du temps, mais qui retrouve un peu de son cachet d’antan à l’occasion de quelques moments marquants. Ce visuel plus propre, plus léché, et plus élégant, renforce l’idée d’être dans le même jeu, mais tout à fait différent ; une impression décidément tenace qui fait écho au virage brutal pris par le scénario et toute la dimension narrative. Plus direct, moins cryptique, The Evil Within II a pour souci de se rendre compréhensible au plus grand nombre, au risque de décevoir ceux qui ont apprécié l’aspect effacé du premier opus sur ce plan. On doit donc faire avec des personnages fonction, un approfondissement relativement abouti des principaux personnages, une histoire avec un antagoniste mieux identifié, et un déroulement global plus cohérent et dirigiste, ce qui va globalement à l’encontre même de ce que suggère la structure plus ouverte du jeu.
Là où le bât blesse avec cette histoire, ce sont les dialogues téléphonés, les cinématiques rarement aussi percutantes qu’auparavant, un personnage principal qui s’en prend plein la gueule mais qui a ici fortement tendance à se morfondre (… parfois plus que de raison). Tout ceci est largement justifiable par la direction prise par le nouveau réalisateur, bien que l’on aurait tout de même apprécié quelque chose de plus neuf, de plus profond, voire de tendre vers Silent Hill encore un peu plus comme peut parfois le suggérer cet opus. Toutefois, The Evil Within s’étant codifié comme un survival horror tendant vers l’action, difficile de trahir profondément des bases aussi solides.
Ne crachons pas dans la soupe : c’est déjà un assez grand miracle qu’un jeu supervisé par Mikami, et non réalisé par celui-ci, se ressente comme un vrai nouvel opus courageux qui parvient si efficacement à faire le pont entre l’avant et l’après. The Evil Within II est une réussite malgré le poids qu’aurait pu représenter l’héritage de Mikami sur celui-ci, et le simple fait de se retrouver avec un jeu qui évolue autant, tout en conservant tout ce qui faisait le meilleur du premier titre, est une belle façon de faire perdurer une série. On peut féliciter Tango Gameworks d’avoir rendu une seconde copie aussi soignée et aussi proche de ce que j’attends d’une vraie bonne suite. John Johanas est un très bon réalisateur, et on attend désormais de voir si le monsieur pourra être aussi bon auteur sur un projet original, à l’instar d’un Kamiya.
On aurait pu craindre le pire. On a finalement eu le mieux possible. On était en droit d’attendre une suite fainéante, qui ne change rien. On a finalement eu un jeu de la trempe de son prédécesseur, mais très personnel, tout en étant profondément la même chose en termes de gameplay. Il parvient même à creuser ses différences au cœur même de ce qu’on attend d’un survival horror. Avec son ambiance plus contemplative mais aussi plus surprenante, son action plus souple mais aussi plus ouverte, sa liberté nouvelle sans qu’elle soit meurtrière pour son rythme, The Evil Within II se pose là en jeu de compromis. Finalement, on se retrouve devant un titre entier, à la personnalité propre qui n’a pas eu besoin du créateur originel de la série pour briller. Espérons que le temps donne à cet opus les ventes qu’il mérite. Achetez-le bande d’ingrats. Bethesda, éditeur de l’année 2017, et de très loin.
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C’est consternant de voir encore une fois cette manie AAA de foutre de l‘open world dans tout et rien pour rendre le truc vendeur. C’est pour ça que c’est encore plus consternant de voir que le jeu ne s’est pas vendu tant que ça malgré tout. Bethy se vante d’être le dernier bastion du jeu solo mais si tous ses jeux sentent le Elder Scrolls/Dishonored, on en est forcément tout autant écœuré que du côté de Ubi et EA qui font de jeu multi mais quand même open world lui aussi.
Bref, j’avais pas mal apprécié le 1er TEW, bancal dans ses mécaniques et pas mal cliché, mais intéressant dans ses esthétiques zarbi et son univers tordu. Par contre, entre le open world forcé et Shinji Mikami qui n’est plus de la partie, je ne suis pas pressé de me le prendre le 2éme. Je me le payerais surement à gros rabais (comme j’ai fais avec le 1er) histoire d’avoir potentiellement moins mal au derche.
Bah pour le coup celui-ci s’en sort plutôt bien avec ses zones ouvertes.
Le tout c’est le dosage, et cet opus justifie pas mal cette nouvelle ouverture qui ne fait pas franchement de mal à l’expérience au global et lui apporte un truc justement. Je pense qu’ils sont arrivés à trouver un bon compromis mais qu’il ne faut désormais plus ouvrir l’environnement au delà de ce que fait déjà cet opus, c’est vraiment équilibré comme je le dis :p
Oui, c’est vrai que c’est une question de dosage. Il y a un compromis entre le level design couloir et l’open world creux. A voir donc.
Sinon, ils ont annoncé un mode FPS officiel tout récemment. Bon, ils singent allègrement les Resident Evil avec cette démarche, mais c’est une feature qui me motive clairement parce qu’il n’y a pas mieux pour le sentiment de claustrophobie et de stress. Bah, ouais, bye bye la vue par dessus les couvertures et au coin des murs alors que t’es safe.
Ouais j’ai vu, ça me donne envie de relancer le titre par pur masochisme car déjà qu’en 3 ème personne il est pas très gentil, alors en première…