Panzer Dragoon : Orta
Parmi les jeux rétrocompatibles de la première Xbox qui ont été rendu disponible le 17 avril 2018 sur Xbox One, il y en a un en particulier qui était demandé par une niche très bruyante. Et comme à chaque fois que la niche est bruyante, je me sens le devoir de comprendre pourquoi quelque chose est autant demandé. J’ai donc craqué pour Panzer Dragoon : Orta, avec inclus dans le jeu des missions bonus et le premier remasterisé en prime. De quoi donc facilement rentabiliser un prix plutôt doux, 10 €. Et pour un prix si doux, en effet, je vous conseille de vous pencher sur ce jeu qui, à l’instar d’un certain Phantom Dust, constitue une des pièces les plus précieuses de la première Xbox. Ironie du sort, les deux jeux sont réalisés par la même personne : Yukio Futatsugi.
On se retrouve donc à nouveau dans un univers tout particulier, qui ne se dévoile que peu concrètement face à nos yeux, mais qui recèle une richesse largement suggéré par le décor et l’action. Panzer Dragoon : Orta est un shoot’em up que je qualifierais de contemplatif, tant il a pour ambition de vous faire apprécier tout ce qu’il peut vous montrer. Et il faut le dire : le titre a beau avoir désormais plus de quinze ans, il est tout à fait regardable, voire parfois, assez superbe grâce au travail sur une esthétique qui n’a pas vraiment d’équivalence, même encore aujourd’hui.
Le titre est par ailleurs extrêmement varié, et avec la grosse heure et demie qui compose la durée de vie du jeu principal, on a le temps de voir des environnements très différents, sublimés par le boost de la résolution de la rétrocompatibilité. Le titre est diablement bien rythmé par ailleurs, la simplicité des contrôles et l’intuitivité du système de jeu rendent l’expérience incroyablement agréable. J’ai tout de suite su lors de la première mission, parmi les dix qui composent la campagne principale, que le jeu avait ce supplément d’âme qui me happerait. Le fait est que j’ai été probablement hypnotisé par le jeu, tout comme Phantom Dust m’avait absorbé.
Il y a dans les deux jeux de Yukio Futatsugi ce travail sur l’atmosphère, ce travail sur l’ambiance qui, dès que l’on lance le titre, devient le vecteur d’un certain message, d’une vision du jeu vidéo. La pureté de l’expérience et son aspect condensé et calibré à l’extrême font de Panzer Dragoon Saga un jeu difficilement attaquable, forcément intéressant, mais aussi potentiellement repoussant parce qu’il appartient à un genre qui ne plaît plus à grand monde aujourd’hui.
Et c’est toute la tragédie de ce titre : il n’est fait que pour peu de personnes, et en son temps il a dû être incroyablement difficile de convaincre. Car Orta n’a ni la complexité, ni la frénésie d’un bon shmup ; il est au mieux dynamique, le plus souvent calme, contemplatif, presque sage comme jeu, volontairement épuré pour que l’on prête attention à ce qui le compose. Il n’y a jamais besoin de ne voir que le mouvement qui fait l’action, et on joue au titre comme on contemple un film. Même les phases de boss sont relativement calmes, malgré l’immensité de nos adversaires et la difficulté parfois relevée de certaines séquences de ces derniers.
Orta est un shoot’em up élégant, aux contrôles maîtrisés, à la proposition ludique étudiée pour permettre d’apprécier toute sa dimension esthétique. Généreux visuellement, il représente une prouesse car il arrive à être probablement aussi joli aujourd’hui qu’il l’était en 2002, le tout dans un glorieux soixante images seconde. Je ne m’explique pas vraiment l’hypnose qu’il opère lorsqu’on le lance, et le charme qui perdure lorsqu’on le quitte, comme si dans sa simplicité, Orta avait quelque chose de profond à dire, tout en étant le plus évasif possible sur son histoire.
Le thème de la solitude et sa représentation dans les deux œuvres de Futatsugi me force à penser ce thème comme une obsession de l’auteur, toujours à la recherche de quelque chose à en dire. Shadow Of The Colossus a lui aussi quelque chose à ce sujet, quelque chose qui font de Tutatsugi et Ueda des voisins créatifs, l’un de l’école SEGA et donc plus arcade, et l’autre de l’école Sony et donc plus narratif. Toujours est-il que je ne veux pas plus m’expliquer l’attraction Panzer Dragoon : Orta, alors si vous avez une Xbox 360, ou mieux, une One, je vous conseille de bondir sur la carte bleue et prendre le jeu en dématérialisé, parce que la version boîte, c’est plus de 50 € : l’art à un prix, mais faut pas déconner non plus.
De plus, il ne s’agit pas que de l’histoire principale. Il y a aussi le premier jeu qui fait à peu près la même longévité, et des défis à côté pour gratter des minutes et heures de jeux. Le système de score et le changement d’équipement pourraient vous convaincre de vous replonger dans cette courte, mais intense expérience. Un vrai ravissement des sens, d’autant que la musique est superbe.
Drôle de jeu, mais formidable expérience à m’en rendre nostalgique de la première Xbox. Si vous avez une 360 ou une One, il s’agit de l’un des jeux que je conseille sans la moindre hésitation, le prix du titre n’étant pas vraiment une barrière. Le plus triste avec la rétrocompatibilité de la première Xbox, c’est que je finis par me rendre compte que presque toute la composante « créative » et « artistique » des jeux AAA a complètement disparu ou presque. Panzer Dragoon : Orta, est le genre de jeu qu’il faut faire pour s’assurer de rester conscient sur le fait que le jeu vidéo peut être fait autrement, et qu’il est possible de penser une œuvre personnelle dans un genre pourtant très codifié. Un bel atout pour la rétrocompatibilité Xbox One, ainsi qu’un trésor restauré qui méritait vraiment d’entrer dans la postérité.