Matthieu Richez – C.C.C.P.

Matthieu Richez – C.C.C.P.

Découvert lors des Ping Awards en 2015, Dead In Bermuda était une déclaration d’intentions tout à fait sympathique. Et voilà que le studio C.C.C.P. se prépare à réitérer avec un nouvel opus : Dead In Vinland. Il s’avère que ces développeurs, outre leurs jeux vidéo, s’occupent aussi de serious games. Au détour d’une interview effectuée via Skype, cela a été l’occasion de faire une petite rétrospective de leurs productions. Ci-dessous, la retranscription de cet échange. C’est parti !

 

Salut !
Salut !

Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Je suis Matthieu Richez, et je suis le gérant de C.C.C.P. On est développeur de jeux vidéo depuis plus de 12 ans maintenant, et on est basé à Tourcoing et Valenciennes.

T’es passé par 6 ans d’enseignement sur la programmation en Flash ; c’était le meilleur moyen pour toi de concilier formation, programmation et jeux vidéo ?
En fait, non, pas vraiment. J’ai fait Supinfo Game il y’a 14 ans, quand l’école s’est ouverte et à la fin de mes études, j’ai directement ouvert ma boîte. Dans les premières années, en parallèle, j’ai donné quelques cours de programmation.

Mais du coup, quelle était l’idée fondatrice du studio ?
L’idée fondatrice, c’était de proposer nos services en tant que prestataires en game design et en conception de jeux pour différentes boîtes. Ça n’a pas trop marché au final et donc on s’est concentré sur le fait de s’insérer dans le domaine du serious game. A l’époque, c’était la grosse révolution en France et c’était quelque chose d’intéressant, d’utiliser les techniques du jeu vidéo dans des domaines autres. Disons que c’était une bonne base pour une boîte. Et à côté de ça, c’était aussi de faire des jeux ; ceux qu’on a toujours essayé de faire. Au début, on a fait des petits jeux Flash, des petits jeux web, etc

C’était plutôt des jeux de commande au début ?
On a fait un peu des deux. Quand on avait des gros trous dans les plannings, on faisait des jeux pour nous qu’on sortait sur différents sites, ou qu’on a vendu à des éditeurs comme Big Fish Games. Après, quand on a été plus réputé, on a pu faire quelques jeux de commande pour quelques éditeurs français.

D’ailleurs, on se demandait, pourquoi C.C.C.P. ? Perso, ça nous a davantage fait penser à l’URSS, voire à un pack de codecs ; il y a une private joke derrière l’acronyme ?
C’est ça (rires). Le nom, c’est Confluence Composite de Concepteurs et de Prestataires. On était cinq associés à parts égales au départ et ça nous faisait délirer le côté un peu communiste, mais pour monter une boîte complètement capitaliste. D’ailleurs, pendant longtemps, notre mascotte, c’était un petit Karl Marx.

Et il y a combien de personnes dans les différentes équipes (Valenciennes / Tourcoing) ?
Là, en ce moment, il y a sept personnes sur Tourcoing et sept personnes à Valenciennes. On a divisé à peu près équitablement. Globalement, l’équipe que je dirige à Tourcoing, c’est un peu plus sur les jeux, même s’il y a des passerelles entre les deux et qu’on est toujours en contact. Là notamment, on a des membres de l’équipe qui bossent sur un projet de commande qu’on a.

Sauf idée reçue, la plupart des serious games existants tournent majoritairement autour de la formation et c’est quelque chose qui fonctionne vraiment (… j’ai eu l’occasion de tester). As-tu eu des demandes pour une application dans un autre domaine ?
Ouais. On bosse pas mal dans le milieu de la santé et on a fait pas mal de serious games à destination des enfants atteints de certaines maladies, pour la leur expliquer et leur dire ce qu’ils ont le droit de faire ou pas. Ou bien, on a fait un autre jeu qui s’appelle Lumine, pour les enfants atteints d’un cancer. Donc c’est plus des serious games à vocation de communication, d’information, sur des maladies ou sur un produit. Il y a bien différents types de serious games et on n’est pas du tout fermé ; on est surtout intéressés par le fait d’utiliser nos connaissances dans le jeu vidéo pour l’appliquer dans des domaines autres. C’est d’ailleurs ce qu’on essaye de faire ; de dire aux clients de vraiment mettre du gameplay dans leurs serious games et pas juste de faire un Powerpoint animé.

Sur la page du store Steam de Dead In Vinland, il est indiqué que vous avez « survécu  » en créant des serious games ; c’était juste une vanne par rapport au contexte du jeu, ou c’était aussi pour dire que ce n’est pas forcément rentable de ne produire que des serious games en 2017 ?
C’est une vanne qui a du vrai (rires). Disons que la prestation de services, c’est fluctuant. Il faut forcément toujours chercher des nouveaux contrats, surtout pour une quinzaine de personnes ; ça demande pas mal de taff commercial. Donc t’as des années où t’as plein de contrats, et d’autres où c’est plus creux. C’est ça qui m’embête dans ce modèle : il y a très peu de récurrents. Dans le jeu vidéo, le modèle est très différent : tu créés une œuvre, tu la mets en avant, elle se vend sur le long terme. C’est un autre système commercial qui nous intéresse davantage.

Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que la France n’est pas encore réellement mûre pour le marché des serious games ; au final, ça part souvent d’un hurluberlu dans une grosse boîte qui fait une tentative, mais c’est rarement pensé comme quelque chose de réellement… sérieux ?
Il y a encore pas mal d’évangélisation à faire sur l’intérêt réel du truc, c’est sûr. Toutes les boîtes ne sont pas non plus au même niveau d’information. Certaines vont prendre ça pour un petit jeu, donc il ne faut pas que ça coûte grand chose et il ne faut pas que ce soit trop « jeu  » , parce que sinon ça va trop distraire leurs salariés… On a un peu tous les genres de discours.

Comment a été abordé le virage et la transition entre serious games et jeux vidéo ?
On a toujours essayé de faire les deux, mais c’est vrai qu’à un moment donné, on a beaucoup fait de jeux de commande, ce qui ne nous correspondait finalement que peu. On a même fait des jeux Facebook

Ouais j’ai vu ça ; un truc pour rouler des pelles à la française.
C’est ça. On n’a pas honte ! (rires) C’était plaisant mais on n’y mettait pas vraiment de notre âme. Ce n’était clairement pas des jeux sur lesquels on aurait une plus-value en tant que joueur. Il y a 2-3 ans, j’ai eu une grosse remise en question, où j’avais envie de développer des petits jeux indé qui me plairaient, parce que c’était un peu con ; j’avais une boîte de jeu vidéo, c’était pour faire ça à la base ! Je n’avais pas imaginé que ça pouvait être rentable commercialement et que ça pouvait être une stratégie pour la boîte… Alors qu’en fait, il y a plein de boîtes qui font ça. Du coup, il y a eu un virage à ce moment-là. On a fait une sorte de brainstorming en interne avec tous les salariés, pour leur demander : si on vous propose de bosser sur votre jeu rêvé, accessible pour notre studio, sur quoi vous voudriez bosser ? On a réfléchi sur des concepts et c’est à partir de là qu’on a commencé à bosser sur du vrai jeu indépendant et qu’on a commencé à s’éclater. Au final, ce qui est dingue, c’est que ce jeu qu’on a sorti, Dead In Bermuda, il a été beaucoup plus successful que tous les jeux qu’on avait pu sortir avant, alors qu’ils étaient censés être justement bien marketés et commerciaux. Quand tu mets vraiment ton âme et tes tripes, bah, ça fonctionne mieux !

Ouais, ça se voit. J’imagine que ça ne devait pas être le même délire pour un jeu mobile qui ressemblait à un Theme Hospital like ?
Typiquement, c’était un jeu de commande. Pourtant, le thème pouvait être sympa et si tu me donnes carte-blanche, ça pourrait être cool. Mais voilà, c’est des freins que l’externe te donne, que toi-même tu te donnes pour que ce soit grand-public ou ce genre de choses. Au final, on n’arrivait pas à s’éclater sur ce genre de projets. Maintenant, on se considère comme un vrai studio de jeux, même si on fait toujours de la prestation, et on y intègre notre vécu ainsi que notre ressenti.

Est-ce que l’expérience sur les serious games a eu une quelconque influence sur le développement des jeux vidéo ?
Oui, surtout sur les aspects… annexes, comme la gestion. On a aussi mis un point d’orgue à ce que le jeu soit dans le budget et dans le temps qui nous était imparti. Parce que c’est clair que, sinon, on aurait pu encore bosser deux ans dessus, vu que c’est de toute manière infini. On a réussi à le développer à trois en une année. On s’est tenu à ce que ce soit cadré ; c’est pas le mode indé dans sa cave, même si on avait au moins l’esprit vu qu’on était trois dans un bureau, et c’était vraiment sympa. D’autant plus que c’était surtout un caprice de notre part de vouloir faire des vrais jeux. Donc pour moi, c’était important que ce soit pas un truc qui parte en cacahuètes, et la prestation de services nous a bien aidé à ce niveau-là. Un jeu, c’est un budget, un planning, une date de sortie à respecter, et il suffit d’un petit écart pour que ça parte en vrille.

Et du coup, quelles sont les grandes différences en termes de game design entre vos serious games et vos jeux vidéo ?
C’est… à l’opposé. Dans le serious game, t’es forcément contraint par le message que tu veux donner. Le fun est juste un moyen optionnel d’y arriver. Alors que, dans le jeu vidéo, ça paraît bête à dire, mais il n’y a que ça et pas autre chose. En termes de game design, tu as tendance à vachement te brider au départ, à te dire « Ah nan, quand même pas. Les gens ne vont pas adhérer  » , tu te demandes si ce que t’écris va fonctionner, si les joueurs vont aimer. Tu es beaucoup plus dans une œuvre créative et c’est plein de questionnements que tu n’as pas dans le serious game, où c’est juste « est-ce que je fais bien passer le message  » …

On cherche moins à faire un focus sur une cible particulière d’utilisateurs, et qui sont d’ailleurs plutôt utilisateurs et pas joueurs ?
Oui, c’est ça. C’est assez différent et ça fait du bien de faire du vrai jeu. Par contre, pour un game designer, ça demande de faire le grand écart.

Et l’avenir du serious game pour toi, c’est quoi… la réalité virtuelle ?
C’est l’avenir à court terme, ça ! (rires) Il y a déjà pleins d’effets d’aubaine, d’autant plus qu’il y a des subventions pour faire des trucs de ce genre-là. Moi… L’avenir du serious game ? … J’en sais rien ! (rires) Ce n’est que gamifier un message ; donc ce que fera le jeu vidéo plus tard, ce sera ce qu’utilisera le serious game. C’est le jeu vidéo qui drive la technique et c’est très bien comme ça. La VR, ce n’est que le moyen. A une époque, c’était très orienté sur les mobiles, avec de la réalité augmentée, parce que les jeux étaient aussi dans cette mouvance-là.

Il y a un encart sur votre site web résumant la philosophie du studio qui m’a assez amusé, même si j’adhère complètement. Pour synthétiser, cela disait que vous n’aimiez pas les tuto et que vous préférez parler à l’intelligence des joueurs plutôt qu’à leur tenir la main. L’accessibilité à tout prix et le fait de vouloir plaire à tout le monde, c’est quelque chose qui te file un ulcère ?
Ouais, maintenant, clairement. Et c’est d’ailleurs aux antipodes du serious game, de tenir les gens par la main le plus possible. Dans les jeux, je déteste faire les tutoriaux. Ce que j’aime dans un jeu, c’est surtout de découvrir ses systèmes de jeu et son contenu. C’est la découverte, d’essayer de cracker les limites du jeu.

D’où est venue l’idée de départ / l’inspiration de Dead In Bermuda ?
J’adore les relations entre les personnages, que ce soit dans les jeux vidéo, les séries, les films… Dans toutes les fictions, j’aime voir comment les relations vont évoluer. Et s’il y a bien un jeu qui se prête bien à ça, c’est les jeux de zombies. J’avais notamment beaucoup aimé State Of Decay, un jeu de zombies avec tout un aspect gestion entre les persos, gestion de la base, et je trouvais ça super cool. Mais à la limite, moi, les phases d’action, je m’en serais bien passé. Je me suis dit que, putain, j’avais trop envie d’un jeu axé sur une petite communauté de personnes, avec pourquoi pas des histoires assez avancées entre eux, et avec un côté gestion des ressources. Je ne voulais pas forcément de ce côté action. C’était un peu ça la base de départ de Dead In Bermuda.

C’était pensé dès le départ comme une série, ou c’était essentiellement un coup d’essai ?
Dès le départ, je me suis dit qu’on n’arriverait pas à faire un hit avec notre premier jeu, ou en tout cas, qu’il y avait peu de chances. Il fallait par contre qu’on arrive au moins à avoir un succès d’estime sur le premier, pas faire un four, et après on allait augmenter la qualité de nos jeux, franchir les étapes une par une. A partir de là, pourquoi ne pas créer cette gamme de jeux de survie, Dead In quelque chose… Surtout que la survie, ça peut être dans un milliard d’endroits différents, dans des époques différentes. C’était un sujet assez porteur et ça véhicule complètement mes intentions de départ ; de gérer des relations de personnages, un peu comme du jeu de rôle papier finalement. Donc voilà, je savais qu’il n’y en aurait pas qu’un seul, parce que je savais aussi qu’il ne serait pas possible de tout mettre dans le premier vu le budget qu’on avait.

Le titre ne fait rire que les francophones qui s’imaginent d’abord un short long plutôt que les Bermudes, alors que ça pourrait pourtant matcher vu que les personnages sont des touristes. C’était fait exprès le combo ?
Ouais bien sûr, ça nous faisait marrer. Surtout qu’on a beaucoup comparé ce jeu à Lost, mais le setting, pour moi, c’était surtout un prétexte. Le côté île paradisiaque, c’était surtout accessoire. Le titre ramenait aussi un contraste entre le lieu et le contexte.

L’idée de départ était d’avoir des éléments de RPG, notamment grâce aux traits de personnalités de chacun, mais c’est quoi pour toi un (bon) RPG ?
De toute façon, maintenant, tu as de plus en plus de composantes RPG partout, tellement que le genre s’est même complètement dilué. Après, on peut vite partir dans des débats du genre « est-ce que Final Fantasy est un vrai RPG ?  » (rires), mais ouais, tout dépend si tu prends la définition occidentale, si tu veux te rapprocher au plus près du jeu de rôle papier, etc… En tout cas, pour nous, c’est plutôt un jeu de gestion avec une composante RPG ; tu n’as pas vraiment de quêtes ou des trucs de ce genre-là…

En fait, plus qu’une simulation, je voyais ça plutôt comme un puzzle game avec quelques ficelles issues des serious games ; il y avait une certaine linéarité au niveau de la résolution des problèmes et de l’avancement dans l’histoire.
Ouais, même si ce n’était pas forcément voulu. D’ailleurs, dans le deuxième, Dead In Vinland, ce sera beaucoup moins palpable, ce côté linéaire. Comme je le disais tout à l’heure, on n’a pas pu tout mettre dans le premier ; moins il y a d’éléments et plus ça paraît linéaire pour arriver à LA bonne solution. Mais ça n’a jamais été conçu comme s’il y avait qu’une seule et unique solution pour arriver à la fin du jeu. On voulait surtout que le joueur essaye différentes stratégies…

… Qu’ils se viandent pas mal de fois jusqu’à y arriver.
C’est ça (rires).

On se demandait également quelle est l’inspiration des créatures et des personnages atypiques que l’on peut trouver sur l’île ? Je pense par exemple à l’Énorme Mec Louche ou au vieux avec ses antennes TV sur la tronche.
(rires) Elles sont diverses. Dans le jeu, on comprend plus ou moins que ce sont des rescapés. Et l’idée, c’était que ces personnages se prennent pour des dieux. A la limite, ils ont été l’inspiration des dieux du panthéon classique qu’on connait. Il y avait donc cette inspiration des dieux mythologiques. Après, ça se passe dans une époque contemporaine, sans que ce soit clairement défini. Et la dernière référence, c’était la série Twin Peaks, même si ça ne se ressent pas forcément. Donc voilà, l’idée de départ était d’avoir un jeu qui se centre sur le réel mais avec des trucs chelous, avec des indices disséminés pour une prochaine suite, sans que tout ne soit clairement expliqué. C’était assumé dès le départ.

Ça me fait penser aux crânes qu’on pouvait trouver dans la jungle sur l’île, où il n’y avait pas spécialement d’explication quant à leurs origines, laissant le doute sur leur utilité ; décoration, intrigue, base de révélation dans Dead In Vinland ?
Ouais, tout à fait. L’avantage de partir sur une série de jeux, c’est qu’on a un background commun entre tous. Il n’y aura peut-être pas des révélations pour tout, mais on dévoilera quand même davantage de choses sur les origines de tout ce micmac, au fur et à mesure des suites. Si les joueurs mettent bout-à-bout tous les indices qu’on va leur fournir, ils vont arriver à comprendre ce qu’il se passe. Par contre, on voulait malgré tout que chaque jeu puisse être joué indépendamment des autres ; ce n’est pas forcément des suites à proprement parler, mais ça peut donner envie aux gens de découvrir les autres titres si ça leur a plu.

C’est un jeu qui a bien fonctionné, commercialement parlant ?
Ça va, oui. D’autant qu’on n’avait pas spécialement d’ambitions à ce niveau-là ; on espérait surtout ne pas se prendre un four avec les critiques des joueurs. Ça, on était vraiment content, car l’accueil a été plutôt cool avec 93 % de reviews positives sur la première semaine sur Steam. Commercialement, pour un petit jeu indé à trois, c’était plutôt pas mal ; on a fait 30 000 ventes toutes plateformes confondues et on arrive à peu près à l’équilibre deux ans après. C’est pas un succès commercial mais au moins, on n’a pas perdu d’argent en le faisant. Pour un premier essai, c’était encourageant.

Même si j’avais aimé Dead In Bermuda, le principal reproche que j’avais à lui faire était que les mécaniques de gameplay noyaient l’aspect narratif. Pour Dead In Vinland, j’ai justement l’impression qu’il y a eu un gros boost sur le narratif ? Je pense en particulier aux dialogues le soir autour du feu qui pouvaient souvent revenir en fin de partie.
Ce qui est sûr, c’est que le joueur sera plus… actif. On a mis en place un peu plus de choses au niveau du système de dialogues pour que ce soit plus immersif. Le joueur pourra donc faire des choix au niveau des dialogues ; ça paraît assez basique comme feature, mais pour nous c’était vraiment important. Donc ouais, au niveau narratif, ça va être plus sympa.

Vous avez encore plus joué sur les traits de personnalité ?
Ouais, on peut les utiliser dans le système de dialogues. Le problème, c’est qu’on a plein de possibilités, mais est-ce qu’on va arriver à toutes les utiliser au mieux… On a surtout essayé de faire un moteur qui nous permettra derrière de faire des jeux vraiment cool. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’aura pas totalement exploité les possibilités de ce moteur dans Dead In Vinland, mais qu’on proposera au fil du temps des mises à jour gratuites et du contenu payant, pour aller jusqu’au bout de ce que l’on peut faire. Pour te donner un ordre d’idées, dans Dead In Bermuda, il y avait 140 dialogues écrits lors de la sortie, là on en a déjà 450. Pourtant, je suis quand même frustré, car je sens qu’il y a encore des manques…

… Et pourtant, il y a moins de personnages ?
Non, il y en a davantage ; on commence avec quatre personnages, mais on pourra en recruter jusqu’à dix supplémentaires, soit quatorze personnages. Vu que c’est beaucoup moins linéaire, on peut en recruter un avant un autre et du coup, il y a besoin d’avoir beaucoup plus de dialogues croisés entre les différents personnages.

La première chose qui m’a marqué en voyant les premières images, c’est une amélioration sur les visuels ; de loin, ça me faisait vaguement penser à The Banner Saga…
… Ah bah ça, c’est les vikings ! (rires) Mais oui, il y a une patte assez différente par rapport à Dead In Bermuda, mais on est super contents du rendu. Mais surtout, on a maintenant un système de combats…

… Ouais, ça aussi, c’est la grande différence.
C’est le gros truc qu’on n’a pas pu mettre dans le premier ; on avait fait trois prototypes, mais on n’avait jamais réussi à l’intégrer en jeu. Là, c’était la priorité numéro un, d’avoir un système de combats pour les rencontres.

Et il se présente comment ?
C’est du tour par tour à trois contre trois maximum. Tu choisis ta compétence, puis ta cible et tu as un système de points d’action pour chaque personnage. Il y a des compétences qui valent plus ou moins de points d’action à dépenser pendant l’affrontement. Je les voulais plutôt… rapides, pour que ça ne reste qu’une composante du jeu. Ce n’est pas un tactical tour par tour ; ça reste un jeu de gestion avec un aspect aventure et maintenant un côté combats… C’est un peu le melting-pot de plein de jeux. Par contre, on ne voulait pas pour autant que ce soit quelque chose que tu aies envie de skipper parce que ce n’est pas assez profond, et il ne fallait pas que ce soit trop profond pour perdre le joueur sans qu’il arrive à faire un focus sur la dimension « survie  » du jeu. Je pense qu’on a atteint un équilibre, où le fun est présent avec un peu de stratégie sans que ça ne devienne un combat qui dure des plombes.

Vu que ce n’est pas un élément central, est-ce qu’on aura justement le moyen d’en skipper certains via l’utilisation de compétences sociales ?
Tu pourras upgrader ton camp pour essayer de moins te faire attaquer. Tu pourras aussi faire des actions qui ne nécessitent pas d’attaque. Et selon tes choix lors de certains dialogues, tu pourras en esquiver quelques-uns.

Ici, changement d’époque ; on passe du crash d’avion à l’échouage de bateau. La série des Dead In est-elle prévue pour remonter dans le passé à chaque fois afin d’expliquer des éléments des jeux précédents ?
Je ne suis pas sûr que l’on remontera encore dans le passé. Je pense qu’on ira plutôt dans le futur. A l’inverse, plus tu vas dans le futur et plus tu pourras avoir de recherches et des explications qui auront été trouvées par des scientifiques…

Le prochain, ce sera le crash d’une fusée, donc ?
Bah, clairement, ça donne envie ! Ça ouvre pas mal de possibilités en termes de survie, tout en donnant des opportunités de contextes. Mais voilà, on n’y est pas encore, on se posera, et on réfléchira à ce qui nous branche le plus. Là, pour Dead In Vinland, le point de départ, c’était d’avoir un aspect « colonisation  » . Les mecs, ils sont là pour rester ; ils ne sont pas juste là à attendre un hélicoptère qui viendrait les sauver. Ils sont là pour essayer de créer quelque chose, une nouvelle vie sur l’île. Rien que ça, ça change pas mal la donne, où tu es dans un contexte de survie mais aussi d’installation.

Alors que dans Dead In Bermuda, la seule chose qu’ils avaient en tête, c’était de se barrer…
C’est ça. Au final, ce n’est pas le même état d’esprit.

Et pourquoi une inspiration de type « Viking  » ?
On s’était dit que la colonisation sur une terre vierge, ça pouvait être cool et ça faisait écho à un de mes voyages en Islande, il n’y a pas très longtemps. J’étais un peu baigné dans l’ambiance. L’Islande avait été colonisée au départ par des mecs qui se sont fait exclure par ce qui était la Norvège et la Suède. Je trouvais ça vachement inspirant ; d’avoir une grande masse de terre et tu dois t’installer dessus, d’autant qu’il y a de chouettes paysages. Le dernier truc qui a confirmé le choix du thème Viking, c’était toute la mythologie autour du Vinland, cette terre pseudo-magique. Il y avait clairement ce contexte d’île magique qui faisait lui aussi écho à celui des Bermudes. Ça nous permettait du coup d’intégrer ces éléments chelous, où on ne s’attend pas trop à ce qui se passe dans notre jeu.

Y’a combien de personnes qui bossent sur le développement de Dead In Vinland ?
Au début, on a démarré à trois, mais rapidement on s’est dit « bah tiens, on va pas arriver à tout faire à trois !  » (rires). Là, on est six-sept permanents, mais à un moment, on était une dizaine quand on a demandé un peu de renfort.

Est-ce que c’est compliqué en France, en 2017, de vivre des jeux vidéo ? Je pense en particulier à Alisborë, un jeu où un pingouin cherche une aurore boréale (… je ne te cache pas que le pitch m’a bien fait rire), mais dont le développement est en standby faute de fonds.
Clairement. On avait une petite bourse pour développer un prototype, ce qu’on a fait, mais on n’a jamais réussi à trouver d’éditeur. Faut dire aussi qu’on ne l’a pas forcément super bien positionné ; il avait un peu le cul entre deux chaises, entre le mobile et le PC. Nous, on est quand même plutôt spécialisés PC, mais c’est quand même plus un jeu mobile. C’était un peu galère et c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’éditeurs qui vont prendre des risques avec un truc comme ça. Les mecs, ils te prennent ton jeu quand il est quasiment terminé et puis voilà. Ou alors, faut avoir fait ses preuves avant ou avoir déjà bossé avec eux. C’est assez compliqué pour les nouveaux entrants ; il faut arriver à s’accrocher. Heureusement, maintenant, t’as différents moyens de te financer ; t’as des aides en France, t’as des Kickstarter, t’as de quoi financer un début de prod’…

Justement, c’est compliqué d’obtenir ces aides au développement, que ce soit via le CNC ou l’Europe Creative Media ?
Ouais, c’est du taff. Vu qu’on a une dizaine d’années d’expérience, ça commence à être un peu plus facile de les avoir. Là, sur Vinland, on a effectivement obtenu ces deux aides, même si c’est la première fois qu’on les obtient. En région Hauts-de-France, on a aussi une autre aide qui est plutôt pas mal ; c’est en gros une organisation régionale ; un genre de mini-CNC régional qui s’appelle Pictanovo, qui fait de la coproduction (donc tu leur reverses des sous sur tes revenus). Tout ça nous a permis de sortir de terre des prototypes, des projets et d’aller chercher après d’autres sous.

Et il y a un partenariat d’édition avec Playdius & Plug-in-digital. Sans eux, est-ce que vous auriez eu la même visibilité ? Sous-entendu, le catalogue Steam est blindé dans tous les sens et celui pour mobile n’est pas mieux.
C’est la grande question ! (rires) En tout cas, pour le premier, c’était essentiel et on ne pouvait pas faire sans. Du jour au lendemain, on avait un slot sur Steam et il a correctement été mis en avant. Maintenant qu’on a un peu plus de visibilité en tant que studio, ça devient moins primordial. Sur celui-là, je ne saurais pas te dire. On verra bien à la sortie ce que ça donnera (rires). Steam a tellement changé depuis deux ans avec plein de trucs qui ont zéro reviews et qui n’ont pas d’intérêt. Ce ne serait pas un luxe de mettre une mini-barrière à l’entrée.

Sinon, est-ce que vous comptez rester sur le même type de jeux ou est-ce que partir sur un autre genre de jeu n’est pas à exclure ? Allez… Un vrai RPG ! (rires)
Alors, un vrai RPG, je ne sais pas, mais le prochain, ce ne sera pas un de la série Dead In ; on a nouveau projet sous le coude pour après Dead In Vinland. Ce sera plutôt un tactical tour par tour avec des composantes de Roguelike. Il y aura moins de narratif mais ce sera un jeu à système, parce que c’est un genre qui nous intéresse.

Le Roguelite fait son grand come back ces derniers temps…
Un peu trop d’ailleurs, mais si je n’aurais pas rajouté « composantes de  » , un puriste me dirait que ce qu’on fait, ce n’en est pas un… De toute façon, dès qu’il y a de la génération procédurale et que c’est un peu difficile, les gens font un raccourci.

Une incursion sur le monde console, ça vous intéressait ?
Ouais, clairement. C’est très lié aux ventes du jeu mais si ça fonctionne bien, ça nous intéresse carrément. Je n’exclue pas de mettre une équipe en interne sur un portage console.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Bah… Discours classique : achetez le jeu ! (rires) Nan… Plutôt : essayez-le et vous vous ferez votre avis. Il y aura forcément une démo disponible et ça donnera un bon aperçu des possibilités du jeu et de ce que ça allait être. On a même eu 20 % de taux de conversion des gens qui ont essayé la démo, en ceux qui ont acheté le jeu derrière…

… Alors que paradoxalement, il y a de moins en moins de démos disponibles !
Bah à la base, j’étais contre le fait de proposer une démo parce que ce n’est pas dans mes pratiques de joueur, mais c’est notre éditeur qui nous a conseillé de le faire. Au final, ils ont complètement changé mon avis là-dessus.

Allez, va, je vais être grand prince et mettre un lien vers la démo ! En tout cas, merci pour l’échange et bonne continuation pour la suite !

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A propos de l'auteur : Toupilitou

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