The Banner Saga
Quand trois anciens développeurs de Bioware (Alex Thomas, Arnie Jorgensen et John Watson), ayant bossé sur le MMO de Star Wars, se regroupent sous une même bannière en fondant Stoic Studio, il se passe quelque chose de magique. Après une campagne Kickstarter réussie, ils nous pondent The Banner Saga, un RPG au tour par tour, prenant place dans un univers imaginaire viking. Outre le fait de s’être récolté une brouille juridique avec le vorace ricain King (qui a commis Candy Crush Saga), qu’en est-il de ce jeu ? C’est ce que nous allons voir ensemble. C’est parti !
L’aventure débute lorsque le soleil s’est figé en plein milieu du ciel. Dans cet univers d’inspiration nordique – sans pour autant oublier d’être original, deux nations cohabitent : les Varls, sortes de géants cornus à la longévité légendaire, et les Humains. Tout semble les opposer et leurs relations sont quelque peu tendues. Pourtant, face à la menace que représente le retour des Dredges, des statues animées de guerriers, ils vont devoir s’unir pour survivre. Vous vivrez l’histoire de The Banner Saga à travers deux périples distincts qui finiront par se croiser.
Dans un premier temps, à l’Ouest, les héritiers des royaumes Varls et Humains voyagent ensemble bon gré mal gré, afin de tenter de nouer des relations un peu plus poussées. De l’autre côté, à l’Est, nous suivrons Rook, un chasseur, et sa fille Alette qui fuient leur village venant tout juste d’être détruit par une cohorte de Dredges. Le contraste est d’ailleurs saisissant ; d’un côté, nous avons une véritable armée avec de nombreux Varls et de la nourriture à foison, tandis que de l’autre nos deux chasseurs sont totalement démunis.
Après avoir quelque peu déambulé, on est forcé de constater que la patte graphique, pour peu que l’on accroche au style très dessin-animé façon Disney old-school, est juste géniale ; tant dans les personnages que dans les décors, tout déborde de caractère. Quant aux mélanges de couleurs pastels, entres les prairies verdoyantes, les bannières et les membres de la caravane, tout s’accorde à merveille. Chaque tableau traversé en caravane fourmille de détails qui constitue à rendre cette saga tout simplement épique. Même la carte du monde est magnifique et bien pensée ; tout y est décrit, de la description de la région à ses histoires.
La partie sonore n’est pas en reste non plus, car Austin Wintory nous livre des morceaux très mélancoliques accompagnants les voyages en caravanes, ajoutant du désespoir dans une situation déjà bien désespérée. A contrario, pendant les combats, la musique se fait plus énergique, et s’adapte en fonction du déroulement d’un fight. Les bruitages renforcent également cette impression épique. Par contre, il n’y a pas de doublages de personnages, excepté dans les scènes cinématiques, et les dialogues sont des tableaux fixes avec des animations très light. Mais je pense qu’il s’agit là d’un compromis relativement moindre au regard du budget et de la qualité finale du produit.
Le rythme des phases de jeu est relativement cyclique ; les scènes de dialogues avec de nombreux choix, les progressions avec les caravanes ponctuées de multiples choix également, les combats au tour par tour, et enfin, les phases de repos où vous pourrez gérer succinctement votre petit convoi. Deux de ces phases ont un point commun : les choix. Rares sont les jeux m’ayant imposé des décisions prêtant réellement à conséquence. Un choix anodin de premier abord, tel que l’intégration d’un petit groupe de personnes au sein de votre convoi, pourra s’avérer très lourd de conséquences par la suite.
L’inverse est également possible, mais j’ai été, tout le long du jeu, sur le qui-vive, surveillant avec anxiété mon niveau de réserve de nourriture et le moral de ma troupe, les deux désespérément bas. Car oui, plus vous intégrerez de membres dans votre caravane, plus il vous faudra de nourriture, et pour un convoi sans cesse en mouvement, cela relève souvent de la gageure. Et sans nourriture, il y aura des morts, et cela engendrera forcément un moral en berne.
Voilà donc les deux éléments importants lors de votre périple. Autant la bouffe a une influence directe sur la survie de votre caravane, le moral quant à lui influe sur l’efficacité de vos personnages lors des combats, notamment dans le nombre de points de volonté disponibles au début d’un fight – mais j’y reviendrai plus tard. Donc, une troupe avec le moral dans les chaussettes pourrait très bien voir l’issue d’un événement virer au drame. Pour remonter ce niveau, deux manières : remporter des combats, ou bien se reposer en établissant un campement.
La deuxième solution pourrait s’avérer risquée, puisque chaque jour passé au camp réduira votre stock de boustifaille. Comme la nourriture ne tombe pas toujours du ciel, il vous sera possible d’acheter de la nourriture, non pas avec du pognon, mais avec des points de renom, pouvant être gagnés en combat. Cela ne court bien évidemment pas les rues, d’autant plus lorsque l’on sait que ces points sont utiles au développement de vos personnages jouables. Eh voilà, vous l’aurez compris, il vous faudra jongler avec un petit ensemble de ressources cruciales ayant des usages transversaux.
En parlant de la progression de vos personnages, ces derniers n’évolueront que s’ils tuent des ennemis sur le champ de bataille. On pourrait déplorer le fait qu’il n’existe que cinq rangs par personnage, mais à vous de privilégier une stratégie consistant à vous concentrer sur un personnage plutôt que sur l’ensemble de vos équipiers, ou pas. Dès qu’un certain nombre d’ennemis sont morts de sa main, votre guerrier pourra gagner un rang, lui permettant de progresser dans une aptitude en échange de points de renom.
Ces derniers peuvent également servir à acheter des objets auprès des marchands afin de booster leurs compétences. A noter qu’il est possible de n’avoir qu’un seul objet par personnage. Nous n’obtenons ces points de renom que lors des combats au tour par tour, opposants un maximum de six guerriers dans chaque camps, dont le tour de jeu varie en fonction de l’initiative dont ils disposent.
Chaque type de combattant possède des caractéristiques distinctes ; les Humains, faibles au corps à corps, s’avèrent être de bons archers, tandis que les Varls font de très bons tanks sur pattes. La capacité d’armure est représentée par une jauge bleue, tandis que la puissance de chacun dépend du nombre de points de vie dont ils disposent, représentés par la barre rouge. Le nombre de points de dégâts infligés dépend de la valeur de l’armure de celui qui se défend.
La soustraction est relativement simple, mais vous avez le choix d’attaquer la vie ou l’armure de votre adversaire, pouvant donc réduire sa résistance au préalable… En prenant en compte le fait que plus l’attaquant aura perdu de points de vie, plus son attaque sera faible. A vous de gérer ce facteur afin de ne pas perdre bêtement un élément clé de votre team. Enfin, perdre n’est peut être pas le bon mot puisque votre guerrier pourrait être seulement blessé, mais se verra affublé d’une pénalité qui durera plusieurs jours, réduisant considérablement son efficacité au combat.
Ces mécaniques de combats sont relativement simples à comprendre, et le jeu se prend très rapidement en main. L’interface n’est probablement pas étrangère à cette impression puisqu’elle est relativement minimaliste et claire. Pour autant, il y a là indéniablement un aspect stratégique important. Et c’est sans compter avec un autre élément : la volonté. Chaque unité dispose de son propre capital, mais toutes les morts d’ennemis viendront incrémenter cette jauge de manière globale. Tout ou partie de ces points de volonté peuvent être utilisés afin de se déplacer plus loin sur le champ de bataille, ou de frapper plus fort un ennemi et éventuellement porter un coup fatal qui n’aurait pu être possible autrement.
Pour ne pas changer, la transversalité des ressources mis à notre disposition revient en force puisque ces points de volonté serviront également à activer des attaques spéciales, spécifiques au type du combattant contrôlé. Pour autant, encore une fois, attention à ne pas mettre tous vos œufs dans le même panier en ne choisissant de ne faire évoluer qu’un petit nombre de guerriers dans votre équipe, car, à l’instar d’un Game of Thrones, n’importe qui peut y passer du jour au lendemain et ruiner tous vos investissements en points de renom.
Les ennemis auront également les mêmes capacités à leur disposition, si l’on excepte la volonté, et l’IA saura l’exploiter avec suffisamment d’intelligence pour vous mettre des bâtons dans les roues, n’hésitant pas, par exemple, à endommager promptement votre armure afin de mieux vous estourbir d’un bon vieux coup de hache bien placé. Cette intelligence dans les combats va de pair avec le travail sur la personnalité des protagonistes qui croiseront notre route ; rien n’est tout blanc ou tout noir.
Ces derniers sont suffisamment travaillés pour que l’on puisse avoir de l’empathie pour des personnages qui nous apparaissent comme antipathique dans un premier temps. On est donc bien loin des archétypes traditionnels présents dans la plupart des RPG, et ce n’est franchement pas pour me déplaire ! Enfin, avant de conclure, il faut savoir que ce jeu est sensé s’étendre sur deux autres suites, et puisque ce premier volet a été un bon succès commercial, la suivante ne devrait pas trop tarder.
Entre phases de contemplation, combats stratégiques, choix décisifs, et narration aux petits oignons, le tout dans un univers de toute beauté, original et cohérent, The Banner Saga est un de mes gros coups de cœur de l’année 2014. C’est peut être même le plus gros, tant cela faisait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi impliqué émotionnellement dans un jeu. Un must-have !
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