Law & Order : Legacies
Lorsqu’un pote m’a parlé de Law & Order : Legacies, il me l’a aussitôt vendu comme le rejeton d’un Telltale avec un LA Noire. De quoi éveiller toute mon attention à son sujet ! On y vivra en effet les aventures de la série TV Law & Order : New York, réparties sur sept épisodes, et suivant une chronologie parallèle étendue sur plusieurs années. Mon pote m’a-t-il réellement vendu du rêve ? C’est ce que nous allons voir ensemble. C’est parti !
A l’instar d’un épisode la série, l’histoire commence avec un meurtre sordide. Vous prendrez successivement en main un duo d’inspecteurs qui va alors étudier la scène du crime, interroger les témoins, et réunir des preuves. L’étude de la scène du crime reprend le principe éculé des hidden objects games ; vous la parcourez selon un parcours fixe de caméra, et vous entourez avec votre souris (ou avec votre doigt, puisqu’il est aussi disponible sur iOS) la zone qui vous semble intéressante.
Cela aurait pu être sympathique si les développeurs n’avaient pas eu la très mauvaise idée d’indiquer au joueur quels objets (ainsi que leur forme) il doit trouver. L’interface vous indique tout de même un quota d’essais de recherche d’indices, mais cela n’a pour ainsi dire aucune conséquence réelle si vous éclatez ce compteur. A noter que le jeu n’aime pas quand vous faites des ronds énormes ; il faudra vous contenter de petits cercles ridicules n’englobant pas forcément l’objet en question. Il suffira que le cercle soit à peu près dans la zone de celui-ci. Soit.
Vient ensuite le moment où vous interrogez des témoins et suspects. Vous aurez le choix de poser des questions parmi une série, pouvant elles aussi en débloquer d’autres. Parmi cette liste, il existe parfois des fausses pistes, et si vous en choisissez une, cela sera comptabilisé dans votre score final d’interrogatoire. A l’instar du score de recherche, si l’on excepte la satisfaction du run parfait, cela n’a absolument aucune incidence sur la suite des événements. Lorsque vous choisissez une question, l’interlocuteur vous répond, mais ne donnera pas forcément la vérité. A vous de démêler le vrai du faux, en faisant appel uniquement à votre mémoire ; c’est d’ailleurs pourquoi il ne joue pas du tout dans la même cour que LA Noire. Là où cela se complique, c’est que le jeu fait apparaître une grosse fenêtre pop-up, coupant la discussion en vous posant la question, du genre : « Est-ce que Monsieur Balot a dit un truc cohérent ? ».
Autant cela force le joueur à être attentif aux dialogues et aux objets / situations croisés, autant ce système de pop-up est d’un lourdingue pas possible, brisant le rythme d’une manière insupportable, et donnant bien évidemment toutes les réponses en cas d’échec. En effet, si vous vous trompez de réponse, le jeu vous laisse jusqu’à trois erreurs possibles sur l’ensemble de l’interrogatoire, mais les bonnes réponses seront automatiquement données dans la suite du dialogue. Il arrivera également que les questionnements soient bien trop transparents ; elles laissent deviner beaucoup trop facilement vers où l’on veut vous emmener. Finalement, c’est un peu comme tous ces quizz que l’on trouve dans les magazines intellectuels, type Closer, où toutes les réponses sont à l’avenant. Quoi qu’il en soit, au bout de trois mauvaises réponses, vous devrez recommencer la scène depuis le début.
Voilà précisément ce qui m’a légèrement – beaucoup en fait – énervé en parcourant ce Telltale : le jeu pilote le joueur comme s’il était un crétin fini, car il a tellement peu de foi en vous qu’il vous donnera toutes les indications nécessaires à la progression. En caricaturant, cela pourrait presque donner : «le nom de Monsieur Machin est inscrit en lettre de sang sur le mur. Monsieur Machin est-il un suspect ?» Oui / Non. «Bien ouéj ! Allons interroger Monsieur Machin… ». Sans dé-con-ner… Et encore, ceci est valable pour la première phase de jeu où l’on incarne les inspecteurs, mais la deuxième, où l’on rentre dans la peau des juristes, n’est clairement pas plus glorieuse.
En effet, une fois que les inspecteurs auront réuni toutes les preuves nécessaires, l’affaire est jugée devant le tribunal, et vous devrez plaider pour le ministère public. Notre équipe de procureurs va donc interroger ses témoins et ceux de la partie adverse, ainsi qu’effectuer des contre-interrogatoires. Le but va être de convaincre les jurés, sous la tutelle du juge, de la culpabilité du suspect ; en fonction de vos questions et de vos objections, la balance va pencher en votre faveur (ou pas) et les influencer. Il vous sera même possible de tenter de négocier un accord avec la partie accusée. Mais voilà, là encore, avant chaque session, le jeu vous indique les types d’objections que vous pourrez rencontrer parmi une liste, et une erreur vous donnera automatiquement la bonne réponse.
Et, lorsque vous faites les bons choix, vous aurez alors un gros message pop-up qui va apparaître qui donne à peu près cela : « Bien joué bonhomme, t’es trop un winner ! ». Tout cela brise encore une fois énormément le rythme du jeu. Pour ma part, j’aurais vraiment apprécié pouvoir me planter dans les grandes largeurs en laissant le déroulement du jugement s’effectuer, sans que l’on ne me le dise en cours de route. Cela aurait clairement rendu le jeu, et ces scènes en particuliers, bien plus palpitant. L’histoire étant vraiment très linéaire, la rejouabilité est donc nulle, à part si vous souhaitez vous retaper toutes les enquêtes (comptez une heure environ par enquête) afin d’avoir un score parfait – ce qui n’a absolument aucun intérêt.
Du coup, nous perdons tout ce qui fait le sel des jeux Telltale, avec des choix vous donnant l’illusion d’être maître des événements. Le scénario, avec ses sept enquêtes parallèles qui finissent par se croiser, reste tout de même bien écrit et fidèle à l’esprit de la série. Comme à son habitude, Telltale a bien fait attention au fan-service en insérant tous les éléments distinctifs de la série, du générique à l’aspect sonore et musical, en passant par le déroulement des enquêtes et la reproduction des acteurs. D’ailleurs, même si on les reconnait assez facilement, la patte graphique très dessin animé a un peu de mal à s’insérer dans une adaptation qui se veut provenir d’un univers réaliste. A noter tout de même que vous ne retrouverez pas les voix originales des acteurs.
Pour le détail, lors du choix de la langue des menus et du sous-titrage, si l’on veut choisir le français, nous aurons la surprise de découvrir un drapeau bizarroïde, à savoir un drapeau à bandes verticales Bleu-Rouge-Blanc. Je me suis alors demandé où ils avaient bien pu trouver cette idée farfelue, et après avoir fait quelques recherches sur wiki-loutre, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait non pas du drapeau d’un autre pays, mais celui de la France utilisé du 24 février 1848 au 5 mars 1848. Nous étions alors sous la Deuxième République, et l’ordre des couleurs correspondait à la Fête de la Fédération et des Cocardes de l’Empire. L’utilisation de ce drapeau fut donc aussi brève que la localisation française est hasardeuse dans ce jeu ; une mauvaise traduction vous donnant parfois des réponses ne collant pas du tout aux questions posées.
Pour être honnête – et pour faire une comparaison foireuse – je dirais que jouer à Law & Order : Legacies procure les mêmes sensations qu’un logiciel d’apprentissage du code de la route. On répond passivement à des questions, et vous planter n’aura finalement pas de conséquences, puisque vous tracerez votre route quoi qu’il arrive. Il s’agit du premier Telltale où j’ai ressenti la désagréable impression d’être un spectateur distant de l’histoire et de son déroulement. Si vous avez apprécié The Walking Dead ou The Wolf Among Us, je ne suis franchement pas certain que vous appréciez celui-ci.
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Le genre de jeu où tu prends même aucun plaisir à te foutre de sa gueule quoi :p