Ryse : Son Of Rome

Crytek… ou comment passer du studio applaudi de tous, à sombre développeur haï de toute part. Farcry et Crysis premiers du nom sont deux jeux de tir à la première personne, ayant marqué les joueurs PC de la plus belle des manières. Visuellement complètement avant-gardiste, à la jouabilité efficace et à l’ouverture impressionnante, il ne fallu que le rachat par Electronic Arts pour transformer un studio plein de talent en faiseur sans grande personnalité. Vous avez le droit de pleurer Bioware ; ils sont déjà morts. Mais parlons plutôt du dernier titre en date de Crytek. Fait pour Microsoft et pour sa Xbox One, Ryse : l’enfant de Rome, le dernier gamin ambitieux du studio, avant sa chute finale vers les tréfonds de la réalité virtuelle. C’est moche.

 

 

Un changement bienvenu de crèmerie

Les jeux de tir à la première personne, c’est le bien. Pleins de jeux de tir à la première personne, ça craint.  Vu la gueule des derniers jeux du genre en règle générale, on préférera se passer de celui-ci avant qu’il n’ait trouvé son prochain vent d’air frais. Conscient de la saturation du marché en la matière, Crytek chercha à faire quelque chose qui ne sortait pas tous les ans avec le même degré de recherche – c’est à dire zéro – et qui se vendait toujours parce que cela commençait par Call Of, et finissait par Cthullu… à moins que ce ne soit un autre, je ne sais.

Toujours est-il que les petits allemands ont décidé de faire un titre d’un genre peu représenté, mais qui a pourtant ses aficionados. Force est en effet de constater que le beat’em all n’est plus tout à fait bien dans sa peau depuis le fabuleux Bayonetta, et sa suite exclusive à la Wii U – clairement la machine de référence du genre si on prend The Wonderful 101 avec. Mais il s’est retrouvé lui aussi mélangé à bien d’autres styles de jeux, nourrissant de son essence l’imaginaire collectif peu fertile des triple A, avant d’être massacré par une presse peu consciente de ce qu’elle déblatère, en qualifiant les Dynasty Warriors de hack’n slash.

Tout ça pour dire que les beat’em up deviennent aussi rares que les vrais RPG, qu’on les confond avec un sous-genre, et qu’on en fait peu affaire lorsque l’un d’entre eux voit le jour. Donc, sortir et promettre un jeu du genre au lancement d’une console, c’est quelque peu osé de la part de Microsoft et Crytek. Malheureusement, si Ryse est un beat’em up comme le studio voudrait le défendre, c’est un échec. Heureusement, Ryse a d’autres qualités, même si au final, le titre n’arrive même pas à la cheville du plus insignifiant et raté des Platinum Games ; on ne peut pas tous être au niveau d’un des meilleurs studios au pire de sa forme, sinon l’industrie irait vachement mieux.

 

 

Marius ! Que tu es beau mon fils !

Crytek. Pourquoi sont-ils célèbres mes enfants ? “Parce que Crysis 3 il puait grave la merde !” Quoi ? Mais non. Déjà, de un, ce n’est pas vrai. Et de deux, parce qu’à chaque fois qu’ils sortirent un jeu, tout le monde a dû se mettre à niveau techniquement. Et Ryse ne déroge pas à la règle. Même si vous jouez à la version One du titre, vous vous écrirez “Par Athéna ! Quel affront à la déesse !”. Techniquement et esthétiquement, Ryse, l’enfant de Crytek envoie la concurrence se mettre à jour. Textures de haute précision, effets visuels qui laissent bouche-bée, environnements si détaillés qu’on les croirait palpables, et modélisation de l’ensemble qui force le respect de tous les graphistes du monde. Ryse est une vitrine technique et esthétique qui ne peut d’estomaquer lors du lancement du titre. D’un soin et d’une précision rare, c’est l’ensemble de l’œuvre qui profite des exploits du moteur du titre : le Cry Engine 3.9, définitivement au dessus du lot.

Certes, techniquement le titre est intouchable, mais on pourra aussi noter ce soin dans la conception d’une direction artistique réaliste, si crédible qu’on en arrive à croire possible les fantaisies architecturales du titre. Un travail, sur la reconstitution de Rome et des équipements des soldats, si soigné qu’on pense vivre un véritable film reportage retraçant le savoir que nous pensons avoir sur cette époque l’histoire étant une science inexacte et sujette à controverse les enfants. Même si les éléphants qui aident les barbares à attaquer Rome… Ouais, non. On notera aussi des cinématiques à la mise en scène hollywoodienne et aux animations fabuleuses, ainsi que des passages contés par la voix d’un narrateur, illustrés par des fresques à la qualité photo-réaliste.

Pour ce qui est du son, la musique a été composée par monsieur Borislav Slavov. Si vous m’avez déjà lu, vous savez que rien que l’idée d’écouter le travail de cet homme suffit à noyer mon clavier sous la salive. Je vous laisse d’ailleurs apprécier le talent du monsieur au fur et à mesure de la critique avec des extraits. Ah, et si c’est utile, le compositeur a rendu une copie parfaite, travaillée, et formidablement orchestrée. Elle colle parfaitement aux événements narrés dans le titre. On parlera des bruitages d’un rare percutant montrant que, chez Crytek, on aime le son bien fait et des acteurs qui jouent globalement à merveille, même si on aurait apprécié plus de précision dans la synchronisation labiale.

 

 

Moins chiant qu’un cours de latin !

Crytek, conscient qu’il fallait faire autre chose que changer de genre de jeu pour se renouveler, a souhaité prendre un risque plutôt surprenant : travailler le scénario du titre. Travailler-le-scénario. Les gars, les risques c’est bien hein, mais face à votre travail sur Crysis et Farcry, on peut décemment se demander si c’est une bonne idée de vouloir faire une histoire que vous considérez comme travaillée.

Bingo ! Une histoire de revanche avec de la trahison, des complots, des mensonges, un héros tout à fait gentil, et une destinée dictée par les dieux. Jackpot les gars ! Félicitation. Tout ce qu’il ne fallait surtout pas faire pour intéresser le joueur, vous l’avez fait. Parti de ce constat, difficile d’être surpris par le déroulement de l’histoire du titre, empruntant complètement au mono-mythe théorie que je vous invite à approfondir, car très révélatrice des mécanismes concrets d’une histoire réussie elle s’avère engageante sans grandes convictions, car les événements sont prévisibles dès le départ.

Sauf que le jeu n’est pas mal écrit, et les dialogues fonctionnent correctement, ainsi que la mise en scène dantesque et soignée des cinématiques narrant ce summum d’originalité. On peut râler sur les idées, mais peu sur l’exécution exemplaire de l’ensemble, avec certains moments vraiment marquants, qui ne manqueront pas de rappeler les meilleurs récits épiques. On pourra aussi parler vaguement de quelques nuances dans l’écriture des personnages, même si l’on reste dans les archétypes étouffants qui semblent être repris à tort et à travers dans tous les médias, depuis l’existence d’une industrie puissante du divertissement. Mais ne nous mentons pas. Ryse n’a pas été fait pour révolutionner quoi que ce soit, mais pour être efficace en tant que titre de lancement d’une nouvelle machine. Autre témoin à l’appui : son système de jeu fonctionnel mais primaire.

 

 

Couloir, cinématique, frapper, tel est le crédo du Romain

Avec sa structure dirigiste et étouffante, ses combats largement inspirés du système free-flow de Batman Arkham Asylum (beurk), et son manque clair d’identité ou de recherche, Ryse : Son Of Rome n’est pas grand chose d’autres qu’un émule à l’apparence plus originale. Un bouton pour frapper, un pour parer, un pour esquiver, et un pour briser la garde. Globalement, les joutes se résument à ce peu de mécaniques. Dans le mode solo, le système fonctionne paresseusement, et n’arrive pas vraiment à impliquer le joueur. Même lorsque le jeu proposera des exécutions à tire-larigot, ce qui est concrètement une suite de un ou plusieurs QTE à accomplir afin de gagner des points d’expérience supplémentaires, sachant que l’échec lors de ces séquences n’entraîne aucune conséquence négative.

Ce système de combat enrichi de posture permettant de regagner de la vie, de la rage, de l’expérience, ou de la force, ne s’avère plaisant que dans les phases où les ennemis sont très nombreux, ou dans le mode coopération du titre ; à l’aide d’un ami, vous devrez vaincre des hordes d’adversaires, dans des affrontements prenant l’allure de chorégraphies magnifiques, semblables à celle d’un 300. Vous pourrez améliorer votre personnage et ses caractéristiques en investissant vos points d’expérience pour le mode solo ou l’or gagné dans l’arène pour le mode multijoueur. Ce qui ressort de ce système de jeu est qu’il se prête bien mieux au mode coopération, bien plus corsé et plus riche en terme de possibilité grâce aux équipements à acheter, afin de personnaliser son gladiateur.

Car, si l’on excepte les précisions ci-dessus, la conception des niveaux a surement demandé l’effort d’une seule et unique personne, peu au fait de la science précise d’un level design réussi. Couloirs, arènes à la construction pas bien finaude… Comment dire plus clairement que Ryse n’est pas un jeu réussi en ce qui concerne sa jouabilité ? Même s’il faut évidemment admettre que le tout fonctionne bien. Au contraire de la variété de l’aventure de six heures (!) que propose le titre, avec des phases de combats ad nauseam, et quelques phases en tortue romaine ou les seules interactions sont “à couvert !”, “tirez vos lances !”, “en avant !”, ou encore des phases de tir aux pigeons.

Pourquoi tir aux pigeons ? Parce que vos ennemis se jetteront dans un piège, et attendront sagement que vous les massacriez à l’aide d’une baliste, qui se recharge visiblement toute seule en moins d’une seconde. La seule difficulté étant de ne pas s’endormir trop longtemps, ou les barbares risqueraient de réussir à percer les défenses alliées, et ce même dans le mode de difficulté maximum, artificiellement plus corsé.

 

 

Mais vous savez quoi ? Ryse : Son Of Rome est un jeu correct. Pourquoi ? Quelles sont ses intentions, concrètement ? Être beau, fonctionnel, amusant un moment, et porteur de promesses techniques tenues afin d’affirmer la venue d’une nouvelle génération de machine. Alors, on est d’accord, pas bien technique, assez honteusement générique, et linéaire à en regretter les jeux sur rails, il n’en reste pas moins que Ryse est une histoire plaisante, au scénario sympathique et à la beauté tout simplement estomaquante. Maintenant, reste à savoir si vous accrochez aux combattants en jupette, et à tout ce qui a trait à cette époque passionnante de l’histoire, même si le latin, clairement, ça craint.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

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