Les Intouchables : Symphony
Dans les jeux musicaux, il y a grosso modo trois genres (permettez que je ne tienne compte que des jeux qui vous laissent utiliser votre propre musithèque, les autres n’ont pas la rejouabilité nécessaire pour tenir la route, moins encore la comparaison, et vous cantonnent aux goûts de leurs créateurs, ce qui très rapidement (et trop souvent) se retourne contre eux).
D’abord le jeu de rythme. Entendez par là le regroupement des Guitar Hero et autres Dance Dance Revolution. Je n’ai rien contre eux, même si pour être franc je préfère arroser un dev’ indé ou l’autre, plutôt que de me payer un accessoire hors de prix et limité dans son utilité. Ensuite le puzzle game. Où règne en maître incontesté, voire incontestable, Audiosurf. Je ne pense pas devoir en dire plus, que ceux qui ne connaissent pas se jettent la première pierre. De préférence assez lourde pour les envoyer directement dans le top 10 des candidats aux Darwin Awards de l’année. Enfin, celui qui nous intéresse, le shooter. Je ne vais pas faire de distinction entre le shmup standard et le twin stick, et il n’y a à ma connaissance pas encore de bullet hell disponible dans cette catégorie (ceci dit, ça pourrait être une bonne idée… Je pense même que j’achèterais les yeux fermés. Mais évitons de gaspiller notre énergie à imaginer des sources potentielles d’amusement).
Et là, le seigneur et maître, c’est Beat Hazard. Je n’ai rien du tout contre le jeu, il faudrait même que j’en fasse la review pour dire tout le bien que je pense de lui (et pour une fois ce n’est pas ironique. Fthaghn. Serais-je de bonne humeur ?) mais… mais voilà. À côté de ça, il y a Symphony. Je n’en attendais rien après The Polynomial, qui m’avait quand même sacrément refroidi (parce que bon, le fond d’écran interactif c’est bien, mais pour le fun on repassera). Il traînait même dans ma wishlist. Et puis une bonne âme me l’a refilé (d’ailleurs, ô lecteur, si tu te sens l’âme d’une bonne âme, ma wishlist regorge toujours de tonnes de wish, n’hésite pas, c’est pour la bonne cause).
Et… J’ai honte. Je ne ressens plus cette étincelle douce, chaleureuse, hypnotique lorsque je vois Beat Hazard. Quand la musique m’appelle, mon pseudo-cortex pavlovien dirige prestement le curseur de mon HID USB 6 boutons vers… vers… Enfer. J’ose à peine le dire. Tout ce temps, on nous a menti. Il était possible de faire mieux.
Symphony est d’une élégance à toute épreuve. Où les néons de Beat Hazard gênent la lisibilité et en mettent plein la vue jusqu’à la migraine, ceux de Symphony ne crèvent jamais ce plafond de tolérance que tout joueur à peu près normal ressent. Ils sont là, mais semblent plus être une variation sur le thème du bloom, et par la magie des ressources plus limitées, restent toujours agréables visuellement – même s’il faut admettre que ses tons unis pourraient provoquer la fatigue. Pas de flashes, non. Juste le raffinement d’un indicateur pensé jusqu’au bout.
Son gameplay est tout ce que l’on veut. Où Beat Hazard a dû attendre Shadow Ops pour offrir quelques variations sur son thème, Symphony les met en avant d’emblée. Choix des armes, amélioration des armes, choix de l’orientation des armes, choix du type de clic (ou de l’absence de clic) pour utiliser les armes, tout y est. Les commandes réagissent au doigt et à l’œil (enfin, surtout au doigt, à moins que vous ayez bidouillé une interface fantaisiste à coups de Kinect). Les bosses ne deviennent pas plus complexes, mais bien plus difficiles, ainsi qu’il doit en être. Les vagues ennemies ne comptent pas sur le nombre mais sur les erreurs de positionnement pour vous coller une raclée.
Les armes, améliorées ou non, rares ou non, s’obtiennent sur base des chansons. Ainsi, certaines vous offriront typiquement des versions Furia d’armes normales, ce qui triple à peu près leur puissance. Mais alors, le jeu en deviendrait-il trop facile ? Bonne question, à laquelle le jeu s’empresse de vous répondre que… eh bien que ça ne dépend que de vous. Avec ses six modes de difficulté et son multiplicateur de score dépendant de la puissance de votre arsenal, c’est à vous de rendre les combats faciles, et d’y sacrifier la moindre chance d’entrer dans les classements en ligne, ou au contraire de vous handicaper jusqu’à suer sang et eau à la moindre vague ennemie. C’est habile et vicieux. Car l’air de rien, on prend goût au challenge, on en veut toujours plus, et on s’aperçoit qu’en prime le jeu à le culot de garder les grâces du joueur jusqu’au bout. On ne peut s’en prendre qu’à soi après tout.
Car là réside sans doute la différence majeure entre Beat Hazard et Symphony, et le détail qui déplaira ou fera basculer l’avis du joueur. Symphony est d’une logique inébranlable, d’une rectitude militaire. Si Beat Hazard se base sur les chansons, les chansons SONT Symphony. Non content de baser les vagues ennemies sur vos morceaux, Symphony pousse le vice jusqu’à vous donner un indicateur de l’enfer qui vous attend, en colorant le tableau de bleu pour les moments calmes, de violet pour les instants où les choses se réveillent et de rouge pour le mode « MAINTENANT TU VAS CREVER PAUVRE CON MWAHAHAHAHAHA » .
Je ne sais pas si ça peut fonctionner sur tous les types de musique, mais force est de constater que sur ma musithèque orientée indus (tant électronique que rock et métal), c’est effarant. Certains morceaux passent violemment et sans prévenir du bleu au rouge et vice versa, cassant sans cesse le rythme et me poussant à l’erreur à chaque changement ou presque, tandis que d’autres font des allers et retours quelques fois entre le bleu et le violet avant de passer au rouge. Quelle que soit la situation, c’est à chaque fois un plaisir.
Comme si cela ne suffisait pas, les entrées des ennemis, moins variées que dans Beat Hazard (le contraire eût été étonnant, vu la différence de nature entre les deux jeux) sont nettement plus alignées et rythmées sur la musique. De même que la vue qui est donnée au joueur sur les côtés de l’écran peut lui permettre de voir à peu près ce qui l’attend et d’agir en conséquence (sauf bataille rangée en mode rouge face à des ennemis supersoniques doublés d’avalanches de tirs). Au fur et à mesure, contrairement à un Beat Hazard (mais peut-être cela ne vaut-il que pour moi), on finit par connaître mieux les chansons et les gérer plus facilement, donc.
Tout cela n’est pas de refus, car le champ est bien plus restreint que Beat Hazard, et les ennemis ont tôt fait de vous infliger des dégâts. Et la gestion des dégâts, justement, c’est l’autre atout de Symphony. Votre vaisseau est composé, en gros, de six parties : la coque principale, le nez du vaisseau, et quatre sections dédiées aux armes. Si un ennemi touche votre coque, c’est la perte de points, la perte de combos, et le râle dément qui précède le juron. S’il touche le nez… Tout va bien, vous avez juste eu chaud. S’il touche les sections dédiées aux armes, vous avez un problème. Les tirs les détruisent, vous rendant au fur et à mesure de plus en plus vulnérable et de moins en moins bien armé. Fort heureusement tous les ennemis laissent tomber des notes, qui servent à la fois de score, de monnaie et de pièces de rechange. N’allez pas croire pour autant que les choses vous sont acquises : les vagues se tiendront le plus souvent entre vous et elles.
Les filtres de musithèque, quant à eux, sont sobres et efficaces. Par album, par artiste, tout en vrac, avec ou sans objets découverts ou obtenus. C’était d’une importance cruciale, puisque vous voudrez souvent revenir acheter une arme trop chère quelques minutes plus tôt, et le jeu s’en tire sans accroc.
C’est autant affaire de goût que de qualité à ce stade. Symphony est à tout le moins le complément indispensable à Beat Hazard. Pour moi, il est davantage : il est le nouveau roi du genre.