Finance et jeux vidéo
Avant toute chose chers lecteurs (… oui, un petit peu de lèche dès le départ, cela ne fait pas de mal), sachez que je ne suis ni un expert financier, ni un expert en jeux vidéo. En tout cas, ma modestie (… mon réalisme ?) m’empêche de me présenter à vous comme tel. En fait, je suis juste un gros consommateur de l’un, et très intéressé par l’autre ; je pourrais vous laisser deviner qui est quoi, mais je suis sympa, alors plutôt que de vous laisser vous claquer le cerveau, on va dire que je joue beaucoup, et que j’aime bien les chiffres. En gros, j’aime le pognon et j’aime m’amuser, donc pas la peine de me contacter pour avoir des conseils pour vos placements. Enfin, vous pouvez, mais faudra pas venir vous plaindre si je vous arnaque.
L’attrait pour les la bourse
Une fois ces précisions faites, venons-en au contenu de cet article. J’écris ces quelques lignes – et les prochaines, car si j’arrête là, j’aurais un peu l’air con quand même – en réaction à un document sur lequel j’ai mis la main. Même les deux en fait ; eh oui, je ne fais pas les choses à moitié moi, monsieur ! Ce document était le dossier d’introduction en bourse de Focus Home Interactive. Pour commencer, sachez que ce document date de janvier dernier. Donc, pour les cancres au fond de la salle, je traduis : cela fait bientôt un an.
Je pourrais vous dire que j’ai utilisé tout ce temps pour travailler sur cet article afin de le peaufiner, mais ce serai un coup à faire mourir de rire les gens qui me connaissent. Les raisons à ce temps écoulé sont multiples. Tout d’abord, le désir de ne pas nuire à la personne qui me les a transmis (… même si d’après lui, cela ne risquait rien, j’ai quand même préféré jouer la prudence), mais surtout l’intérêt de réagir à… ben rien, car à ce moment là il ne s’agissait uniquement de vœux pieux. Il n’y avait rien de concret. En revanche, désormais, on peut analyser l’année écoulée et voir ce que cela a changé.
Entrée en bourse réussie, en voilà une bonne nouvelle…
Le succès a été immédiat. Pour son premier jour de cotation, le 16 février dernier, l’action avait gagné 12,3%. Le prix d’introduction était fixé à 12,07 €. Désormais (au soir du 7 décembre 2015), l’action vaut 23,45 €. Difficile de nier la réussite de cette entrée en bourse. Mais là ou les actionnaires peuvent se réjouir, les joueurs doivent ils en faire autant ? Pour se démarquer de la concurrence, Focus n’a pas hésité à mettre en avant sa différence, dixit le dossier d’introduction en bourse : « Un modèle atypique moins risqué, un développement externalisé à 100% auprès de studios partenaires avec lesquels Focus noue des relations durables ; un choix qui permet de limiter la structure de coûts fixes, et par des budgets de développement dix à vingt fois moindres que ceux des blockbusters pour une qualité des jeux soulignée par les médias spécialisés (notes Metacritic). »
En gros, on pourrait traduire cela par : « nous on fait du bon, mais pas cher, et ça se vend bien. ». Alors, en effet, en général les produits Focus sont plutôt propres, mais de là à en faire l’argument numéro un, il y a un pas que personnellement je n’aurais pas franchi. Et surtout, c’est passer outre nombre de critiques récurrentes, qui justement pointent du doigt ce manque de moyens qui se ressent clairement dans certaines productions. C’est par exemple une critique récurrente envers ce qui s’avère pourtant être une (… si ce n’est LA) licence phare de Focus : la série des Pro Cycling Manager. Ou bien également envers les productions d’un studio que j’apprécie beaucoup, Spiders.
Qui en effet ne s’est jamais demandé ce que donnerait un Mars : War Logs ou un Bound By Flame si l’on y mettait plus de moyens ? Or, là, l’engouement des actionnaires pourrait clairement inciter Focus à continuer sur cette lancée, voire même dans le pire des cas l’inciter à être encore plus « radin » envers les studios qui lui sont inféodés. Mais, à l’heure actuelle, il est difficile de se prononcer sur ce sujet, d’autant plus que, plus loin dans le dossier, on nous explique que la levée de fonds de cette entrée en bourse servira à augmenter le budget moyen des titres phares qui, toujours selon ce dossier passerait de 1,5 – 2,5 M€, à 2,5 – 3 M€.
Là encore, il m’est compliqué de me prononcer sur la véracité de cette promesse pour le moment. En effet, le seul titre un tant soit peu ambitieux à être sorti actuellement est Blood Bowl 2, et il était déjà très avancé à ce moment-là ; il est donc peu probable qu’il ait pu profiter de cette levée de fonds. Il en va de même pour les jeux annualisés tels que Farming Simulator ou Pro Cycling Manager. Pour pouvoir juger de la réalité (… ou pas) de ces augmentations de budgets, je pense qu’il faudra attendre The Technomancer, qui sera le premier titre à pouvoir profiter pleinement de cette rentrée d’argent. Donc, wait and see, comme on dit.
J’éviterai de vous parler de la partie du dossier qui parle des marges de progressions du milieu, car d’une, c’est assez indigeste (… même si comme moi on aime pourtant ce genre de trucs), mais c’est surtout assez peu pertinent et ne concerne pas directement les joueurs. Je vais donc passer à autre chose. Quelque chose qui clive la communauté de joueurs, et qui entraîne des débats sans fin : le dématérialisé.
… Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ?
En effet, une partie importante du dossier d’entrée en bourse concernait cela. Focus y note une part croissante des revenus digitaux des éditeurs, dû à la hausse de la proportion des ventes de jeux dématérialisés. Focus remarque fort justement, que cette pratique, déjà bien installé sur PC, gagne du terrain sur consoles, et ils comptent bien en profiter afin de ne pas louper le coche. Ainsi, ils soulignent les avantages de ce marché par une marge unitaire plus élevée, puisque cela s’accompagne selon eux d’une économie pouvant aller jusqu’à 8 € avec le retrait des coûts dus à la boite, au manuel et au DVD / Blu-Ray.
Une captation d’une plus grande part de la valeur, à savoir que (… toujours selon Focus) le standard dans l’industrie est une répartition 70 / 30 entre l’éditeur et la plateforme de distribution numérique, alors qu’on tombe à 50 / 50 avec certains distributeurs classiques. Ils n’oublient pas, bien entendu, de parler des économies que cela engendre au niveau de la gestion de stock, avec les coûts logistique qui en découlent, mais également du fait que les jeux y sont disponibles à toute heure, contrairement au contenu physique dans une boutique traditionnelle.
D’ailleurs pour en revenir à nos vendeurs de jeux vidéos, Focus leur montre peu de pitié en pointant du doigt autre chose qui découle du dématérialisé : la suppression du marché de l’occasion. Ce document précise même que ce marché est remplacé par des « opérations ponctuelles de promotion type soldes Steam qui débutent quelques mois après la sortie des jeux ». Ainsi, ces joueurs qui attendent après la sortie jusqu’à une baisse de prix sont toujours satisfaits, mais rapportent désormais des revenus aux éditeurs.
Un autre sujet clivant chez les joueurs est abordé : les fameux early access. Toujours dans ce document, ils y sont présentés comme « Un enrichissement du processus créatif », où en échange d’une réduction sur le prix final, les joueurs pourront faire part de leurs feedbacks. Déjà là, certains d’entre vous auront noté que le coup du « vous nous aidez, on vous fait une ristourne » est loin d’être une généralité dans le milieu. Il suffit de voir certains projets Kickstarter pour s’en rendre compte, puisque justement cette possibilité est souvent tarifée, puisque réservée à ceux qui donnent plus.
Enfin bon, c’est une autre histoire, mais si je ne l’avais pas souligné, nul doute que quelqu’un d’autre l’aurait fait. Espérons juste que Focus ne tombera pas dans ce travers tout en soulignant que, dans le même temps, cela génère des revenus anticipés. Bref chacun jugera cela selon ses propres critères, mais le fait est qu’on est bien loin du monde merveilleux des Bisounours (… ben quoi, chacun ses références !). Voila, j’en ai terminé pour le moment, mais je n’oublie pas ce que j’ai dit, et j’observerai donc avec attention la sortie de The Technomancer pour voir si les promesses ont été tenues, et si Spiders a bel et bien profité de moyens plus conséquents.
J’espère vous avoir fait découvrir une facette de notre loisir préféré très peu mise en avant, surtout par les premiers intéressés, à savoir les éditeurs, qui communiquent bien peu à ce sujet. Pour cela, je vous ai exposé les choses qui, selon moi, me semblaient les plus pertinentes pour les joueurs, celles qui nous concernent directement. Vous remarquerez qu’il n’y a pas de jugement définitif, pas de véritable bilan, mais comme je l’ai expliqué précédemment, il est un peu tôt pour cela. Il ne s’agit donc ici que d’un simple constat, de délivrer des faits, et il n’y a donc point de jugements, ni de véritables conclusions.
Messages récupérés de l’ancien système de commentaires
En même temps, à chaque fois que j’entends un des studios de dev’ affilié à Focus, ce n’est que pour chanter leurs louanges. Il y a l’air d’y avoir une certaine relation de confiance entre eux, qu’une histoire de gros sous ne saurait remplacer, à mon avis.
A ce niveau-là, en général, lorsqu’un dev’ est frustré, tu finis toujours par l’entendre à un moment ou à un autre. Mais par exemple, dans l’esprit, je vois mal Spiders se détourner de Focus, alors qu’ils les ont accompagnés et encouragés depuis Faery.
C’est peut-être ça finalement le secret » />
C’est vrai, les relations sont bonnes entre Focus et les studios qui travaillent pour eux (ou alors ils ont une équipe chargée de l’élimination des mécontents et elles est vraiment efficace, à coté le kgb c’était des amateurs ^^) car j’ai en effet pas souvenir d’avoir entendu la moindre critique à leur encontre venant des studios de développement.
Après, faut voir comme le dit M.Dhal ce qu’il en sera si un studio fait un hit et que de grosses boites leur font les yeux doux, je dois même avouer que je suis curieux de voir comment Focus et Cédric Lagarrigue feraient pour gérer ça.
Si on devait résumer Focus, on dirait qu’ils ont du « Savoir Flair! »
Aller dénicher des licences « niches », souvent originales dans leurs thèmes , et faire monter la pâte en s’adossant avec tact aux petits et quelquefois moyens studios ( Indé, A, au mieux AA ).
Jeux de « niches » donc, mais qui pour certains vont avec le temps trouver un plus grand public, mystifier , ou démystifier leur Genre.
-PCM, Builders, Cossack, et autres Farming..
Ils ont du flair chez Focus, mais aussi sans doute un certain savoir-faire « à la Française », comme du temps de nos meilleurs diplomates à l’internationale dans les rangs politiques et du commerce à grande échelle.
Des compétences certaines en matière de gestion propre et de gestion du risque. Peut d’éditeurs peuvent aujourd’hui s’aligner sur le taux des courbes de gestion Focusiennes.
Cela dit, et si tout cela reste vrai dans l’état aprés toutes ces années, on peut également se poser 2 questions, glissées à l’oreille récemment par Flofrost:
-1) Qu’en sera-t-il de Focus lorsqu’ils seront bien empêtrés dans la lisière boueuse de la bourse, aux marges toujours plus grandes, et à l’appétit insatiable?
La Bourse, le « Ungoliant » du marché, qui fini toujours par se dévorer lui-même, et à pousser inexorablement à la ruine, ou au mieux , à des réajustements en interne plutôt virils..
-2) Quand? , et comment va se comporter Focus lorsqu’il supportera un vrai gros blockbuster dans la catégorie poids-lourd des AAA ?
Même si de souvenir d’une de leur déclaration, la tranche AAA ne les attirent pas plus que ça…
Les joueurs s’intéressent moins aux éditeurs qu’aux studios de développement, et pourtant Focus mérite que l’on s’y intéresse un peu .
Pas mal de jeux ( ou licences ) sont montés en grain avec Focus derrière l’épaule…
La diversité et l’originalité des titres supportés par l’éditeur est trés bienvenue dans cet univers ou le Genre est souvent de l’ordre du « copié/collé, ou de l’imitation…
L’aura de Focus est plutôt bienvenue pour un studio qui manque de renommée, ou de publicité …
La négociation à « échelle humaine » n’est plus à démontrer entre l’éditeur et les Studios ( jusqu’aujourd’hui pour le moins. )
La bonne santé de Focus Home Interactive peut également rassurer les déjà, et les futurs associés. C’est un gage non négligeable.
C’est plutôt pas mal pour un éditeur, qui dans la famille » Je gère ton pognon et j’te pousse!.. » fait un peu les choses pas comme les autres, et du coup avec un certains style à la clef.
En espérant qu’ils puissent garder le cap…
En attendant, bravo Focus !!