Mars : War Logs

Mars: War Logs

En France on a des idées à ce qu’on dit. Bien souvent je n’en ai pas vraiment l’impression tant le paysage vidéo-ludique Français des années 2000 pouvait laisser amer… et assoiffer, tant la traversée de ce désert fut longue, très longue. Trop. Focus Home Interactive, un éditeur français qu’on a envie d’aimer, semblait être la seule option valable afin de faire émerger des arbres plus ambitieux que d’autres, des étendues plus fertiles que le désert bien de chez nous. Mais l’éditeur est un fin calculateur ; il ne prend pas de risques et ne fonce pas au suicide, surtout après l’échec retentissant d’un Loki qu’on aurait aimé pas forcément meilleur, juste jouable. Mais là n’est pas le sujet. Nous allons nous intéresser au coup de cœur le plus con de l’histoire de mes coups de cœur. Il boîte un peu, il n’a pas une gueule de porte-bonheur, mais il ne dit pas des conneries, et au fond, c’est un gars plein de bonne volonté. Saluons ensemble Mars : War Logs (MWL).

 

Con, parce que j’ai décidé de l’acheter la veille de sa sortie en voyant un trailer. Bien que sorti de l’anonymat, le jeu me paraissait très intéressant, bourré de bonnes idées. Et des idées, les petits gars de chez Spiders – les parents du gamin un peu difforme – en ont. Le problème est qu’on est en France… Vous connaissez la chanson ! Et pourtant Spiders a du travail et n’en manque pas. Mars : War Logs a été conçu avec le moteur maison du studio – le Silk Engine – et avec 650 000 dollars. Soit presque 300 fois moins que le budget d’un jeu emmerdant comme GTA 5. Et 700 fois moins que le soit-disant budget investi dans cette copie tout aussi emmerdante d’Halo qu’est Destiny ; cette industrie passe son temps à prouver qu’elle perd de l’argent dans des jeux qui n’apportent rien du tout au média.

Et donc, nos amis de Spiders – peu riches – mais pas si mal lotis, car possesseurs d’un moteur propriétaire. J’ai envie de dire que c’est la classe, parce qu’au moins, ils n’utilisent pas le surexploité Unreal Engine 3 et ses textures fainéantes qui ne se réveillent qu’une fois une zone chargée. Ils se sont attelés à créer un Action / RPG en 3D empruntant autant à Star Wars KOTOR qu’à The Witcher, tout en imposant un univers original cyberpunk post-apocalyptique. Avant que vous n’ayez le temps de vous rendre compte qu’avec si peu d’argent, cela est débile d’essayer de créer un titre si ambitieux, je vais vous rétorquer : oui c’est stupide, mais c’était aussi nécessaire. C’est ce que je vais tenter de vous expliquer dans ce test.

Mars : War Logs est donc un RPG pas si action que ça, se situant dans un contexte Martien, après l’évidente colonisation de la planète rouge. Cette dernière, en pleine terraformation, quitta son axe après une catastrophe de grande ampleur. Par conséquent, elle perdit les possibles communications qu’elle aurait pu avoir avec la Terre. C’est, grossièrement, le contexte de Mars : War Logs. Ce qui sous-entend une planète quasi invivable, avec très peu d’eau, peu de villes, une dictature des entreprises contrôlant l’eau, avec supplément en mutations pour les crétins ayant fait bronzette. Vous comprendrez que les humains encore en vie arpentant cette planète, ont, comme qui dirait, les glandes.

Ce contexte particulièrement sombre et, comme souvent, intéressant, amène un nombre assez impressionnant de thèmes… tous effleurés, à défaut d’être réellement abordés. Trop de choses à dire, si peu de temps pour le faire, car ne nous cachons pas cet état de fait : Mars : War Logs n’est pas vraiment un jeu complet. À peine s’avère t-il être une démo d’un univers. Si l’histoire amorcée dans l’introduction connaît une conclusion dans les épilogues, difficile d’ignorer le bâclage de cette même histoire, avec de grosses coupures entre les chapitres, et plus globalement, le rush complet sur une immense partie du background. Le codex est là pour en apprendre plus sur l’univers, mais il est franchement maigrelet, ne propose finalement que peu de choses, et en suggère beaucoup d’autres.

En ressort une histoire malgré tout prenante, un sentiment de découverte d’un univers déjà bien en place, mais rien n’est concluant, rien ne ressort de l’expérience comme étant réellement fini. Et c’est frustrant, plus frustrant encore est le ton global des personnages, en accord avec la noirceur de l’univers, mais certains d’entre eux semblent trop en faire ; certaines situations sont grotesques, et globalement, l’ensemble manque de finitions dans l’écriture. Manque de temps ? De moyens ? D’expérience ? Non, manque de tout à la fois, car Mars : War Logs manque d’éléments pour être un jeu complet ; ce qu’il a la prétention d’être, tout en coûtant trois fois moins cher qu’un triple A classique.

Mais voilà, après avoir posé ce que Mars : War Logs est à mes yeux en tant que produit, il est temps que j’en parle en tant que jeu. Parce que Mars a beau être un petit jeu, parfois, à s’y méprendre, il évoque des grands, à commencer par sa réalisation, que je qualifierais de bonne pour tout un tas de raisons. Déjà, techniquement, le jeu est certes limité, et peut rappeler les productions triple A de 2010. Est-ce un défaut ? Pas exactement, car le jeu est à prix réduit. Cela n’empêche pas les animations d’être franchement datées, les textures sérieusement laides, les effets très sommaires, et les arrières plans assez pauvres en détails. Sans parler des modèles de personnages (clonés) qui nous ramènent cinq-six ans en arrière, sachant que le jeu est sorti il y a deux ans.

Bien évidemment certaines modélisations s’en tirent bien, voire avec les honneurs (Roy, Jehanne Rou… pardon, Judy, Marco, bref, tout ce qui touche aux personnages principaux), mais on voit beaucoup de mochetés. Pas dans le sens où je demande des top-modèles à chaque coin de rue, mais que dans leur laideur, ils soient bien foutus. Oui, je suis si exigeant que ça avec les moches. Là où par contre je fus surpris, c’est dans la direction artistique du titre ; l’ensemble fleure – certes – l’économie de moyens, mais le tout est d’une cohérence remarquable. Comme dit précédemment, il y a peu de belles personnes dans ce monde. Tout est sale, et quand ça ne l’est pas, c’est que cela cache quelque chose. En dehors de la cohérence, l’agencement des lieux donne un visuel assez efficace, et parfois certains d’entre eux font leur petit effet. Pas un effet « Wahoo !« , mais un effet genre propre « c’est bon ça, mangez-en« .

Les musiques ont été réalisées par Sylvain Prunier, lead sound designer du studio. Oui, un ingénieur son qui fait les musiques, c’est rigolo. Et il s’en est bien sorti sur quelques thèmes, notamment la musique du menu, et la musique finale. Le reste va du correct au bon. Franchement je salue son travail, car j’imagine que cela n’a pas dû être facile vu que ce n’est pas son rayon. Par contre, les allergiques aux percussions, je vous conseille de couper le son. Les bruitages sont corrects, sans plus, parce que rien ne m’a perturbé dans le jeu ; je dirai qu’il manque peut-être un peu d’impact. Je ne serais pas aussi convaincu par les doublages, en anglais intégral, qui vont du correct, au mauvais. Dommage.

Quoi qu’il en soit, venant d’un jeu à moins de un million, et fait par vingt personnes, je pense pouvoir affirmer que ce n’est pas mal du tout. Parlons maintenant mise en scène. Celle-ci est très sommaire, n’en fait pas trop, et essaye de ne pas paraître ridicule car les animations sont vraiment très limitées. Ça fonctionne, et certaines séquences sont assez réussies, même si globalement le jeu mise beaucoup sur ses dialogues interactifs, l’exploration et les combats afin de porter l’ensemble. Ah oui, comme nous parlons d’un jeu, autant parler de la jouabilité. Plus précisément, de ce qui m’a le plus impressionné dans cette petite production : on ne fait pas que foutre des beignes dans ce jeu !

On peut aussi éviter d’en mettre en convaincant nos potentiels adversaires par un système de dialogues à choix multiples, prenant en compte une sommaire – mais existante – gestion de la réputation. Essayer de convaincre quelqu’un que vous lui voulez du bien, alors que vous êtes une crevure qui achève ses adversaires pour récupérer l’eau de leur corps (qui est la monnaie du jeu appelée sérum) ? Eh bien vous manquerez de crédibilité. À l’inverse, essayer d’intimider quelqu’un alors que vous êtes considéré comme le chevalier blanc de la planète rouge, eh bien cela ne marchera pas. C’est logique, et c’est roleplay, d’autant que ce système considère d’autres choses. Un salopard ne pourra pas compter sur de possibles réductions auprès des marchands, ni sur le soutien indéfectible de ses compagnons. À contrario, il sera mieux placé pour savoir où frapper pour faire mal. En gros, le salopard a les avantages de son rôle de salopard, et le bienfaiteur a les avantages de son rôle de bienfaiteur. Le monde est tellement bien fait…

Bien sûr, le système de jeu ne s’arrête pas à des dialogues ; l’évolution du personnage y est aussi importante. À chaque montée de niveau, vous gagnerez deux points de compétence à investir dans trois arbres différents : un dédié au rôle de renégat (améliorant vos coups critiques, vos compétences de soutien, rendant vos coups faisant saigner l’adversaire plus fréquents), un autre au rôle de guerrier (taper plus fort, et prendre plus de coups sans faillir), et un dernier rôle pour la technomancie. Rien à voir avec la musique. L’électricité c’est votre dada, et elle peut vous protéger et faire du mal, mais elle ne peut cependant pas faire les courses pour vous.

Et sachez que, comme dans la vraie vie (du moins, en théorie), lorsqu’on donne dans Mars : War Logs, on reçoit. Si vous pouvez effectivement battre vos adversaires, ils le peuvent aussi. Comprenez que le jeu ne fait pas de cadeaux, même en normal. Difficulté que je recommande, car elle est assez juste. En dehors des compétences, vous aurez aussi accès, à chaque montée de niveau, à un point de trait pouvant être investi dans des… traits, permettant de personnaliser davantage votre personnage. Ils sont divers et variés, et restent tous très intéressants, et donc, équilibrés.

Au delà de tout cela, sachez que vous pourrez équiper votre personnage d’objets, tel des armures (peu nombreuses) et des armes de corps à corps (peu nombreuses) et d’un pistolet (unique). Forcément, dit comme cela, vous vous dites que les possibilités sont « peu nombreuses ». Eh bien non. Non, parce que tous ces équipements sont personnalisables. Vous aimez les clous ? Mettez -en sur votre arme. Vous aimez le métal ? N’espérez pas arborer le nom de votre groupe préféré sur votre armure, mais vous pourrez la renforcer avec un morceau de cette matière. Il y a beaucoup d’options de personnalisation. Il y a cela dit un hic : chaque amélioration qui change les statistiques est supplantée par une autre qui demande plus de matériaux. Ce qui fait qu’en fin de compte, nous sommes très souvent avec les mêmes équipements.

Ajoutez à ces éléments des bombes à construire via un système de fabrication sommaire, mais important, ainsi que des pièges explosifs. Vous aurez la possibilité de créer des seringues – le jeu vidéo a une forte tendance à vouloir que le joueur se pique pour se soigner – de soin et de fluide. Qu’est ce que le fluide ? C’est ce qui permettra à votre générateur d’électricité de héros de lancer des « sorts ». Et pour créer tout cela, il vous faudra récupérer des composants, soit en explorant les environnements malheureusement trop étriqués du jeu – mais pas aussi étouffants que ceux d’Of Orcs And Men – soit en les récupérant sur vos adversaires terrassés. Oui, belle transition pour parler des situations de distribution de claques.

Les combats de Mars : War Logs s’articulent autour de plusieurs fonctionnalités. Le coup simple avec votre arme de corps à corps, le coup « brise-garde » permettant de désorienter un adversaire qui se protège, la roulade, et la parade. À côté de cela, vous pourrez utiliser vos sorts de technomancien, vos pièges, vos grenades, votre pistolet et vos objets de soutien. Et l’ensemble tient très bien la route, car le système s’avère dynamique ; vos adversaires sont retors et intelligents, ils n’hésiteront pas à vous submerger. Pour faciliter les combats, un système de furtivité avec élimination des adversaires en toute discrétion permet de régler une partie des affrontements sans risquer sa peau.

Malheureusement la chose est assez gadget et souffre d’une IA qui se met en alerte sans jamais changer d’état dès lors quelle voit un corps… qu’elle ne s’assurera évidemment à aucun moment de la mort ou non de l’individu au sol. Vous débloquerez une aptitude permettant de cacher le corps, ce qui permettra de rendre le système plus souple, mais pas forcément plus utile. Le système de combat ne loupe pas la mention bien, même si la caméra (elle, toujours elle) fait des siennes par moment.

Sachez aussi que les choix faits pendant le jeu auront des conséquences, et sont susceptibles d’affecter les personnages autour de vous, ainsi que le scénario dans certaines séquences. La fin du deuxième chapitre force un choix complexe qui affecte la fin de ce même chapitre, mais aussi l’intégralité du suivant et la fin du titre. Le jeu dure 12 à 15 heures, et a un potentiel de rejouabilité important grâce aux choix et à la personnalisation du héros. Compte tenu du prix du jeu (15 euros sur PC, 10 sur consoles) difficile de se sentir floué, sauf si vous ne supportez pas les allers-retours, qui, il est vrai, allongent quelque peu artificiellement le titre.

Et maintenant, il est temps que j’explique ma réponse à la question en début de ce test : « Avec si peu d’argent, c’est débile d’essayer de faire un titre si ambitieux« . Et j’avais répondu que c’était pourtant nécessaire. Pourquoi ? Parce que Spiders s’est bâti autour de l’univers de Mars afin de le développer. Le premier jeu de leur série devant malheureusement être un petit titre, les condamnent à mesurer leurs ambitions en toute logique. Et ils n’ont pas mesuré celle-ci – pas parce qu’ils sont stupides – mais parce qu’il fallait qu’ils montrent de quoi leur studio est capable avec peu de moyen, afin de laisser le joueur imaginer ce qu’aurait donné le jeu en plus gros, plus fourni, plus mûr.

Et dans ma tête ça ressemble à cela : un digne concurrent aux ténors du genre, et une nouvelle licence puissante, possédant des idées qui lui sont propres. Et finalement, Spiders a eu raison de vouloir en faire trop ; si les défauts ont été soulignés, la presse a tout de même admise que le jeu voulait bien faire, sans en avoir les moyens. Plus qu’un petit jeu, c’est une véritable lettre d’intentions qu’est ce Mars : War Logs.

Alors oui, ce n’est pas très beau. Oui, ce n’est sans doute pas parfaitement écrit. Les musiques ne sont pas au poil. Ça manque de finitions, mais qu’est-ce que cela change ? Le jeu fait déjà plus que les autres pour son prix, et il tente de s’approcher des gros titres malgré tout. Ce ne sont pas de belles intentions ? Et d’ailleurs, ce ne sont pas que des intentions, puisque le soft fonctionne à bien des égards dans ce qu’il essaye de proposer. Oui, l’expérience peut s’avérer frustrante. Oui on aimerait bien plus de tout ce qui compose le jeu. Mais n’est-ce pas là justement la parfaite illustration d’une entreprise qui a de l’avenir ? D’un projet à long terme qui, une fois à maturité, tutoierait les grands ? C’est peut-être naïf, mais j’y ai cru, j’y crois, et j’ai des raisons pour y croire encore à l’avenir, car The Technomancer, un autre jeu dans cet univers, est en développement… avec plus d’ambitions, de moyens et d’expérience de la part de ses créateurs.

 

Je vous recommande Mars : War Logs malgré tout ce qu’on peut en dire, parce qu’il est déjà un très bon petit titre, mais il est surtout la présentation du projet et de la formule Spiders. Peut-être trouverez vous comme moi en ce jeu un frisson que vous aviez cru perdre en jouant aux jeux de rôle ; la sensation de jouer à un jeu de passionnés, qui ont pour seul objectif de prospérer, tout en faisant les choses du mieux qu’ils peuvent.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

Un commentaire sur “Mars : War Logs”

  1. Etorra dit :

    On verra avec The Technomancer si Spiders arrive à gérer des budgets plus importants :p


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