The Deer God
The Deer God est un échec sur toute la ligne. Allons-y gaiement : quoi qu’en disent les ploucs, la chasse est une abomination, sa pratique devrait être interdite et ses pratiquants émasculés, histoire d’éviter qu’ils se reproduisent : ce serait « bon pour la survie de l’espèce » , comme ils aiment à l’asséner sans plus de rime ou de raison qu’un macaque qui se cogne la tête à la vitre pour essayer de passer au travers. Mais ceci étant dit, est-il vraiment besoin d’en faire un jeu ? Il y a nombre de sujets à aborder, et ton dévoué se pose sérieusement la question, lecteur. Mais passons cette digression et venons-en au fait.
Dans The Deer God, donc, on incarne un chasseur qui se prend un méchant retour de karma et se voit réincarné illico presto en cerf. Enfin, en faon. De là commence un voyage qui se veut dans l’esprit semblable à celui de Journey. Et c’est là que les problèmes commencent. Contrairement à Journey, The Deer God se veut plus platformesque que son cousin. J’ai rien contre l’idée, mais faudrait-il encore que les choses n’en restent pas à ce stade proche des limbes où on a l’envie de faire des choses. Et là, The Deer God commence à se vautrer. Contrairement aux apparences, The Deer God n’est pas un platformer. Enfin, techniquement il se qualifie. C’est juste qu’il n’y a rien d’inspiré dans sa technique et qu’aucune difficulté ne vient mettre les réflexes du joueur à l’épreuve : le double saut est offert dès le départ et, sachant qu’il est la clé de 99.9 % du jeu… Tout est déjà dit à la 5ème seconde de jeu.
Le .1% restant ? Simple, lecteur : une petite demi-douzaine de fois sur la durée de ton périple, un saut sera impossible, et le problème sera toujours la hauteur de la plateforme à atteindre. C’est là qu’entrent en jeu les objets : au fur et à mesure, notre héros / anti-héros va trouver quelques objets qui sont censés pouvoir l’aider dans son périple : invulnérabilité, protection, alliés à invoquer, objets de soin ou nourriture, un peu tous les poncifs du genre y passent, mais bien peu te serviront, lecteur. À vrai dire, l’invulnérabilité ne te servira qu’à te flinguer le reste de difficulté du jeu, et les autres objets sont d’une inutilité proche de celle du gagnant du dernier télé-crochet à la mode.
Restent deux objets qui remplissent exactement la même fonction : un champignon sur lequel rebondir bien haut, et un autre parfaitement oubliable qui permet de sauter plus haut pendant quelques secondes. Que tu trouveras toujours avant de rencontrer les obstacles correspondants – applique ton powerup et passe ton chemin, il n’y a plus rien à voir. Je parlais de nourriture. C’est fou ce que les choses peuvent s’enchaîner correctement, parfois. Le jeu t’offre trois stats, lecteur : points de vie, faim, endurance. Tes points de vie diminuent quand tu morfles ou que ta faim tombe à 0, ta faim quand tu ne manges pas, ton endurance quand tu utilises tes mouvements spéciaux et tes pouvoirs.
Mais voilà : non seulement la nourriture est en surabondance – au point de pouvoir passer buisson sur pomme sur ananas sans trop de problème, et ce à une régularité aussi effarante que le cul de Kim Kardashian quand on a la plus vague idée de ce à quoi ressemble un corps humain normalement constitué. Pire encore : pour peu que la jauge de faim ne soit pas vide, la santé se reconstitue. Certes lentement, mais ce n’est généralement un problème que face aux boss du jeu, quand on cherche encore la bonne tactique.
Boss qui, d’ailleurs, ne te demanderont pour ainsi dire jamais d’user de tes pouvoirs. Pouvoirs qui sont apparemment au nombre de dix, mais que tu peux oublier pour la plupart – une partie et demi plus tard, je dois encore en découvrir le moindre en dehors de la boule de feu et de la lumière – lumière qui par ailleurs parvient à établir un record dans les annales de l’inutilité. Là encore, rien à voir et rien à utiliser. Enfin si, la boule de feu te permettra de raccourcir les combats. Contre les bosses c’est lamentable – il n’en faut déjà pas beaucoup pour leur faire mordre la poussière, mais avec la boule de feu ça devient carrément barbecue festif de la fête des voisins. Contre les ennemis normaux c’est un don du ciel, mais un don du ciel foiré.
Parce que si certains ennemis demandent que tu leur rentres dans le lard deux ou trois fois, d’autres prendront six, sept, huit coups avant de tomber. Et ta jauge d’endurance ne le permettra ÉVIDEMMENT pas, lecteur. Ce qui te plongera directement dans une pattern aussi complexe qu’un Adibou pour les nuls : sauter au-dessus de l’ennemi, voir si la jauge s’est assez remplie. Lui foncer dessus si c’est le cas. Répéter. Bon, ce serait cool. Si ça n’arrivait pas toutes les deux minutes et si c’était un tant soit peu complexe. Mais aucun ennemi, pour ainsi dire, ne peut contrer ça.
On se retrouve donc avec un système de combat miteux, chiant, et qu’on préfère passer tout simplement, en se contentant d’éliminer l’un ou l’autre ennemi faible de temps à autres. C’est bon pour le karma. Parce que le karma, c’est la quatrième stat totalement inutile du jeu. Tue tout ce qui gêne, gagne du bon karma (je ne m’explique toujours pas pourquoi un jeu qui tape sur la chasse avec la subtilité d’un gourdin de treant fait l’apologie du massacre de pumas, mais c’est comme ça). Tue ce qui est trop choupi, gagne du mauvais karma.
Rassure-toi : ça ne changera RIEN au déroulement du jeu.
Ceci dit, il y a une bonne nouvelle : on finit par obtenir un bonus pour les dégâts d’attaques normales. YAY ! À environ 90% du jeu. MOINS YAY ! Restent les quêtes, qui seront toujours les mêmes : aller choper un NPC plus loin à droite et revenir – ou continuer puisque le jeu loopera de toutes façons sur la / les zone(s) qui contien(nen)t ta mission du moment. C’est de toutes façons pas comme si tu risquais de crever comme une pourriture communiste. Enfin… En fait si. Les quêtes, c’est le seul moment du jeu où tu risques de crever une ou quatre fois d’affilée. Pas pendant que tu te trimballes ou que tu butes du boss hein. Pendant que tu tchatches avec le NPC qui te la refile.
Parce qu’évidemment, mettre la pause quand t’es en train de lire – que ce soit littéralement ou juste au niveau du spawn des ennemis et de la diminution de la jauge de faim, c’eût été trop compliqué. Moralité : pendant que tu t’arraches la rétine à essayer de traduire la police de merde en anglais courant, il est régulier qu’un ennemi se pointe en chantant du Eduard Khil et te mette la misère. C’est exaspérant au possible mais, fort heureusement, les éléments de Roguelike sont si peu nombreux et si mal torchés que ce n’est pas un problème.
Vois-tu, le jeu est supposé avoir une permadeath, planquée quelque part au fin fond du code. Sauf que tu trouveras régulièrement des 1-UP. Genre tu te trimballeras quelque part entre six et neuf vies durant à peu près 70 % du jeu. Et juste au cas où ça n’aurait pas suffi : tu peux toujours tringler la première biche qui passe et faire un petit. Si tu parviens par Belzeebub sait quel miracle à te faire mettre le certificat de naissance dans un quelconque orifice où la lumière ne pénètre pas, tu reviendras plus choupi que jamais sous la forme d’un de ces innombrables faons que tu as collés dans le monde tous les cinquante mètres.
Je veux même pas imaginer la pension alimentaire qu’il se farcit, le cerf, à la fin de sa quête. Mais passons. L’autre truc qui peut te tuer, lecteur… C’est les bugs. Les bugs qui te font tomber sous de la carte d’une manière telle que quelque part, après la quatrième fois, tu te dis que c’est eux ou Ubisoft, mais y’en a un des deux qui devrait intenter un procès à l’autre. Reste un voyage de deux ou trois heures visuellement monstrueux, à la musique à peu près correcte.
Recommandable, mais avec de gros caveats. N’attends pas davantage de The Deer God qu’un trip casu. Il n’a de toutes façons rien de plus à offrir.
wow, t’es bien courageux pour t’être imposé ce pensum de jeu….