Halo et ses numéros
Alors que je m’efforce de faire des critiques plus légères et des articles plus court en règle générale, que me voilà une idée débile. Faire un dossier sur la licence la plus importante de Microsoft. Parler de Halo en mal, c’est se frotter aux États-Unis et à l’une des plus grosses communautés du jeu vidéo. Porte étendard indémodable de la Xbox, Halo est, avec Gears of War, l’une des seules raisons d’adhérer à la planète console de Microsoft. Cela fait désormais quinze ans que le mythe s’est perpétué, a connu de multiples itérations, voire des expériences dans d’autres genres que celui dans lequel on reconnaît habituellement la série. Quinze ans, à l’échelle du jeu vidéo, c’est une éternité que peu de séries peuvent se targuer d’atteindre, mais ce ne fut pas sans douleur et sans efforts. Prêt pour le dossier décrivant le FPS taillé pour console le plus contradictoire de l’histoire du genre ?
Halo Combat Evolved Main Theme
La série et son aura
2016. Halo n’est plus à son apogée comme en 2007. Malgré tout, la force de frappe du dernier épisode en date : Halo 5 Guardians est indéniable. Blockbuster bâti avec amour pour fédérer une communauté s’étant divisée après la débâcle d’Halo 4, Le cinquième épisode de la série était là pour montrer que Halo avait changé tout en conservant son feeling unique. Fort de sept jeux de tir à la première personne, de deux titres d’action en vue isométrique, et d’un étrange jeu de stratégie uniquement sorti sur la Xbox 360, il faut dire que la série s’est avérée généreuse, voire peut-être un peu trop, en itérations. Mais, force est de constater que le mythe ne s’effondre pas. Il s’essouffle, certes, ne provoquant pas de soulèvement massif de foule comme ce fut le cas du cultissime Halo 3, mais convainc encore des millions d’acheteurs sur une machine pourtant loin d’être populaire.
Pourtant, Halo ne s’est pas contenté d’être un jeu vidéo. C’est aussi une série de romans, de séries de faibles envergures pour l’instant, mais ayant tout de même mobilisé un Ridley Scott loin d’être au sommet de sa forme. C’est aussi évidemment, des goodies et, globalement, un phénomène culturel qui a marqué le média et le grand public. Halo n’est pas inconnu. Halo est adulé et haï, mais un fait reste incontestable : à l’image de Pokemon, Mario ou autres grandes franchises, la série a une empreinte. Et cette marque qu’a laissé la série part pourtant de bien loin, lorsqu’on remonte à 2001 sur la jeune console de Microsoft et que Halo : Combat Evolved était à peine sorti.
Halo Combat Evolved Truth and Reconciliation Suite
Halo : Combat Evolved la naissance du mythe
Prévu pour être un jeu de stratégie en temps réel à destination du PC et du MAC, développé à l’époque par un Bungie n’ayant jamais développé de jeu de tir à la première personne, le jeu changera de plateforme et de style en cours de développement. C’est en 2000 qu’une bande annonce à l’E3 montrera le jeu sous un nouveau jour : un jeu de tir à la troisième personne se déroulant dans un univers de science fiction. Bien accueilli, le titre reçoit l’enthousiasme du public et attire l’attention d’un nouveau venu dans le milieu concurrentiel des consoles. Microsoft fait l’acquisition du studio la même année et fait de Halo un titre exclusif à la Xbox et au PC. Bungie change alors de stratégie (ah ah) et modifie le système de jeu afin de faire de Halo un jeu de tir en vue subjective. Ce qui est assez rare sur console.
Alors que des critiques mitigées tomberont sur le jeu à l’E3 2001, le public tranchera et fera de Halo premier du nom, un carton phénoménal qui surprendra tout le monde. Le jeu recevra des notes dithyrambique de la presse, et sera directement classé dans les jeux à ne pas manquer dans sa vie de joueur, tout en marquant le début d’une grande épopée. Comme quoi, les previews ne sont peut-être pas si infaillibles qu’on pourrait le penser. Mais qu’est-ce qui peut expliquer un tel succès ? Tout. Ouais, c’est facile, mais lorsqu’on fait le compte, en 2001, sortir sur console un FPS qui fonctionne bien tout en imposant des nouveaux codes au genre et en créant la surprise avec une nouvelle licence… Halo est un jeu qui marque une étape dans l’histoire de Microsoft. C’est, je pense, la première fois pour eux que la Xbox devient autre chose qu’une machine pour éviter le monopole de Sony, et tout cela commence avec un seul titre phare.
Donc, ce Halo apporte la régénération automatique du bouclier six ans avant Crysis, propose des environnements gigantesques, une intelligence artificielle encore aujourd’hui très performante, des véhicules, des armes très différenciées, le premier mode multijoueur en Lan. Halo lance, pour ainsi dire, beaucoup de mouvements, et s’impose dès le premier essai comme le plus solide représentant du genre dans les salons. Mais, on pourrait se demander si tout ceci n’est qu’un effet de mode passager. Eh bien non. Encore aujourd’hui, Halo est tout à fait abordable et plaisant à un joueur de 2016. Mieux encore, il se permet de surpasser de nombreux jeux en matière de level design grâce à des niveaux très travaillés. L’ancêtre n’a jamais vraiment été largué par les jeux de tir, même si les Halo qui sortiront par la suite ne cesseront de le dépasser, sauf le quatre et peut-être Reach (… enfin non, mais peut-être), mais nous parlerons de ceci plus tard.
Petite note personnelle : j’ai fini ce Halo en 2015 dans sa version remastérisée sur Xbox One. Hormis le fait que le jeu ait été lifté en 2011 dans une édition anniversaire, je dois bien admettre qu’il a un peu vieilli. Son design très sobre et ses environnements, pleins de vides et recyclés à l’occasion, m’ont plutôt ennuyés. Mais, je peux aussi noter en défaut des cartes qui s’avèrent labyrinthique et forcément ennuyantes à parcourir. Elles obéissaient surement encore à de vieilles règles des FPS des années 90, tel Doom et Duke Nukem, avec des niveaux vastes et tortueux dans lesquels on pouvait passer une heure à trouver la bonne clé afin de passer la bonne porte. Si le gameplay et l’histoire fonctionnent encore très bien (… et les musiques !), autant dire que la construction et le visuel paraissent aujourd’hui désuets. Une raison suffisante pour ne pas le faire ? Bien sûr que non. Va jouer à Halo premier du nom, fainéant !
Halo 2 Theme Song
Halo 2, le phénomène en ligne
Fort du succès de sa solide base, Bungie travaillera trois ans d’arrache-pied pour donner naissance à Halo 2. Un Halo désormais attendu de pied ferme, prêt à faire vivre le Xbox Live et à redonner un coup de boost à la console de Microsoft qui se paye d’ailleurs un catalogue des plus intéressants (… il y a KOTOR et Jade Empire dessus !). Le jeu sort, plus huilé et équilibré qu’avant, doté d’une campagne aux missions plus nombreuses, et d’un multijoueur tout à fait fonctionnel. Le jeu est directement adulé ; tout le monde s’accorde pour dire qu’il supplante de loin son prédécesseur… Et une fois n’est pas coutume, vous pouvez m’englober dans le « tout le monde« .
Cette suite est née sous le signe du « + ». Plus beau, plus vaste, plus complet, plus nerveux ; c’est la formule Halo qui commence à savoir comment atteindre la maturité. L’intelligence artificielle s’améliore elle aussi. Le défi en solo comme en coopération devient plus retors, tandis que l’histoire de l’univers commence à être sérieusement creusé : une idée de narration partagée entre deux personnages vient rendre le solo plus intéressant. Bref, Halo 2 est une suite spectaculaire, et peu de défauts sont vraiment notables. Cette suite a d’ailleurs largement mieux vieilli que son prédécesseur, montrant que Bungie commençait à maîtriser son gameplay si particulier qui fera la pérennité de la série.
Les fidèles sont là, la licence est prête à frapper un troisième grand coup. Halo 3 devient un fantasme collectif. Un appel qui se fait dans la joie de furieuses parties multijoueur, à coup de double magnum dans la gueule et de défenestration violente. Le public connaît Halo, la Xbox a son étendard pouvant désormais se transmettre à une nouvelle machine, marquant le commencement de l’ère haute définition qui ne nous a d’ailleurs pas encore quitté.
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Halo 3 Main Theme
Halo 3, l’apothéose
Halo 3 n’est même plus attendu en cette fin d’année 2007. Personne n’ose plus respirer, alors que la 360 fête déjà son second anniversaire. Lorsque vient la sortie du titre, c’est la foule. Des millions de joueurs se précipitent sur ce titre pourtant pas bien beau, mais proposant un gameplay d’une rare précision et d’une étude si poussée. Si le visuel ne rend pas honneur aux qualités du titre, le reste frise la perfection. Le contenu présent s’avérera capable d’occuper les joueurs au point d’être encore très pratiqué aujourd’hui. Le solo est très solide, proposant moins de niveaux, mais une aventure plus variée et plus maîtrisée. La musique, si chère à la série, continue d’entêter les joueurs.
Halo 3 ne prend pas de risques, mais assure là où tout le monde l’attend. Il fédère en un rien de temps et convainc les foules de ne pas lui tourner le dos. Il est et reste l’exclusivité Xbox la plus vendue de tous les temps. Les parties en ligne s’enchaînent, rien n’arrête la série et rien ne semble pouvoir l’arrêter, même si en face le fabuleux Call Of Duty : Modern Warfare commence à séduire les foules. Halo 3 est toujours le maître dans le monde du jeu de tir en vue subjective sur console.
Pourtant, il est aussi le dernier épisode de la trilogie numérotée de Bungie. Il signe un point final inacceptable pour Microsoft. Si Bungie part travailler quelques années plus tard pour Activision sur le jeu Destiny, une partie assez importante de l’équipe s’attache à leur série phare et décide de rester sous le giron de Microsoft afin de développer un quatrième opus. Celui-ci est prévu pour sortir deux ans après le dernier jeu de Bungie pour la 360 : Halo Reach. Ces fidèles rejoindront le studio qui s’avère être la propriété de Microsoft, et dont la seule raison d’exister est de faire vivre Halo : 343 Industries. Halo 4 sortira en 2012, et marquera le plus sombre chapitre de la série, aussi bien dans le jeu, que dans ce qu’il entraînera.
Halo 4 Main Title Theme
Halo 4, l’essoufflement
Attendu au tournant fin 2012, Halo 4 a un statut assez spécial ; il relance la saga Halo, tout en étant un jeu d’un nouveau studio, qui connaît certes la série et a même travaillé dessus, mais est l’œuvre de beaucoup de personnes qui n’ont fait qu’aimer Halo tout ce temps. N’ayant eu d’autres expériences qu’un remake HD du premier épisode, 343 Industries ne sait pas vraiment quoi faire de son titre, et va faire une série de choix malheureux, partant d’intentions tantôt bonnes, tantôt mauvaises.
La nouvelle scénariste veut faire d’un personnage historique le cœur de l’intrigue de cette nouvelle trilogie. Cet épisode-ci met en avant la relation de ce personnage qu’est Cortana avec son compagnon de toujours, Master Chief. Le jeu se veut plus émouvant, plus intimiste, mieux rythmé et mieux narré. C’est une réussite ; il est vrai que l’histoire et le duo de protagonistes fonctionnent du tonnerre grâce à des idées bien utilisées. Malheureusement, le jeu passe son temps à faire référence à des éléments extérieurs à la saga vidéoludique. Pour saisir l’importance des événements et l’ensemble des points de l’histoire, il est nécessaire de s’intéresser à l’univers étendu. C’est une très mauvaise idée. Halo est une licence grand-public, et a besoin d’être accessible. Ce qui s’avère être une histoire travaillée et intéressante fini par dérouter et perdre les joueurs du grand-public.
De plus, la construction de la campagne est très, très décevante. Le jeu se transforme en une succession peu pertinente de couloirs et d’arènes parfois franchement étriqués. Pire encore, les rares phases plus ouvertes ne profitent guère d’un level design bien plus plat qu’à l’accoutumée et ne sont pas épiques. Le jeu est linéaire et ne fait aucunement d’efforts pour relever le niveau de sa jouabilité. En effet, Halo 4 intègre une nouveauté sacrilège : le sprint. Accélérant la vitesse du personnage, le jeu ne semble aucunement pensé pour cette nouvelle mobilité, rendant cette possibilité gadget.
Mais le pire est le résultat sur le multijoueur. Le jeu perd de son âme, réutilisant les codes de Call Of Duty et ses mécaniques pour transformer Halo en un FPS aseptisé, dans lequel la compétition n’existe plus vraiment du fait d’un équilibrage complètement foireux. Le mode multijoueur sera vite abandonné des joueurs invétérés, malgré les efforts de 343 industries pour le rendre meilleur. Finalement, Halo 4 sera une réussite commerciale, mais signera le commencement d’une chute de l’intérêt pour la série. Un ensemble de défauts bien trop importants et une perte de l’identité de la saga finiront par faire passer la franchise du rang de culte soutenu, à une série que l’on attend sans trop de convictions. Pourtant, visuellement, Halo 4 est fabuleux. Sa bande son est superbe, et son histoire très sympathique, mais il lui manque le plus important : la maîtrise de son système de jeu. 343 Industries ne baissera cela dit pas les bras, et reviendra en 2015 pour offrir au monde un cinquième épisode, avec la ferme intention de répondre aux critiques.
Halo 5 Guardians; Canticles
Un gain en qualité mais une perte en intérêt pour Halo 5 : guardians
J’ai déjà dit ce que je pensais du gargantuesque Halo 5. Au moins aussi riche que le troisième épisode en terme de contenu, il est aussi l’épisode à la jouabilité la plus léchée et aux mécaniques les plus originales. Les nouveautés sont nombreuses dans cet épisode et change la manière de jouer, sans pour autant rendre le feeling différent. Il est toujours possible de jouer à Halo 5 comme aux anciens, malgré le fait évident que les niveaux soient plus ouverts et verticaux qu’auparavant. Cet opus continue l’histoire de Halo 4 en prenant un risque qu’avait déjà pris la série : partager la campagne entre deux protagonistes. Ici, la star n’est pas Master Chief, mais bien Jameson Locke.
L’histoire est moins complexe et plus spectaculaire que l’épisode précédent, même si elle n’oublie pas de perdurer les intentions de la scénariste d‘Halo 4. La principale critique de ce mode solo vient de sa durée, qui, bien que supérieure à Halo 4, s’est avéré assez peu consistante pour une partie de la critique et une partie des joueurs. Pressés par le temps, ils avancent avoir fini le jeu entre quatre et six heures. Très court, je l’accorde, bien que mon expérience se rapproche des onze heures de jeux, ce qui en fait le Halo le plus long à ce jour pour ma part.
La plus grosse critique faite à cet épisode est son visuel plutôt hétérogène, parfois juste joli, souvent médiocre, et tout de même magnifique lors de niveaux particulièrement travaillés. Halo 5 convainc difficilement grâce à sa technique. Reste que la direction artistique, directement inspirée du quatrième épisode, a une gueule peu commune et participe à une nouvelle identité pour cette seconde trilogie. La presse s’accordera finalement pour décerner une note moyenne inférieure à celle de tous les épisodes, ce qui est une aberration lorsqu’on constate à quel point Halo 5 est supérieur au 4.
Le multijoueur, qui continue de se compléter encore aujourd’hui, renoue avec les codes de la série et supprime tous les travers du précédent Halo. Il s’avère équilibré, bien construit, complet, fun et aussi taillé pour la compétition. De ce côté là, hormis quelques fautes de goût sur le mode Big Team Battle et ses cartes affreuses, le jeu s’avère aussi brillant que le troisième épisode de la série. Il sera surement encore bien pratiqué dans les cinq années à venir, voire plus si la saga reprend du poil de la bête en se montrant persévérante, et en continuant les efforts afin de raviver la flamme de la saga.
Halo 5 Guardians: Light is Green
C’est désormais fini pour cette première partie du dossier sur la saga Halo. Il y a encore bien des choses à dire sur tous les spin off que la série a connu, mais je vous laisse respirer quelque temps avant d’attaquer le reste des jeux, mais aussi de l’histoire des studios qui ont donné vie à la série et qui continue d’alimenter un mythe qui essaye d’exister. Quoi qu’il en soit, Halo reste un monument du jeu vidéo qu’il faut connaître, et qu’il faut avoir expérimenter ; comme tout, il y a eu des hauts, des bas, et il continuera surement à en avoir dans le futur, car ce n’est pas prêt de s’arrêter.