Saints Row 4
On est là devant un titre qui a failli passer du côté de la barrière assez fermée des Error System. J’avais même prévu qu’il soit dans cette catégorie et j’ai ensuite, au fur et à mesure de l’écriture de l’article, décidé qu’il en serait autrement. Saints Row 4 a donc droit à une critique qui souffle le très froid et le tiède, parce qu’une nouvelle fois, comme si Dragon Age 2 n’avait pas suffit, un grand jeu en puissance a perdu tout son potentiel pour des raisons économiques. La douleur fantôme que je ressens à l’égard de ce titre n’a pourtant pas grand chose à voir avec la tendresse que j’ai pour Metal Gear Solid V, Dragon Age 2, ou encore Star Wars KOTOR 2, mais il convient d’évoquer le cas Saints Row 4 avec empathie.
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Parmi la déception, des qualités
Il y a un premier constat que l’on peut faire sur ce Saints Row 4 : oui, il y a des choses à faire, du contenu, des missions, des objectifs secondaires, des collectibles. Il y a des choses dans le monde ouvert qui nous est proposé. Ces choses peuvent, si l’on accepte de se prêter au jeu, nous occuper quelques dizaines d’heures, dans lesquelles on ne posera guère de questions, et où l’on se contentera de faire ce que les développeurs ont cru bon de mettre dans le titre.
Ce constat s’accompagne d’un univers résolument débile et décomplexé, qui fait fi du moindre premier degré pour proposer une cascade de connerie ; une véritable avalanche de bêtises dans laquelle on peut se laisser porter avec même parfois le sourire au lèvre. Il y a du génie dans la manière qu’a Saints Row 4 de faire absolument tout dans n’importe quel sens. On peut s’y amuser parce que ce qu’il fait est parfois drôle, même très drôle.
Partant dans cette idée de registre comique, on peut aussi souligner un scénario qui va crescendo dans la stupidité et offre quelques séquences bien succulentes, des références partout, des satyres et caricatures. Saints Row 4 est un nid à friandises pour les passionnés. Je ne pourrais guère citer toutes les références, car cela serait trop long (… et peu supportable pour vous aussi), mais principalement: : Mass Effect et Assassin’s Creed. Mais si je me mettais à tout compter, on y serait encore pour un article en deux parties. Et comme le dit si bien la loutre en chef : « Jamais ! Plus jamais tu m’entends ? Si tu recommences, je divise ton salaire par deux !«
Pour le reste… Eh bien, disons qu’on va changer de partie d’article, voulez-vous ?
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Quand le recyclage devient un art
Vous souvenez vous de la ville de Saints Row 3 ? Qui elle même est une extension de la ville de Saints Row 2, qui elle même est le réarrangement de celle du premier ? Bah celle du 4, c’est celle du 3. Oui, on se paye le même foutu environnement depuis le début de la saga, mais attention : désormais, comme nous sommes dans une simulation (… ce serait long de vous expliquer la connerie des développeurs de bout en bout, même si c’est plutôt fendart), il n’y a plus de cycle jour / nuit. Dorénavant, vous ne connaîtrez que la lueur de la lune. Un vaisseau gigantesque obscurci le ciel déjà bien noir, de gigantesques tours aliens percent le sol de la ville et s’élèvent vers les cieux, tandis que des néons rouges et bleus viennent combler le peu d’espace que le bon goût aurait pu occuper.
Bon, déjà, on va pas se mentir : reprendre la même ville, c’est moche. Camoufler le recyclage en essayant d’ajouter des trucs moches dedans, bin c’est vraiment moche. Mais en plus, ne pas améliorer visuellement son titre et réussir à le rendre plus laid que son prédécesseur, cela ne passe pas du tout. La direction artistique brille par son absence ; sous prétexte de parodie, on essaye de nous justifier le manque de talent des graphistes, des artistes, mais aussi de l’équipe technique et bêtas testeurs qui n’ont pas remarqué que les bugs connus de Saints Row 3 étaient encore présents, empirés qui plus est ?
Mais on peut aussi se le dire : le gameplay des Saints Row, cela n’a jamais été super réussi, mais désormais, il y a cette jouabilité hasardeuse et mal branlée, qui se combine à cet ajout au marteau et au burin des pouvoirs du héros. Oui, on peut planer, courir sur les murs à super-vitesse, emporter les gens, objets et véhicules dans son sillage, ainsi que des trucs comme Prototype le proposait en 2009. Maintenant, sachez que peu de choses viennent rendre l’ensemble des ajouts utiles et justifiables, car rien dans le jeu ne vient contrecarrer notre surpuissance. C’est le niveau zéro du game design. Pas le moindre challenge n’est apporté vis à vis de notre supériorité, et même les ennemis sensés être redoutables sont proprement martyrisés.
Recyclage, ajouts sans génie, jouabilité toujours aussi douteuse… On est en plein dans le jeu foutage de gueule, et Deep Silver Volition en ont bien conscience, pas d’inquiétudes ! Une équipe qui a su être talentueuse saura reconnaître la médiocrité de son travail, mais cette médiocrité est aussi due à des facteurs moins faciles à critiquer. Saints Row 4 est le fruit d’une agonie douloureuse et d’une tristesse infinie du regretté THQ. Sensé être d’abord un add-on de Saints Row 3 (enter the dominatrix) le titre est devenu par la suite un jeu retail travaillé dans l’urgence afin de sortir moins de deux ans après son prédécesseur. Sans doute y avait-il une volonté de renflouer les caisses en sacrifiant la qualité du jeu.
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La double frustration: la rage d’un potentiel gâché
Saints Row 4 est autant médiocre qu’il est également l’exemple même du jeu qui aurait pu donner quelque chose d’assez grandiose. Complètement loufoque et débridé, avec plus de soin, de travail, de temps et d’argent, Deep Silver Volition aurait pu revoir sa formule en profondeur et proposer non pas un jeu qui critique les travers du jeu vidéo en tombant dans ces mêmes travers, mais un jeu qui aurait littéralement rit de tout le monde en proposant une expérience sans aucun cliché. Sauf que là où Saints Row 4 veut paraître parodique, on ne peut que constater qu’il applique à la lettre tout ce qui est demandé à un triple A.
Volition ont une plume particulière, une plume amplement capable de leurs ambitions. Elle aurait pu faire la différence si le projet avait eu le temps de ne pas être à l’image de ce qu’il critique. Le titre est lui même un jeu vite fait, respectant une deadline abominable, dans des conditions de développement qui n’ont rien d’enviables. Il est donc l’exemple typique d’un jeu comme Assassin’s Creed Syndicate : plein de potentiel, mais saboté par l’urgence de faire de l’argent rapide. Parce que ce ne sont pas les bonnes idées qui manquent dans l’esprit des gens qui exécutent les triple A, mais c’est le temps, la liberté, et les moyens qui sont sensés être offerts à ces créatifs pour qu’ils puissent accomplir de grandes œuvres.
Hors, ni THQ ni Deep Silver n’étaient en position de faire de ce Saints Row 4 autre chose qu’un jeu de remplissage de rayon. Pas forcément déplaisant à jouer, ni tout à fait malhonnête dans sa démarche, Saints Row 4, est juste le résultat d’un éditeur mourant, d’un développeur empressé et sous pression, ainsi que l’ébauche de quelque chose qui aurait pu être assez grandiose, si les conditions avaient été plus favorables à son exécution.
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Peut-on dire que Saints Row 4 est un mauvais jeu ? Avec un regard objectif, oui. Mais, si on fait appel à ce qui est proprement humain, l’humour, on peut voir en ce titre quelque chose de satisfaisant. Le jeu n’essaye guère de sortir du lot de l’industrie, et est donc une suite scolaire et très fainéante. Il n’en reste pas moins doté de nombreuses scènes hilarantes, de clins d’œil plutôt malins et bienvenus, de multiples piques qui sauront conférer un charme certain à ce jeu qui, malgré le texte ci-dessus, est un divertissement qui peut s’avérer plaisant. On est malgré tout, et c’est malheureux, passé à côté d’un grand jeu parodique qui aurait pu donner une leçon à l’industrie…
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