Les années 360 – Gears Of War 2
On ne le devine probablement pas, ou peu, en lisant mes textes, mais je pense être amoureux de Gears Of War. En réalité, je dois être amoureux, parce qu’on s’est disputé, boudé, chahuté. Bref, on s’est vraiment conduit comme un couple à l’histoire tumultueuse. Le plus beau entre Gears Of War et moi, c’est qu’on se retrouve fréquemment, avec de nouvelles choses à se dire. Même celui que j’avais le plus ignoré, le quatrième, a fini par me séduire par la force des choses. Nous étions donc amenés, je crois, à nous poser un moment, et voir ce qui a amené cette série à être si marquante pour la 360. Aujourd’hui, le programme est particulièrement intense : Epic Games du début à aujourd’hui, Cliff Bleszinski, de ses premiers faits d’arme à son dernier échec, et en conclusion, il y aura une lettre d’amour. Si ça c’est pas mignon.
Après avoir parlé de Peter Molyneux, Hideki Kamiya, Hironobu Sakaguchi ainsi que Silicon Knights, il fallait forcément que je réserve un des chapitres des Années 360 à un monsieur plutôt célèbre chez Microsoft : Cliff Bleszinski. L’individu est né le 12 février 1975 et est donc âgé de 42 ans, ce qui en fait le game designer le plus jeune dont j’ai parlé jusqu’à maintenant – ce qui est un détail dont vous vous seriez sans doute bien passé. Il a vu le jour dans le Massachusetts, a participé à développer l’image « gamer » de la Xbox 360, et a contribué lourdement à l’industrie du jeu de shoot en règle générale.
Cliff, c’est un peu le genre « gamin surdoué » , et il réalise son premier jeu non-commercial à l’âge de 11 ans, soit presque deux fois moins que mon âge, ce qui représente j’imagine une prouesse surprenante, et montre déjà son attachement à une industrie qui se relève de son crash de 1983 (… on en reparlera ? Promis, un jour). C’est à l’âge de 17 ans que bonhomme Bleszinski réalise son premier jeu, commercial cette fois-ci, en tant que développeur indépendant d’un point’n click nommé The Palace of Deceit : Dragon’s Plight. C’est un point’n click, ce qui réduit le peu de potentiel de chance que j’y ai joué à un résultat probablement très, très négatif, parce que, même pas je touche à ces trucs.
Toujours est-il qu’il a développé le jeu lorsqu’il faisait ses études à la Bonita High School en Californie. Il ne sortira pourtant le jeu qu’en 1991, quand il aura monté sa propre boîte nommée Game Syndicate Productions. Appliquant le très efficace dicton « qui ne tente rien n’a rien » , il enverra une copie du jeu à Tim Sweeney qui venait de créer son studio nommé Potomac Computer System. Tim Sweeney sera impressionné par le travail de Cliff et l’engagera en même temps que sa propre boîte sortira le puzzle game nommé ZZT. Cliff intègrera alors une société qui mise sur le shareware, bien avant la sortie de Doom feront remarquer les plus instruits d’entre vous. Pour la petite histoire, la même année, l’entreprise change de nom et devient Epic MegaGames, et ce jusque 1999.
Bref, l’ami Bleszinski travaille désormais, et travaille dare-dare (Binks) si je puis me permettre cet affreux mot (… et cette affreuse blague) sur un autre point’n click nommé Dare To Dream, qui connaît un développement relativement lent vu que le jeu sort en 1993 (… on est alors loin des trois années nécessaires pour arriver à un résultat convaincant aujourd’hui), et une réception commerciale qui décevra le studio. Il travaillera ensuite sur son premier projet en coopération avec Epic Games : Jazz Jackrabbit un platformer de type run and gun (et là, Dean Takahashi chiale) sorti évidemment sur DOS à l’époque, en 1994. Il connaîtra un portage Windows et Macintosh en 1995 et 1996. L’originalité du titre ? Apporter un jeu typiquement console sur PC, mais franchement, quelle idée de jouer à un jeu de plateforme au clavier / souris ? (ndlr : au bûcher, hérétique !)
C’est un succès important pour Epic Games, amenant pas mal de thunes à notre ami Cliff, qui pourra alors se payer son premier véhicule et son premier appartement… Génial, non ? C’est à peu près à cette époque que notre jeune game designer commence à travailler en collaboration avec Sweeney et James Schmalz sur ce qui deviendra Unreal. L’histoire est en marche, et Unreal fera littéralement exploser la popularité de la boîte, et l’amènera à créer le moteur le plus populaire de l’industrie : l’Unreal Engine.
Mais avant cela, la compagnie Epic MegaGames inonde le marché avec de nombreux jeux shareware : Overkill, Tyrian, Epic Pinball… La proposition est longue et variée, tandis que les jeux, du fait de leur accessibilité, rencontrent une certainement popularité, ce qui permet à Epic de se construire une solide image en s’imposant sur le marché PC, à l’époque en plein âge d’or. L’offre permet à Epic de récupérer de l’argent dans bien des cas (rappel : le shareware, c’est l’ancêtre de la démo), et leur permet de pouvoir investir massivement dans des projets ambitieux.
Pendant quatre années, Cliff Bleszinski et ses compagnons travaillent d’arrache-pied sur le projet Unreal. La conception du moteur graphique est longue, le développement du titre qui l’accompagne est vital : le jeu doit être la vitrine technologique de l’outil, tout en étant ludiquement marquant. Pourtant, le level design des cartes de ce shooter multijoueur est laissé au bon soin du studio Digital Extremes (… qui développera trois des jeux Unreal conjointement avec Epic Games : Unreal, Unreal Tournament, Unreal 2). Leur travail est salué lors de la sortie du titre en 1998, et le jeu, ainsi que son moteur, s’impose sur le marché en féroce concurrence à ID Software et son moteur ID Tech vivant de beaux jours à travers sa souplesse et son approche ouverte aux moddeurs. Ce moteur aura un tel succès qu’il poussera le studio à le vendre, mais aussi à y intégrer des outils de mods simplifiant le développement de ceux ci.
Le succès du titre pousse ce qui est désormais appelé Epic Games à développer une suite : Unreal Tournament qui sortira en 1999 sur PC, puis 2000 sur la regrettée Dreamcast, et enfin 2001 sur PS2. Cette première incursion sur console se passe globalement sans grande encombres, et ouvre des portes à Cliff Bleszinski, ce qui lui offrira une opportunité en or dans quelques années. Mais, pour le moment, il est consultant sur un projet de RPG nommé Rune, qui sortira lui aussi en 2000.
En 2002, s’impose la nouvelle version de l’Unreal Engine, sobrement appelé Unreal Engine 2. Fait amusant : le premier jeu à utiliser ce moteur est un titre à destination de l’entraînement des forces des armées des États-Unis dans le jeu America’s Army, qui est un titre gratuit. Mais, évidemment, la vraie vitrine technologique du moteur, c’est l’ami Unreal Championship en 2002, suivi de Unreal Tournament en 2003. La machine à billets est désormais bien lancée.
C’est Unreal II : The Awakening qui nous intéressera particulièrement ici. Le jeu sort sur PC et sur la première Xbox. C’est la première incursion de la série sur Xbox, et nous sommes alors en 2003. Une nouvelle révision du moteur arrivera en 2004, et permettra la sortie d’encore deux standalone d’Unreal, Tournament 2004, ainsi que Championship 2 : The Liandri Conflict. Mais voilà, l’Unreal Engine 3 sort, qui s’avèrera être le moteur le plus utilisé de la septième génération, mais il faut un jeu pour le lancer. Un jeu qui est en gestation chez Epic Games depuis un moment et est une commande directe de Microsoft à destination de la Xbox 360, une console spécialement bâtie pour accueillir le moteur, sur les conseils de Cliff Bleszinski.
Ne tournons pas autour du pot : Gears Of War, avec sa mécanique de cover shooting lent, technique, et franchement violent, est un succès mondial. La franchise n’a alors qu’un seul opus qu’elle impose déjà son style, et amène avec elle des mécaniques qui influenceront grandement des jeux comme Mass Effect, Alpha Protocol, Uncharted, Vanquish, The Division… L’impact de Gears Of War est encore aujourd’hui évident, et signe alors la vraie explosion de la carrière de Cliff Bleszinski, qui démarrera alors une trilogie.
Un an plus tard, sort Unreal Tournament 3 sur PC, Xbox 360, mais aussi PS3. Bien évidemment, la claque est déjà passée, et le jeu n’a pas le même impact qu’un autre opus de la série. Ce coup de mou marquera une longue pause pour la saga qui n’a toujours pas été stoppée, alors que l’Unreal Engine 4 est pourtant une réalité. Toujours est-il qu’à cette époque, Epic Games distribue son moteur à qui le veut bien et le succès est ahurissant. De Bioware à Mistwalker, en passant par Obsidian, Cyanide, et bien d’autres, ils utilisent tous un moteur qui deviendra ma hantise, car le rendu des couleurs grisâtre, devenant sa marque de fabrique, me rendra complètement marteau.
Cette année 2007, Epic Games fait l’acquisition de la majeure partie du studio People Can Fly. Pour l’instant, il n’y a pas de projet annoncé, mais les développeurs se sont déjà illustrés dans les shooters avec la série Painkiller. En 2008, Cliff Bleszinski remet une couche avec Gears Of War 2, le jeu qui nous intéresse ici, et qui introduit le célébrissime mode horde qui sera copié de toutes parts ensuite. Il impose une campagne solo qui fera des jaloux, et surtout, un multijoueur plus riche et carré que son prédécesseur.
Nota Bene : Il me paraît important de rappeler que cette année 2007 est aussi marqué par le début du procès entre Silicon Knight Studio et Epic Games, à propos de l’affaire de la licence de l’Unreal Engine 3 utilisé par le studio canadien. Pour plus d’informations à propos de l’affaire, c’est ici.
Entre temps, Cliff Bleszinski révèle ses influences pour la série Gears Of War, évoque un jeu de Playstation 2 avec une mécanique de mise à couvert similaire nommée Kill Switch, ainsi que l’indécrottable Resident Evil 4. Il révèle aussi que Gears Of War a un jour était connu en tant que Unreal Warfare, mais probablement pour mieux commercialiser le jeu en tant qu’exclusivité Xbox 360, il a été renommé. Pendant ce temps, Epic Games, peu actif, a tout de même racheté le studio Chair Entertainment, qui sortira à l’été 2009 le fameux jeu arcade sur Xbox 360 nommé Shadow Complex, dans lequel Cliff Bleszinski s’est impliqué.
Un rebond d’activité pour la société est vu en 2010, avec la sortie d’une démo technique du moteur Unreal Engine 3 sur mobile avec la démo Epic Citadel, qui donnera naissance à une série de Action / RPG uniquement sur portable nommé Infinity Blade, et qui connaîtra trois épisodes ainsi qu’un très joli succès. Les jeux sont développés par Chair Entertainment et le dernier opus sortira en 2013, avant que le studio ne se fasse très discret et ne sorte qu’une version remasterisée sur PC, PS4 et Xbox One de Shadow Complex en 2016.
La compagnie sortira également un jeu en 2011 n’ayant malheureusement pas beaucoup marqué les esprits. Il s’agit de Bulletstorm du studio People Can Fly racheté précédemment, et qui ne réussira pas à s’imposer comme une nouvelle franchise, alors qu’il en avait le franc potentiel. Heureusement, la licence sera conservée par People Can Fly qui quittera Epic Games en 2015, après avoir sorti un spin off de Gears Of War nommé Judgement en 2013, qui n’a lui aussi pas vraiment réussi à convaincre malgré une vision fraîche de la formule de la saga. Fort heureusement pour People Can Fly, ils s’allieront à Gearbox Software pour ressortir Bulletstorm dans une nouvelle édition avec du Duke Nukem dedans en 2017 ; de quoi laisser entendre qu’il y a un avenir pour cette franchise.
Mais revenons dans le passé et à Cliff Bleszinski qui développe et sort le succès commercial Gears Of War 3, salué par la presse et par les joueurs, mais qui m’a personnellement déçu. Après la sortie du titre en 2012, alors que l’éditeur Tencent annonce posséder plus de 40% d’Epic Games, Cliff décide de partir, prétextant prendre une pause. Mouerf. On sait tous que l’idée de faire des free to play et des jeux mobiles pour le restant de tes jours ne t’emballe pas, Cliff ; fais pas semblant.
En tout cas, c’est cette année qu’est annoncé Fortnite, un free to play à venir fait par une nouvelle branche d’Epic créée pour l’occasion. Et c’est avec le quasi rachat d’Epic par Tencent que commence les étourderies et une raréfaction massive du développement de jeux chez Epic, avec notamment l’affaire Epic Baltimore, studio ouvert en 2012, composé des meilleurs développeurs de la boîte, et qui fini par se faire renommer Impossible Studio la même année… puis être fermé la suivante.
Un an plus tard, un nouvel Unreal Tournament est annoncé, et pour cacher le fait que les têtes pensantes sont toutes parties, il est dit que le jeu sera gratuit et sera fait grâce aux retours des fans, histoire de cacher la misère d’une boîte qui se contente de construire des moteurs graphiques et de sortir des jeux en accès anticipé (Fortnite et sorti payant en 2017, mais sera gratuit en 2018… Pourquoi pas ?). On peut aussi parler du jeu en VR qu’ils ont réalisé pour l’Occulus Rift, mais le titre a été assez vite oublié, témoignant du manque d’intérêt des récentes productions de la boîte. Paragon quant à lui est un moba free to play sorti en 2016 en exclusivité console sur PS4 ainsi que sur PC, et a connu un succès correct vu qu’il est encore alimenté.
La nouvelle politique d’Epic Games est finalement la suite logique de sa philosophie des années 90. Le shareware est sans doute la première forme de ce qui deviendra le free to play, avec cette idée qu’il faut donner accès au jeu pour donner envie aux joueurs de s’y investir, et donc assez logiquement d’y investir. Comme quoi, tout a une origine. Un nouveau rebond dans l’histoire d’Epic Games permet à Fortnite de se faire remarquer. Peu de temps après avoir aidé Bluehole Studio à faire le fameux et récent succès PlayerUnknown’s Battlegrounds en leur donnant des conseils pour développer le titre sous leur moteur Unreal Engine 4, Epic sort une version maison du mode de jeu battle royal pour son titre Fortnite, mais gratuitement.
Cette affaire est malheureusement à suivre, car PUBG Corp (le nouveau nom de Bluehole Studio) pense qu’Epic leur a littéralement volé leur idée, voire même leur concept, pour l’adapter à la va vite sur Fortnite et surfer sur la vague créée par leur jeu. Ils n’ont pas tort, mais c’est plutôt couillu venant de mecs ayant travaillé sur le jeu Day Z, qui était à l’origine un mod d’Arma et qui ont quitté le projet pour travailler sur PUBG… Qui est à l’origine un mod d’Arma ? Faire votre beurre sur les idées des autres, c’est un peu l’histoire de votre vie les gars. En tout cas, si suite de l’affaire il y a, je ne manquerai pas de vous en faire part. En attendant pour plus d’informations sur PUBG, c’est par là.
Cliff Bleszinski, après une pause de deux ans, annonce ouvrir un studio dont il est co-fondateur avec Arjan Brussee, parfois crédité comme l’un des rares développeurs allemand à s’être fait un nom dans l’industrie. Ensemble, ils se mettent à travailler à destination de la PS4 et du PC sur le jeu Lawbreakers. On croyait que Cliff allait réécrire son mythique parcours, et il semblait d’ailleurs vraiment y croire. Entre temps, la licence Gears Of War est vendue à Microsoft en 2014, est supportée par un studio qui lui est dédié nommé The Coalition, qui développera un remaster du premier Gears Of War en 2015 et finalement Gears Of War 4 en 2016. Cliff Bleszinski proposera même son aide alors qu’il est en plein développement sur Lawbreakers. De quoi surprendre.
Et il ferait mieux d’y réfléchir sérieusement, car Lawbreakers sort dans une version payante qui ne séduit aucun des deux publics visés. Malgré ses intentions de remettre au goût du jour un feeling à la Unreal tout en s’inspirant des arena shooters modernes qui cartonnent, Lawbreakers n’attire presque personne et est déserté peu après sa sortie, ne laissant que deux options au jeune studio : le soutien risqué à long terme du titre sous la forme d’un passage free to play, ou l’abandon pur et simple avec risque de fermeture assez évident. L’avenir pour Cliff Bleszinski ne paraît désormais plus très rose, alors que son comeback après six ans d’absence est si froidement accueilli.
Pour la petite histoire, Arjan Brussee était notamment connu pour avoir fait parti du studio Demoscene, un studio qui se chargeait de créer des démos techniques. Ce studio avait collaboré avec Cliff Bleszinski sur le jeu de plateforme à succès cité précédemment : Jazz Jackrabbit. On aurait aimé que cet homme puisse faire ses preuves à nouveau et s’illustrer sur un jeu qui deviendrait célèbre. Malheureusement, il semble qu’il devra retenter le coup sur autre chose, si tant est que les deux compagnons se trouvent une opportunité commune.
Epic Games aura donc marqué les esprits, mais aura aussi bien déçu en constatant sa lente descente en enfer. Passé de maître du software proposant des jeux innovants et salués, et est désormais pratiquement réduit à développer des free to play ainsi qu’à entretenir des moteurs graphiques. Il en est finalement un peu de même pour la carrière de Cliff Bleszinski, mais l’homme a encore le temps de rebondir s’il en a le courage. Il lui reste après tout près d’une moitié de carrière pour trouver une nouvelle opportunité. Mais nous ne sommes pas là pour accabler une société et un homme en mauvaise posture, mais pour expliquer pourquoi l’une de leur création a tant fait rêver des millions de joueurs. A suivre dans le deuxième onglet avec Gears Of War 2 !
Steve Jablonski Gears Of War 2 : Dom and Maria (c’est le moment où tu chiales)
« C’est pour les beaufs » ; « C’est mou » ; « C’est arriéré » ; « On peut dire que ça fait dix ans que ça roule des mécaniques » ; « C’est à l’image de la Xbeauf » . Bordel, ce que j’en ai entendu des répliques de ce genre lorsque j’ouvrais le sujet Gears Of War, après la sortie de la Xbox One et le scandale qu’il y a eu autour de son annonce. Tout le respect de la marque et de ses porte-étendards s’était évaporé en un instant, non sans raison, certes, mais ça fait mal. Ce qui est le plus douloureux dans cette histoire, c’est que j’ai moi-même un peu commencé à trouver ça naze, Gears Of War. A force de m’en tenir éloigné, j’en étais venu à accepter les conclusions des plus grossiers analystes. C’est pourtant il y a moins d’un an, en début d’année, que j’ai refait Gears Of War 2, car il me venait l’envie de craquer pour le quatrième. Et puis bam, je me suis rappelé que Gears Of War, c’était et c’est génial.
Un bon gros rail de trip régressif. Des gros flingues, des gros bonhommes, des grosses bêtes à dégommer, tronçonner, charcuter, exploser… Le champ lexical de la violence et de la guerre est varié. Pourtant, le vocabulaire des héros de Gears Of War n’a jamais été très riche. Au mieux était-il fleuri. C’est sans doute un peu pour ça que j’aime les protagonistes de cette saga ; ils n’ont certes pas un passé ultra-complexe, ni une construction qui brise les codes ou sort de l’ordinaire, mais ce sont des soldats avec ce qu’il faut d’attache pour se battre. C’est concis, c’est rapide à présenter, et dans les faits, ils sont aussi attachants qu’ils manquent d’épaisseur.
La vérité, c’est que dans le premier Gears Of War, on s’attachait à nos personnages parce que l’univers était assez cruel et mystérieux, ne perdait pas son temps à expliciter les lieux, ni à détailler la nature de nos adversaires. C’est là, on sait que ça fait longtemps que c’est là, parce que ça se voit. Tout l’intérêt d’une histoire qui débute in media stress est que l’exposition est courte parce qu’elle aurait été sans doute inutile. Il y a si peu à dire qu’il faut le réserver à une découverte, manette en main.
Et c’est sans doute ce que Gears Of War 2 fait le mieux. Une fois l’introduction passée, on apprend à redécouvrir l’univers du jeu, les anecdotes des personnages, et les commentaires sur ce qui les entoure finissent par nous inscrire dans un monde qui dépasse les frontières des murs invisibles. L’invitation à lire les romans et les BD n’est pas graveleuse, tandis que le propos global du jeu reste simple : y a des connards qui sortent du sol, on va les faire retourner dans leur trou, et les crever. Le joueur n’a pas forcément besoin d’en savoir plus, mais s’il en a envie, il y a quelques documents à lire ici et là, ou bien des dialogues de soldats se rappelant qu’ils avaient une vie avant qu’on ne les incarne. C’est bête, mais ça fonctionne. Puis, les BD ont une patte visuelle très sympatoche, et les romans sont curieusement assez bien traduits. Pas une mauvaise pioche si vous accrochez.
Et pour le coup, Gears Of War 2 fait tout pour accrocher. Passer la première mission où l’on peut initier un bleu (… une manière intelligente de passer un didacticiel ou de le jouer), c’est bien simple : Gears Of War 2 est une leçon de rythme. Si vous n’avez pas joué au premier opus, il s’en tape. De toute façon, l’histoire n’est pas épaisse et les références sont peu nombreuses. Ce n’était qu’un épisode important dans la vie de nos soldats, mais il y en a eu d’autres. Alors, le propos est concis, mais on voyage ; on passe de la capitale en ruine, à la campagne à dos de véhicule tout-terrain massif, puis on arrive dans un village esseulé pour commencer à forer le sol pour rejoindre le milieu naturel de vos adversaires. C’est là notamment qu’on découvre que Gears Of War 2 a encore tout d’une claque esthétique avec cet environnement grandiose, qui renouvelle un peu la construction fainéante des niveaux de la saga.
Enfin, on fini par sortir de sous terre, bien qu’après quelques belles séquences d’anthologies, le final ne dénote pas, et s’avère explosif et fluide. La grande force de Gears Of War 2, c’est de camoufler ses chargements par des cinématiques, histoire de garantir la fluidité du récit ; une caractéristique que lui empruntera son concurrent direct, Uncharted, édité par Sony. On assiste donc à un spectacle continu, d’événements et fusillades plus improbables les unes que les autres, avec en prime une petite poignée de séquences « émotion » qui prennent aux tripes, alors qu’on était encore en train de mâcher deux trois popcorns. Surprenant.
Surprenant, comme ces phases plus calmes et contemplatives, où le jeu invite à quelques puzzles pas bien complexes, histoire de faire varier la proposition, et permettre quelques conversations avec quelques punchlines ridiculement beaufs, et drôles par la même occasion. Cela ne se prend définitivement pas au sérieux, bien que, parfois, ça claque quelques répliques bien senties contre les politiciens, la guerre et sa stupidité manifeste que l’on mène pourtant en toute connaissance de cause. Le jeu a heureusement le bon goût de ne jamais insister là-dessus, parce qu’on sait déjà tout ça depuis que la guerre a été inventée, mais surtout qu’on sait qu’en parler n’a jamais rien résolu : on est invariablement amené à se foutre sur la gueule, et ce cynisme colle bien aux personnages du jeu.
Toutefois, Gears Of War 2 ce n’est pas qu’un rythme tambour battant et un scénario qui se passe de fioritures pour être efficace, c’est surtout un gameplay pur, sans aspérités. Il ne fait pas grand chose d’autre que du cover shooting, mais bordel, qu’est ce qu’il le fait bien ! Il arrive à faire varier les lieux, la topographie, les adversaires, ainsi que le contexte environnemental, assez souvent pour qu’on ne décroche pas. On enchaîne alors les arènes en découpant des ennemis à la tronçonneuse pour la cinquantième fois, ou déchiquetant l’un d’entre eux avec une bonne cartouche de fusil à pompe dans les ratiches. Putain, que c’est jouissif. Dommage que les balles les moins puissantes n’aient que si peu de feedback visuel, sinon le gamefeel aurait été parfait.
Mais, je ne bouderai jamais le plaisir que je prend à le faire, refaire, et j’espère un jour encore refaire à nouveau si remake de Gears Of War 2 il y a. C’est un vrai moment de bonheur que de traverser la campagne de ce second opus, cette maîtrise, cette esthétique, et ces musiques qui ont parfaitement compris l’esprit guerrier et la majesté de la planète Sera, théâtre du conflit dans la saga. Le plus impressionnant avec Gears Of War 2, c’est qu’il paraît si réussi, si parfaitement rythmé et calibré, que son successeur spirituel Gears Of War 4 arrive presque à son niveau dans les actes 3, 4 et 5 de sa campagne, offrant de nombreuses scènes originales, mais qui ne sont que des réminiscences de la maîtrise de son aîné.
Est-ce qu’un jour un shooter en troisième personne s’avèrera au moins aussi rythmé et maîtrisé que ce Gears Of War 2 ? Jusqu’ici, les jeux en troisième personne que j’ai essayé n’y sont pas arrivé. Sans doute l’équilibre a-t-il été trouvé par pur hasard, car dans cette tentative, même Gears Of War 3 s’est cassé les dents à essayer d’être aussi bien foutu. The Coalition semble avoir trouvé la bonne recette, mais n’est peut-être pas capable de se passer d’une exposition longuette. Réussiront-ils à réitérer l’exploit avec le cinquième ? Peut-être. En tout cas, je pense que cette fois-là, je serai présent au rendez-vous, et je n’attendrai pas si longtemps pour replonger dans Gears Of War.
Je pourrais vous dire qu’il y a des murs invisibles, que c’est linéaire, que c’est un peu toujours la même merde, qu’on a tout de même l’impression de perdre une partie de ses neurones chaque fois qu’un Gears ouvre sa bouche ou ouvre un thorax à la tronçonneuse… Mais en vrai, je m’en fous complètement. Lorsque je fais la somme de toutes les heures passées à refaire Gears Of War 2, j’ai l’impression de ne pas encore y avoir passé autant de temps que je le voudrais. Alors, c’est beauf, c’est sûr. C’est même très con. Mais au moins, ça va où ça veut aller, y a de l’action avec du vrai rythme, des tranches de bravoure à tire-larigot ; je me souviens de chaque scène, et j’ai envie de les revivre. Alors, vous m’excuserez, mais après avoir passé de longs mois à me demander comment j’allais finir cette chronique Les année 360, amorcée mais jamais finie, je m’en vais en découdre une dernière fois avec cet opus, avant de probablement refaire le quatrième. Et tant pis si j’en deviens beauf.
Comme vous le voyez, Gears Of War 2 est un jeu que je trouve merveilleux. Et si un jour il devient disponible sur Steam, ou sur le Windaube Store, je vous invite à y jeter un coup d’œil. Parce que des shooters aussi fendards, rythmés et bien construits que Gears Of War 2, je n’en connais aucun… Ou plutôt un seul, et c’est le quatrième. J’en profite pour dire que, malgré le temps que je met à sortir Les années 360, ce n’est pas encore tout à fait fini, et j’annonce d’ailleurs que le prochain devrait être un très, très, très gros morceau. Sur ce, amusez-vous bien, et j’espère vous en avoir appris un peu plus sur ces années Xbox 360 !