Into The Breach
FTL : Faster Than Light a fait l’effet d’un Godzilla à New York dans le petit monde indé de 2012, et je fais partie des victimes qui se sont fait sauvagement piétiner par ce monstre sacré. Avant de me le faire, je ne pensais pas que le fait d’incarner le sosie foireux du Capitaine Kirk, plus doué pour envoyer son équipage se faire bêtement asphyxier qu’autre chose, faisait partie de mes fantasmes de geek. Mais ce qui m’a le plus marqué avec FTL, c’est qu’il demeure un parangon de l’axiome « le gameplay supplante les graphismes » , car il a réussi à faire beaucoup avec très peu. Autant dire que ses géniteurs, une demi-douzaine de ricains composant un petit studio nommé Subset Games, ont placé la barre bien haut pour sa suite. Eh ben, ça tombe à pic parce que depuis fin février 2018, Into The Breach, la fausse vraie suite de FTL est là, et ça n’a rien à voir avec Star Trek. Par contre, ça a tout à voir avec Pacific Rim et le fantasme d’envoyer son équipe de Jaegers se faire bêtement bouffer par des moustiques géants !
L’humanité est aux portes de l’extinction ; des dizaines de Kaiju insectoïdes sortis de nulle part l’ont bien malmené dernièrement. L’ultime espoir de survie repose sur les épaules massives d’une équipe de gros méchas / tanks qui doivent préserver les rémanents de la civilisation. Mais comment trois gros tas de ferraille peuvent-ils avoir une chance face à un essaim de sauterelles géantes ? Fastoche ; ils ont un cheat qui ferait baver n’importe quel chinois sur PUBG : une machine à remonter le temps ! C’est bête mais depuis le temps qu’on nous sert du Roguelite à toutes les sauces, pourquoi personne d’autre n’a pensé aux bonds façon Marty McFly afin de justifier astucieusement les runs ?
Bon, après, au-delà de ça, l’histoire en elle-même ne déroge pas aux conventions du Roguelite ; elle est vite survolée et ce n’est finalement qu’un prétexte. Je trouve ça dommage qu’on ait pas creusé davantage ses prémisses intéressantes pour quelque chose de frais, surtout qu’en plus les devs se targuent de collaborer avec le fameux Chris Avellone dans l’écriture de cet Into The Breach. Bien que ce soit raisonnablement bien écrit, je dirais que c’est franchement raté comme occasion, vu que l’écriture se limite globalement à des bouts de vignettes de quelques lignes histoire de nous briefer rapidos sur une mission sans proposer la moindre interactivité. Le bon côté des choses, c’est que pour un jeu non-traduit en français, vous pourrez y aller tranquille même avec un niveau Shakespearien proche du néant. On est quand même à des années lumières des événements typiquement Livre Dont Vous Êtes Le Blaireau de FTL où l’on pouvait choisir de refourguer le pilote de son vaisseau en tant qu’objet sexuel bon marché à un xénomorphe d’une planète perdue…
OK, OK, je vais arrêter les comparaisons déplacées avec FTL et je vais juger l’œuvre sur ses propres mérites / lacunes comme le ferait un rédacteur de Jeuxvideo.com tout propre sur lui. Déjà, visuellement parlant, il y a eu une bonne avancée par rapport à FTL étant donné que le pixel art de Into The Breach est bien plus détaillé, léché, et personnel. Certes, ça ne risque pas de vous faire changer d’avis si vous êtes un détracteur de ce style graphique, mais ça vous demandera une quantité d’alcool très raisonnable si jamais on vous forçait à y jouer…
Par contre, là où il mettra tout le monde d’accord, j’en suis sûr, c’est au niveau de sa bande sonore. En effet, Ben Prunty, qui était derrière les platines (merde, je parle comme un animateur de NRJ maintenant; il ne manquerait plus que le jingle…) avec FTL et StarCrawlers, revient à la charge avec une soundtrack tout juste monstrueuse. Aux côtés des sonorités électro tout aussi rythmées que planantes auxquelles il nous avait habitué viennent s’incruster des touches de guitares acoustiques / électriques, ainsi que des lignes de violon du plus bel effet. BEN PRUNTY, HIT MUSIC ONLY !
Et le gameplay dans tout ça, toi qui nous rabâche avec ton « le gameplay supplante les graphismes » ? J’y arrive justement. Into The Breach est foncièrement un tactical au tour par tour avec une couche Roguelite par-dessus. Votre principale occupation sera les affrontements contre les méchants insectes dans des maps à 8×8 cases carrées, et il faut dire qu’ils fourmillent (héhé) d’idées rafraîchissantes. D’abord, à part les cartes, le spawn des mobs, et un petit pourcentage de défense, l’aléatoire est pratiquement mis de côté dans les combats. Par là, je veux dire que les chances de toucher, les dégâts, et autres joyeusetés ne sont pas laissés au hasard, ce qui enlève un grand pan de frustration qu’on retrouve souvent dans le genre. Du coup, pour une fois, mon mobilier se porte bien après une session de tactical.
Plus que ça, Into The Breach admet même l’idée audacieuse de télégraphier les attaques des ennemis. En gros, grâce à la clairvoyance octroyée par le voyage dans le temps, on connait d’avance ce que chaque ennemi va faire au prochain tour et ce avec une clarté presque déconcertante. Ainsi, on ne nous laisse pas l’occasion de rouspéter contre RNGésus quand on échoue spectaculairement, mais plutôt de mettre sa stratégie mal branlée en cause. Bon, à part moi, parce mes stratégies sont infaillibles mais c’est la faute au voisin du dessus si je me vautre. Non mais il décide de déplacer ses meubles à chaque fois que je joue mon tour !
Cependant, la plus grosse originalité des combats de Into The Breach se trouve dans le fait qu’ils se révèlent être finalement plus des puzzles que des simples combats. En effet, l’objectif n’est pas de désinsectiser le map à coups de Raid, mais plutôt de protéger la population des libellules géantes et leurs cousins durant cinq tours. Votre barre de vie globale est d’ailleurs affectée par les dégâts que reçoivent les bâtiments sous votre protection et non pas ceux reçus par vos unités (quoique la perte de vos Jaegers entraîne forcément plus de danger pour vos installations). Dans le même ordre d’idées, les dégâts que vous infligez à l’ennemi ne sont pas aussi importants que le fait de l’empêcher tout bonnement de nuire. En gros, rangez votre Raid et sortez plutôt la moustiquaire.
Ainsi, pour renforcer cet aspect, toutes les attaques de vos troufions poussent les mobs d’une ou plusieurs cases en plus de leur faire bobo. Dès lors, votre victoire s’articule autour du contrôle des foules astucieux, des choix difficiles à faire (mettre un mech en bouclier humain mécanique entre un scarabée vénère et un resto du cœur, bloquer le déterrement d’un cafard vicieux avec la carcasse de votre tank, etc…) et de l’effet boule de neige fortuit de certaines situations (faire en sorte que les Kaiju s’attaquent entre eux, les pousser dans les cases de dangers environnementaux, etc…). En fait, plus j’y réfléchis, plus les combats de Into The Breach me font penser à des parties d’échecs sci-fi un peu fofolles. Heureusement que ce n’est pas les échecs en 3D de Star Trek car on ne serait pas encore sorti de l’auberge…
Vous l’aurez compris, les échauffourées de Into The Breach sont rafraîchissantes, stimulantes et jouissives. Il n’y a rien à redire de ce côté là. Surtout que le jeu veille en plus à diversifier les réjouissances avec des scénarios différents en fonction des cartes (plaines enneigées, déserts, régions volcaniques…) et des missions qui apportent leur lot de petites subtilités. Mais – parce qu’il y a toujours un « mais » qui ramène sa fraise – à part les combats, il n’y a pas grand chose d’autre… Oui, la partie « progression » qui jalonne les bagarres est très sommaire en termes d’implications de gameplay vu qu’elle se limite grosso merdo à choisir une mission sur la carte globale en fonction des récompenses (soit des points de vie, soit de la réputation, ou les deux) et des objectifs secondaires. On est tout même très loin de la partie « gestion de base » d’un XCOM. T’as vu ? Je ne l’ai pas comparé à FTL.
La progression fait surtout trop « jeu vidéo » et est hachée par des barrières arbitraires assez astreignantes. Oui, une fois qu’on a réussi quatre missions, on débloque un combat contre un boss à la suite duquel on libère l’île en question et l’on débloque ainsi l’île suivante. Il suffit ensuite de libérer deux îles pour débloquer la carte finale du jeu. Libérer une île débloque aussi sa « boutique » qui permet de débloquer, moyennant points de réputation, des compétences actives pour ses Jaegers (un maximum de deux par unité), des modules d’énergie qui servent à débloquer leurs compétences actives / passives et des points de vie. C’est moi ou est-ce que je viens de débloquer mon record perso de l’utilisation du mot « débloquer » ?
Bien que les pilotes des unités gagnent des niveaux (un maximum de cinq levels), la customisation de ces dernières s’avère limitée, surtout que les modules d’énergie nécessaires se font rares. Après, si par mégarde vous veniez à perdre vos points de vie, vous envoyez un pilote survivant dans le passé ( conservant donc son XP et ses stats) pour recommencer un run, et vous avez dès lors le choix de recourir à un trio de Jaegers différent parmi six configurations… à condition que vous ayez de quoi le débloquer ce trio, parce qu’il faut au préalable débloquer des succès chelous. En tout cas, moi je débloque avec tous ces trucs à débloquer…
En définitive, Into The Breach demeure un jeu recommandable pour son prix (12 euros), ne serait-ce que pour sa soundtrack majestueuse et ses combats revigorants. Mais si vous vous attendez à quelque chose du même calibre que FTL, pouvant vous accaparer des dizaines et des dizaines d’heures grâce à son exploration entraînante et ses situations tripantes, vous faîtes fausse route. Tiens, c’est marrant ; c’est exactement comme ça que je qualifierais les expériences de Pacific Rim (ITB) et de Star Trek (FTL)… Le jeu a réussi à me retenir environ cinq heures, juste le temps que je le boucle en mode Normal, et je ne suis décidément pas sur la brèche pour y retourner, surtout si c’est pour me taper ce marathon de déblocage.
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Ce jeu-là, sans tous les déblocages, et même si c’est du pixel art, pas impossible que je m’y sois intéressé. Mais pas de bol ; le déroulement a l’air de se faire de manière si peu organique que je pense que ça finirait par me gonfler.
Merci de m’avoir évité un potentiel achat compulsif » />