Les jeux au format épisodique
S’il y a bien une norme que Telltale a réussi à installer, c’est celle de la livraison au format épisodique des jeux d’aventure. Cela répondait à différents besoins qui leur étaient propres, dont celui de s’installer une manne financière non-négligeable, tout en ayant plusieurs projets en développement, mais également de susciter une certaine attente chez le joueur. J’ai découvert ce format avec The Walking Dead, mais la saison complète était déjà terminée ; j’ai alors pu le dévorer d’une traite sans avoir à attendre, pour mon plus grand plaisir. Devant l’engouement que ce jeu a suscité chez moi, je me suis mis en quête d’autres jeux du même genre, et ainsi à écumer la ludothèque bien garnie de Telltale. Avec les plus récents, j’ai dû attendre comme tout le monde la sortie des épisodes au fur et à mesure de leur release.
Concrètement, et pour peu que l’histoire soit intéressante et bien construite, c’est un peu comme mater une bonne série ; on regarde un épisode, cela fini généralement par un gros cliffhanger bien gras, et on attend impatiemment le suivant. En attendant, on en parle avec des potes, on se livre à notre petite analyse sur les choix effectués et leurs potentielles incidences. Tout cela, à force d’échafauder des hypothèses plus ou moins loufoques, peut finalement aboutir sur des discussions assez intéressantes.
Après, c’est une question de choix ; certains de mes potes préféreront attendre que la saison soit finie pour s’enchaîner tous les épisodes d’une série en une traite, et il en va de même pour les jeux vidéo. En ce qui concerne cette dernière catégorie, l’avantage étant qu’entre les épisodes, les développeurs peuvent également recueillir les retours et avis des joueurs, afin d’éventuellement ajuster certains points de détail, ce qui est autrement plus difficile avec une série TV une fois le montage effectué.
Le format épisodique permet également au joueur de se faire une idée en n’achetant par exemple que le premier épisode, pour passer à autre chose si le jeu ne l’intéresse finalement pas. Au lieu de claquer 25 balles pour le jeu complet, il aura dépensé 5 euros l’épisode. En cas de déception, la pilule passe plus facilement. Si Flofrost avait suivi cette règle élémentaire, il n’aurait pas tapé un ulcère sur Life Is Strange… et de surcroit, en toute connaissance de cause. Malheureux !
En effet, en cas d’acharnement malgré une première déception, il faudra plutôt reporter le choix sur la pilule prescrite par le monsieur en blouse blanche. Pour ma part, je trouve qu’il s’agit d’un excellent modèle flexible, pour ce genre de jeux, autant pour le studio de développement que pour le consommateur. Les adeptes du sarcasme facile me rétorqueront tout de même que le premier épisode – le pilote pour ainsi dire – auparavant comparable à une démo, est devenu une démonstration payante…
Pour autant, cela n’est pas sans risques ; si le rythme de publication des nouveaux épisodes est trop lent, cela dilue l’expérience du joueur, au point qu’il puisse parfois le zapper purement et simplement. Sans trop chercher longtemps, j’ai fini par trouver un de mes jeux se retrouvant dans ce cas-là : Nicolas Eymerich – Inquisiteur. J’avais acheté le premier épisode en début 2014 ; il s’agissait d’un point’n click possédant un contexte sympathique, tiré de bouquins, avec un inquisiteur (… vraiment ?!), au temps de l’époque médiévale,sur fond d’enquête sur des événements occultes.
Sympathique au niveau de l’histoire, mais il laissait clairement à désirer, tant au niveau des énigmes que techniquement. Quoi qu’il en soit, je voulais connaître la suite. J’ai alors attendu, attendu, et attendu… pour finir par l’oublier purement et simplement. Et c’est par un hasard total que, à la fin 2015, j’ai découvert le deuxième épisode, sorti quelques mois plus tôt ; les développeurs ayant peu de moyens, ils n’ont pas pu faire suffisamment de bruit pour que cela parvienne jusqu’à mes oreilles – sans même parler du manque de visibilité sur Steam.
Résultat, j’ai complètement oublié la trame du premier épisode, et n’ai, pour l’instant, plus spécialement l’envie de le recommencer depuis le début, pour ensuite devoir attendre plus d’un an avant de pouvoir le continuer avec le troisième épisode. Pour ma part, l’attente de l’épisodique a été remplacé par de la frustration, pour se transformer au bout du bout en rejet. Typiquement, et au vu de leur rythme de développement, je pense que ce studio a fait un mauvais choix de modèle financier.
Pour faire un parallèle hasardeux avec les séries TV, et quelle que soit sa qualité, aucun spectateur ne serait prêt à attendre un an entre chaque épisode, car l’expérience serait bien trop diluée. Il en va clairement de même pour n’importe quel Telltale. Pour citer un autre exemple, bien que j’apprécie beaucoup Dreamfall Chapters, le temps entre chaque épisode est d’environ six mois, ce qui est selon moi déjà beaucoup ; je me languis d’enfin pouvoir le terminer ! Au delà d’avoir le jeu pour ce format épisodique, il faut aussi avoir les moyens afin d’assurer un bon rythme.
Pour en revenir aux jeux de Telltale, l’attente n’excédait jamais les trois mois ; avec des moyens suffisants, cela donnait donc un produit final de qualité. Les frenchies de Dontnod avec Life Is Strange, sous l’impulsion de Square Enix, ont suivi scrupuleusement le même modèle avec un planning de sortie relativement rigoureux. Et quoi que l’on pense de la qualité globale du titre, cela a fonctionné. Le format épisodique semble donc tout particulièrement adapté aux jeux d’histoires interactives et aux point’n click.
Même les remasters s’y mettent ! Dernièrement, j’ai pu mettre la main sur celui de King’s Quest, ce (bon) jeu étant une histoire interactive au format point’n click. Ne me reste plus qu’à voir si leur planning de publication sera aussi d’équerre que je l’espère. Tout cela pour dire que, devant le succès de Telltale, de nombreux autre studios de développement, concevant des jeux similaires, lui ont emboité le pas. Et ceci est valable, soit dit en passant, tant au niveau du business model que du gameplay.
Et voilà que, tout récemment, Square Enix nous annonce qu’un RPG va devenir épisodique, sous couvert d’un temps et de coûts de développement élevés : le remake de Final Fantasy VII. Tetsuya Nomura, qui bosse sur ce remake, avait déclaré que le jeu aurait été fortement amputé s’il n’avait pas pu être au format épisodique. Pour ma part, au delà de trouver qu’il s’agit d’un gros foutage de gueule, j’interprète cela comme un coup d’essai de la part de Square…
… A savoir, pouvoir répondre à cette angoissante question : « Peut-on vendre des jeux, autres que d’aventure, au format épisodique, tout en étant rentable ? » Coup d’essai relativement sans trop de prises de risque, puisque Final Fantasy VII dispose déjà d’une fanbase aux aguets assez énorme, et complètement à l’affût du moindre zip de braguette en provenance de ce jeu. Est ce qu’il va bien se vendre ? Sans l’ombre d’un doute. Est-ce le prémisse d’une nouvelle tendance ? Je le crains…
Au passage, et même s’il s’agit d’un remake, ils ont a priori fait un gameplay davantage action, à l’image des derniers Final Fantasy finalement, en abandonnant le tour par tour. Ça va être beau à s’en faire péter le globe oculaire. Square Enix va largement s’y retrouver en termes de pognon. Mais, m’est avis que cela va être d’un creux sans fond ; il serait peut-être temps de refermer le cercueil de cette saga les gars, car les morts-vivants qui nous reviennent ne sont plus de toute première fraîcheur !
Quoi qu’il en soit, pour revenir sur le sujet, vous imaginez un peu ?! Immersion, identification, exploration, impression de liberté ; autant de qualificatifs adaptés au RPG. Un joueur s’implique et s’identifie bien davantage à son avatar en jouant à un jeu de rôle qu’à un jeu d’aventure, car les mécaniques de gameplay sont précisément axées autour. En clair, tout est fait pour le dévorer dans les moindres recoins, à son propre rythme. Et là, on va nous dire d’attendre trois mois, voire davantage, parce que le RPG sera segmenté ? Ma foi, il s’agit d’une perspective aussi enivrante qu’un fût de verveine !
Ne reste plus qu’à nous demander à quoi nous serons mangés à la prochaine étape, et quelle catégorie de jeux passera également au format épisodique ; un jeu de bagnole ? Un jeu de baston ? Un jeu d’action / aventure en open world ? Un jeu de stratégie ? Il n’en reste pas moins qu’un horrible doute s’insinue sournoisement dans ma tête : j’avoue me demander si, par le plus grand des hasards, et comme si de rien n’était, quelques éditeurs ne nous prendraient pas pour de vulgaires ovins à tondre jusqu’à la couenne…
Bref, je ne sais même pas vraiment ce que j’ai à m’exciter sur le sujet comme cela, inutilement, en pure perte, et tout seul dans mon coin qui plus est. En effet, il n’y a rien de plus hasbeen que de s’énerver contre ces pratiques douteuses, alors qu’il suffirait simplement de les ignorer, ou bien encore d’acheter (… ou pas) leur bousin une fois complet. Je vais donc laisser le fin mot de l’histoire à Georges Abitbol, un célèbre philosophe de notre temps : « Monde de merde ! »
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Pour ma part, autant je suis capable d’être patient et de ne jouer à un jeu qu’un ou deux ans après sa sortie, autant je n’aime pas attendre une fois que j’ai débuté le jeu. Surtout pour un jeu dont le coeur est une histoire.
Pour les Telltales et autres histoires interactives, je les joue d’une traite.
Ma seule exception a été « life is strange » car je n’étais pas sûr d’accrocher. Le premier épisode m’a donc permis de « tester ». Une démo payante, oui.
« Au lieu de claquer 25 balles pour le jeu complet, il aura dépensé 5 euros l’épisode. En cas de déception, la pilule passe plus facilement. Si Flofrost avait suivi cette règle élémentaire, il n’aurait pas tapé un ulcère sur Life Is Strange… et de surcroit, en toute connaissance de cause. Malheureux ! »
Jamais j’aurais payé le prix fort pour ça, je suis pas connu pour être sain d’esprit mais y a des limites ^^
Non, j’ai eu la totale pour 10€, alors certes le jeu était tout pourri, mais j’ai moins mal aux fesses que si je n’avais eu qu’un épisode pour 5€. Puis le soucis en plus, c’est que quand je commence un truc j’aime bien aller jusqu’au bout, même si je trouve ça merdique, c’est pareil pour les bouquins ou les films, à partir du moment que j’ai commencé je veux voir la fin, et même si ça me fait saigner les yeux et que mon cerveau me coule par les oreilles.
D’ailleurs, tu es prié de nettoyer fissa mon tapis ; ça part super mal les matières cérébrales !
Moi j’ai juste fini le machin pour essayer de piger l’engouement autour…
… J’ai juste perdu mon temps, y avait rien à piger.