Les années 360 – Bayonetta : Le Jeu (2/2)
Vais-je arriver à donner fin à ce calvaire, ce cauchemar d’écriture qu’est Les années 360 Bayonetta ? Si vous pouvez lire cet article, c’est que j’ai réussi. Sinon, je suis face à moi même en train de hausser les sourcils, tout en me demandant « Pourquoi diable écris-tu cela ? » . Oui, j’essaye de virer Scalebound de ma mémoire, mais en même temps, toutes mes photos de profil sont composées du boîtier du titre, alors comment faire ? Certainement que je dois accepter son inexistence, et pour cela, il faut que je finisse cet article sur Bayonetta. Il faut que j’écrive le mot fin à ce terrible Odyssey qui m’aura pris (… sans déconner) bientôt plus de sept mois à écrire. Call of the Tenebrae et sa critique se marre parce que, lui, il a déjà un an, mais tout de même, c’est chaud ! Voilà, j’ai écrit une introduction qui n’a probablement pas de sens, mais est-ce que le titre que je vais traiter en a un dans son scénario et son esthétique ? Probablement que non. Il n’empêche qu’il s’agit, sans trop de risques, de me tromper du meilleur beat’em up 3D de son temps, et il mérite que j’écrive un flot de conneries pour lui.
Sorcière habillée en none recherche anges à déflorer
Bienvenue en enfer. Bienvenue dans un jeu réalisé, écrit, et pensé par Hideki Kamiya. Le bon goût est à la décharge, sur le point de finir écrasé et compressé avec le bon sens et la logique. Tout cela pour former un joli petit cube tout propre que l’on laissera trôner fièrement au dessus d’un feu de cheminée, dont les flammes (… violettes) sont alimentées par des morceaux de cadavres de censeurs. Le titre commence par une scène d’enterrement qui fini en joyeux bordel désorganisé, dans lequel on prend en main un personnage au départ si difficile à maîtriser. Cela enchaîne sur une autre cinématique dont on ne comprend rien, avec un effet de mise en scène étrange en images fixes sur des kilomètres de pellicule de cinéma. Et, on saute d’image en image en se demandant pourquoi, mais pourquoi est-ce que Bayonetta a une coupe de cheveux aussi improbable ?
En termes de scénarien, on nous propose des twists et du mystère, sur l’idée originale que l’héroïne est amnésique, et que donc voilà, il arrivera qu’elle paraisse surprise environ un quart de seconde lorsqu’il y a une révélation, avant de chopper la six mille six cent quarante quatrième sucette qui traîne dans ses poches… Elle n’en a pas ; dans son soutien gorge alors… Elle n’en a pas. Disons qu’elle a des sucettes, et que globalement, le scénario à base de prophétie de méchants anges qui balancent des « Oh oui Bayonetta tu es puissante, tu es si forte, tu réaliseras la prophétie si nous te laissons exister… » , et pendant qu’il continue son blabla, notre personnage s’impatiente. Et au bout d’un moment, le coup de feu part, et c’est le bordel. Oui, ne vous attendez pas à un scénario logique, cohérent, intéressant ou quoi que ce soit qui ait un quelconque potentiel intellectualisant ; les dialogues sont au vingtième degré, la mise en scène appuie un côté « rien à foutre, rien à foutre j’fais qu’est-ce que je veux ! » , en mettant en avant au choix : des ennemis en train de prendre cher, des trucs qui explosent, les fesses de Bayonetta, une sucette… tout respire le bon goût, et c’est pour le mieux. Ah, et si vous vous posez des questions sur l’écriture de l’ensemble, sachez que c’est surement bourré d’incohérences et autres imperfections, mais c’est tellement drôle qu’on s’en fout. Ce n’est pas franchement un scénario épais que l’on vient chercher en jouant à un jeu du genre.
Parce que c’est aussi ça la force des cinématiques du titre. Autant quand elles arrivent pour casser le rythme on s’exclame : « La ferme, laissez moi jouer ! » . Mais, trois secondes plus tard, on s’avoue assez médusé par les conneries de l’ensemble, avec Bayonetta qui joue autant de son physique avantageux que de sa posture et son attitude qui lui donnent l’air d’une femme facile, alors qu’en réalité, l’approcher, c’est risquer de se prendre une jolie balle entre les deux testicules. Et ça, ça doit être plutôt douloureux. C’est un foutoir absolu, et si le final se prend environ une minute au sérieux, c’est une minute de ridicule qui complète les quelques errements d’écritures du titre à se prendre parfois au premier degré, alors que ni Bayonetta, ni nous, ni même Kamiya n’en avons quelque chose à carrer. On dirait des scènes intégrées pour cocher la case « scénario » dans le cahier des charges.
Cela dit, le jeu est un hommage esthétique à l’anime Neon Genesis Evangelion, avec notamment une reprise du design des anges ainsi que quelques astuces de game design planquées ici et là pour rappeler l’anime. On trouve aussi une reprise folle de Fly me to the moon mis en avant à quelques moments clés du jeu. Cette influence n’est pas la seule, car on trouve aussi une référence à Assassin’s Creed lors de l’introduction du personnage de Luka, étrangement habillé comme Altaïr et étant poursuivi par des gardes. On pourra aussi noter le clin d’œil subtil à Okami : lorsque Bayonetta se transforme en panthère, elle laisse derrière des fleurs qui rappellent évidemment la louve Amaretsu du chef d’œuvre du game designer. Une dernière référence aussi contemporaine que celle d’Assassin’s Creed lorsqu’on vient à acheter un objet à un magasin, Bayonetta demande au vendeur s’il est possible de fixer une tronçonneuse à son bras, référence assez évidente à l’exclusivité Wii MadWorld du studio Platinum Games. Oui, l’exercice de l’auto-citation, c’est moyen-moyen, je suis d’accord, mais c’est assez naturellement glissé dedans, et ce n’est pas comme si c’était des références évidentes et putassières : « Je me fiche de savoir si les gens trouvent le film mauvais, pour moi Final fantasy Les Créatures de l’Esprit est mon film de Science Fiction préféré ! » . Maxine, la suceuse de Square, boucle-là à tout jamais.
J’ai parlé de la mise en scène. Sachez tout de même quelle est absolument brillante, avec des idées en pagaille et un sens de l’absurde très aiguisé. On ne comprend peut-être pas grand chose à ce qui s’y passe, mais y a t-il quelque chose à comprendre autre qu’un spectacle esthétique dont on ressort avec l’impression d’avoir été cérébralement violenté. C’est marrant et c’est joli, tout en étant vraiment original dans bien des cas, donc impossible de ranger cela du côté des points négatifs, même si on admettra que, quand même, mettre un peu de sens dans ce foutoir aurait certainement aidé à s’attacher à l’univers. Je vous met cela dit au défi de ressortir du jeu sans vous être attaché à son héroïne violente, canon, aguicheuse, farouche, et maligne dans le plus pur sens du terme : ne faites pas confiance à son « chouchou » . Ne devenez jamais le chouchou !
Joli et techniquement solide
Si l’on excepte la version PS3 qui est proprement infect (… le framerate fait le yoyo comme jamais et la qualité visuelle est largement altérée), Bayonetta est vraiment joli sur Wii U, Xbox 360, ainsi que, logiquement, sa version rétrocompatible. Les textures crasseuses peuvent déranger, mais l’ensemble des modélisations est vraiment solide, tandis que les effets visuels soignés permettent de magnifier des environnements qui, sans cette surcouche, aurait pu paraître vide. Du moins, ça, c’est pour les environnements de transitions, et si vous faites une allergie aux jeux au visuel hétérogène, Bayonetta risque de vous déplaire ; si certaines zones sont justes correctes, d’autres sont clairement plus ambitieuses et proposent une direction artistique aussi folle que la mise en scène des cinématiques. Tous les moments importants de la campagne sont mémorables, car il y a eu un soin particulier, notamment les boss qui sont visuellement absolument terribles.
Malheureusement, il y a un défaut qui pourra être frustrant pour beaucoup de joueurs. Il y a en effet un peu de recyclage dans le bestiaire et dans l’environnement, ce qui peut décevoir par rapport à l’ambition et au soin global du projet, mais on pardonne assez vite dans la mesure où ces affrontements nous permettent de nous rendre compte de notre progression. Les animations sont (… comme souvent dans les gros jeux japonais) très soignées, notamment le personnage principal qui bouge diablement bien ; on enchaîne les esquives et les coups sans jamais trouver de défauts particuliers dans la réalisation. Par contre, les ennemis ont une exécution de leurs animations extrêmement rapide ; ne pensez pas que c’est un jeu pour les mous du bulbe. Il faut être rapide et prudent. Oui-oui, on peut être les deux à la fois, et si vous ne l’êtes pas, eh bien vous crèverez. C’est dommage, mais c’est ainsi.
Au niveau de la direction artistique, Bayonetta est visuellement assez particulier, et il faudra bien trois-quatre heures avant de s’habituer au trip visuel. Une fois qu’on s’est habitué, on peut vraiment apprécier ce grand bazar d’influences et de situations rocambolesques qui donne au titre une identité certaine, même si je dois bien avouer que je préfère le visuel du nouveau Devil May Cry. Oui, autant rappeler que le reboot de la série de Kamiya est tout à fait recommandable. La plus grande réussite de la direction artistique de Bayonetta est qu’elle se permet à peu près tout, et donne lieu à des séquences complètement folles qui font malheureusement toussoter le framerate ; on peut pas tout avoir sur console.
Et là où je veux mettre l’accent : le jeu essaye d’être constamment en soixante images par seconde, mais n’y arrive tout simplement pas, parce que Platinum Games a été extrêmement généreux en effets graphiques, et dans certaines situations particulièrement généreuses, bah le jeu, il dit non, et il vient chatouiller les quarante images par seconde. Ça peut déranger dans ces mêmes situations, car elles demandent des réflexes qui ne seront pas aidés par un manque de visibilité évident, et par cette fluidité qui fluctue. Bordel ! Ils auraient pas pu sacrifier deux-trois trucs pour arriver à un framerate fixe ? C’est si compliqué de poser ses couilles et dire « On va faire un jeu d’abord fonctionnel » ?
Pour ce qui est des musiques, on en prend plein les oreilles avec des compositions orchestrales classiques, mais aussi beaucoup de musiques plus contemporaines. En combat, la musique se marie vraiment bien avec des bruitages qui sont certes percutants, mais pas trop forts pour que l’on puisse autant apprécier la musique que l’action, parce que les sons trop audibles me font sortir du délire. Me demandez pas pourquoi. Pour ce qui est des doublages, le travail effectué est assez remarquable, notamment le travail de l’actrice principale pour Bayonetta ; la comédienne est nommée Hellena Taylor et s’est assurée de camper aussi bien que possible le personnage, avec quelques teintes suaves et un ton globalement très aguicheur. Je cite assez rarement les comédiens de doublage, mais ici, il faut bien dire que les personnages bénéficient d’acteurs aux voix et aux jeux très à propos, ce qui fait toujours plaisir lorsqu’un titre a un ton particulièrement singulier. Le personnage de Luka, qui est aussi très important, profite aussi d’un comédien très talentueux nommé Yuri Lowenthal, et qui semble avoir très vite compris son rôle. Félicitations à toi aussi mon gars.
La science et l’art de Kamiya…
Mais Bayonetta, ce n’est pas qu’une plastique réussie et une modélisation abusivement précise d’un corps féminin aux formes généreuses, c’est avant tout un pur produit de gameplay cuisiné dans les studios de l’excellence. Vous vous demandiez si Devil May Cry aurait un jour un digne successeur ? Vous le savez surement déjà, mais Bayonetta est très largement à la hauteur. Si Dante avait une sœur, ce serait elle, sans l’ombre d’un doute. Kamiya construit à l’aide de ses collaborateurs des niveaux linéaires mais proposant chaque fois un level design étudié, afin de proposer un challenge qui monte crescendo. Les plus habitués trouveront les premiers niveaux poussifs et emmerdants, mais se rendront vite compte que c’est le prix à payer pour intégrer de plus en plus de mécaniques afin de créer des situations toujours plus complexes, jamais similaires à ce que nous avons déjà joué. Même lorsque le titre recycle des adversaires, ce n’est jamais que pour changer les conditions de l’affrontement en ajoutant un ennemi qui auparavant nécessitait toute votre concentration pour être vaincu, où désormais il est appuyé par de puissants alliés. Sans jamais fondamentalement affecter les caractéristiques de votre personnage, Kamiya prend soin de vous montrer que vous avez pris du galon, et que vous maîtrisez petit-à-petit votre avatar.
Ainsi, si avant de jouer au titre, vous avez visionné une vidéo de gameplay en vous disant « Putain, mais jamais je ferais ça ! » , dites vous bien que j’étais dans la même situation, avant de jouer en mode new game plus sans me rendre compte que je refaisais les mêmes salles avec plus d’ennemis et plus puissants en trouvant ça assez naturel. Finalement, je reviens sur les vidéos de gameplay dont le niveau de joueur m’estomaquait, en comprenant comment le gars qui combattait réussissait à gagner, mais en plus en me rendant compte de ses propres imperfections qui l’empêchait de chopper le platine pur, objectif de tous perfectionnistes. Dans Bayonetta, ce n’est pas que votre capacité à esquiver toutes les attaques qui vous permettra d’être performant ; il faut aussi se révéler aussi agressif que les retors adversaires qui vous sont opposés. Être prudent, c’est bien, dégommer la cible, c’est mieux.
Ainsi, j’ai identifié cinq étapes dans mon expérience de jeu sur Bayonetta, la première est forcément la plus douloureuse : on essaye d’appuyer sur les touches à des rythmes différents sans jamais élaborer de stratégie, et on crève. Voilà, c’est ainsi, et ça va vous arriver. La seconde est très scientifique : c’est une observation de l’adversaire, une décomposition méthodique des comportements qui fini par vous donner une base d’informations assez importantes et finalement extrêmement dense. Cela vous fait comprendre que, oui, vous allez en baver pour tout maîtriser, car tel combo n’est peut-être pas viable avec tel ennemi, et un rythme d’attaque trop soutenu sur lui ne fonctionnera peut-être pas, alors que l’autre nécessitera d’attaquer en continu. Bref, on se rend compte que nos adversaires sont tous différents et ça tombe bien : nos combos aussi. La troisième étape est une extension de la précédent mais est plus active ; on abuse de l’esquive en comprenant quand elle est utile, quand elle est vitale, et quand elle devient néfaste.
Néanmoins, on commence à glisser quelques combos pour essayer de se battre. Bien sûr, on trébuche, mais on commence à réagir aux coups donnés avec une certaine cohérence et une efficacité qui, petit-à-petit, se fait remarquer. La quatrième phase est certainement la plus compliquée, parce qu’on commence à mémoriser, à maîtriser, mais chaque imperfection dans notre jeu nous paraît immonde, inacceptable. C’est là où les perfectionnistes trouveront leur bonheur. Parce que la cinquième phase, en réalité, seuls quelques illuminés ou acharnés y arrive. C’est la phase où vous voyez l’ennemi, vous ne touchez pas aux joysticks, vous souriez, on vous attaque, esquive, enchaînement de combo mécanique, l’adversaire est crevé avant de vous avoir effleuré, et pendant ce temps, vous vous êtes préparé un thé. C’est le moment où vous pouvez streamer le jeu en affichant un sourire satisfait face aux visionneurs qui vous accusent de tricher, mais aussi ceux qui vous traitent comme un demi-dieu, car oui, vos centaines d’heures sur Bayonetta ont payé.
Mais avant ça, il vous reste à explorer tous les niveaux, trouver tous les items, farmer la monnaie pour acheter tous les combos complémentaires. Par ailleurs, toutes les armes que vous débloquerez au fur et à mesure des nouvelles parties plus débloqueront de nouveaux combos et stratégies, accomplir tous les défis vous demande d’être très bon et ils sont un parfait entraînement pour atteindre l’absolu, le dernier niveau de maîtrise du titre. Car le but avec Bayonetta, c’est de devenir un hardcore gamer, comme à l’époque où arriver au générique d’un jeu était une réussite impressionnante. Ici, le premier run n’est qu’un gigantesque tutoriel avant de comprendre que nous nous sommes encroûtés avec des jeux d’action trop aisés. Même Dark Souls paraît artificiel après les combats de Bayonetta, car dans les Souls on peut farmer pour gagner en puissance (… même si cela paraît négligeable, ça ne l’est absolument pas). Dans le jeu de Kamiya, si tu n’arrives pas à suivre, c’est que tu n’es pas assez bon, alors reviens à un niveau précédent, ou change de jeu.
C’est d’ailleurs ce que je pourrais reprocher au titre. Même sans être élitiste, le premier run peut faire peur lorsqu’on lit ici et là que ce n’est que le début, et que pour l’instant c’est assez simple. Cela laisse le non-initié craindre le pire pour la suite. Pourtant, en s’investissant dans les mécaniques, on se rend compte que la courbe de difficulté est parfaitement étudiée. Tout comme pour un Souls ou comme tout autre jeu réputé comme « impossible » (… et autre connerie pour faire naître un culte fantasmé autour d’un jeu plus réussi que la moyenne), il suffit d’y passer un peu de temps pour être bon. Et surtout de ne pas avoir peur de se chopper des notes de merde à la fin des niveaux dans les premiers temps, pour prendre sa revanche sur le titre après ; on sent une tape amicale dans le dos de la part de Kamiya quand on signe son premier platine pur.
Donc ouais, les combats à pieds de Bayonetta, c’est de la dinguerie. C’est merveilleux. C’est dur, mais putain, qu’est-ce que c’est bon, qu’est-ce que c’est dépendant de votre niveau de joueur ; ça peut être rapide ou très long. Ça sent jusque dans ses détails le savoir-faire et l’amour du jeu vidéo propre aux jeux de Capcom des années 80 – 90, et même débuts 2000. Là, on ne se demande plus pourquoi Kamiya est un génie. On ne fait que constater : ouais, le mec, il gère, et on peut juste tirer son chapeau.
… Les étourderies de Platinum Games
Putain, mais bordel, c’est quoi ça ? Tu viens de me couper dans l’action avec une cinématique ? Vires-moi le gros boule scripté de Bayonetta, et files-moi le contrôle ! Quoi ? Un QTE ? J’emmerde ton QTE ! Ah… Ah, mais je suis mort parce que j’ai pas réussi le QTE, donc je dois recommencer où ? Avant le combat de cinq minutes que je viens de faire à l’instant ? Mais t’as complètement pété un câble ?! Je m’en tape de ta narration d’épileptique à la con. Et pourquoi je voudrais mater une nouvelle fois ta cinématique? Laisses-moi la passer bon dieu de merde ! Ce genre de réflexions, vous allez vous en faire une bonne dizaine de fois durant la douzaine d’heures que prend un run, et à chaque fois c’est intrusif, inutile, et alourdit une expérience qui devrait avoir un rythme effrénée. Enfin merde quoi les gars !
Et vous savez quoi ? C’est même pas le pire. Vous avez à disposition un des systèmes de combat les plus riches et fendards de tous les temps. Naturellement, vous n’avez pas besoin que l’on change de boucle de gameplay ; elle se renouvelle d’elle même, non ? Non ? Ah bah visiblement, non, vu qu’on nous impose des phases de de shoot’em up et de course qui tirent sur la longueur (… une grosse poignée qui dure chacune une vingtaine d’infernales minutes), tout en étant extrêmement médiocre. Je suis pas un fanatique de Shmup, mais je sais à peu près reconnaître quand l’un d’entre eux est mauvais. Dans Bayonetta, ces phases sont infâmes, d’une mollesse, d’une lenteur, d’une imprécision agaçante… On supplie le titre d’en terminer au bout de trente secondes, et dix minutes plus tard, on en est qu’à la moitié alors que notre cerveau fantasme sur le prochain affrontement à venir. Je veux bien que ce soit un hommage aux jeux d’époque, mais merde les gars, on en veut pas ; faites en un mini-jeu, un à côté, mais pas une phase qui nécessite d’être complétée pour progresser dans l’histoire, parce qu’on s’en branle ! Vous valez tellement mieux que ça Platinum Games. C’est quoi ce désir étrange de vouloir faire varier un jeu de genre en y incorporant des phases d’un autre genre ? On veut un beat’em up technique ? Contentez-vous de faire un beat’em up technique, et gardez pour vous vos expérimentations nulles pour des bonus qu’on fera une fois avant de revenir sur le jeu de base !
Tout ça ressemble fort à une crainte du studio de lasser les joueurs en leur proposant la même formule, mais si elle est maîtrisée et se renouvelle d’elle même, il n’y a aucune raison pour qu’elle ne plaise pas au public… Vu que ce public est allé vers votre jeu parce que, justement, il avait faim de beat’em up ! Autant la séquence en fin de chaque mission, qui consiste à tirer sur des cibles mobiles pour récupérer des points permettant d’acheter des objets et autres boost, c’est rigolo, ça peut masquer un temps de chargement qui serait gonflant, mais une séquence d’un autre genre dans une campagne aussi rythmée que la vôtre, ça brise complètement le flow. Comme ces foutues QTE qui one-shot. Qu’est-ce que c’est que ce délire ?
Et c’est là où l’on se rend compte qu’être un excellent jeu peut aussi se faire avec de terribles lacunes. Bayonetta est exactement ce que l’on demande à un jeu du genre, mais il vient avec des défauts ahurissants qui nous font dire que Platinum Games est une société encore marquée par une incertitude, des craintes vis-à-vis des autres genres de jeux qui vont s’hybrider. Je pense que c’est un complexe de l’industrie japonaise du jeu vidéo qui est venue après la fessée déculottée qu’ils se sont mangés à la septième génération de machine. Copier l’occident est la dernière idée que les japonais auraient dû avoir, et ces séquences censés faire « varier » l’expérience de jeu me rappelle les émules que la campagne extrêmement scriptée mais mémorable de Call of Duty : Modern Warfare a créé. Il y a beaucoup à réfléchir sur le jeu vidéo japonais post sixième génération ; entre ceux qui sont restés classiques et conservateurs au point de paraître complètement à la rue aujourd’hui, et la timide tentative d’évolution par la copie des boîtes japonaises plus influentes, on a l’impression que le savoir-faire à disparu, alors que non. Le savoir faire japonais est encore d’actualité. Il est juste complexé par l’occident qui vend plus, produit vite, et produit du jeu qui impressionne les foules sur des critères qui n’intéressent pas forcément les japonais. Et le Japon a envie de s’intégrer dans ce marché, mais le fait en essayant de se rapprocher des productions occidentales, alors que sa meilleure arme pour séduire est de s’assumer, tout en avançant dans son sens et non dans celui des autres.
Bayonetta est excellent dans tout ce qui en fait un jeu héritier de l’âge d’or de Capcom, mais il est aussi marqué par des errements imputables à une volonté de se faire « comprendre » par un public occidental que les japonais n’ont certainement pas pris le temps de comprendre eux même. L’occident est loin de demander aux développeurs japonais de se rapprocher de ce qui est consommé en masse, mais justement de proposer ce qui a fait sa différence à leur âge d’or, à une époque où le jeu occidental était marqué par des formules de jeux très différentes du nippon. Perdre cette variété, c’est courir vers ce qui est en train de se produire : des jeux interchangeables, et personne n’en a envie, pas même le joueur grand-public qui sait à l’occasion être séduit par un phénomène que créait un produit différent (la Wii, Minecraft, Rocket League, The Binding Of Isaac, Splatoon, Dark Souls…). Alors, s’il vous plaît les gars, faites des jeux du calibre de Bayonetta, mais ces étourderies, ça, plus personne n’en veut.
J’ai finalement fini cet article, au prix de quelques mois de pauses, de réécriture, et autres remises en question. Désormais, vous savez ce que je pense de Kamiya, de Platinum Games et de Bayonetta. Je pense avoir fait comprendre à quel point l’annulation de Scalebound est un coup de poignard pour moi, mais aussi pour tous ceux qui aiment Kamiya et les productions de son studio. En espérant des bonnes nouvelles pour cette année 2017 qui a mal commencé, et en espérant que cet article et les suivants vous plairont, je vous souhaite de jouer beaucoup, mais de surtout bien jouer… et de faire l’acquisition de Bayonetta. Mais ça, vous l’avez déjà compris.
A propos de l'auteur : Marcheur
- Précédent Les années 360 – Bayonetta : Hideki Kamiya & Platinum Games (1/2)
- Suivant La chronique à Papy #5