Phantom Dust
16 mai 2017, Phil Spencer avait dit avant l’E3 que, et il a eu raison, Phantom Dust revivait dans des conditions étranges sur Xbox One après plus d’une dizaine d’années dans l’obscurité. Phantom Dust sur Xbox One, c’est avant tout l’histoire d’un reboot bien amorcé, annulé parce qu’il ne correspondait pas au standard de qualité de Microsoft, suivi finalement par l’annonce d’un remaster sans promesses à l’E3 2016. L’équipe qui s’y est collé ne pouvait d’ailleurs rien promettre ; le code source du jeu ayant simplement disparu, que restait-il à faire comme pirouette scénaristique pour permettre ce qui aurait paru inconcevable à d’autres ? Faire preuve d’astuce. Si la rétrocompatibilité de la One a été faite via un émulateur performant, il fallait trouver une solution pour Phantom Dust… Et elle a été trouvée.
Yoshiyuki Usui, Yuko Araki Phantom Dust : Mac’s Shop
Croyez-le ou non, il leur a fallu extraire les données du jeu depuis une version disque de Phantom Dust l’original afin de mettre au point ce à quoi j’ai joué. Problème : il n’y avait guère que le jeu de base, en 480p, cinématiques comprises. Que pouvait donc faire le studio ? Eh bien modifier cela avec un mode widescreen pour permettre un 1080p natif. De quoi épargner nos mirettes d’une agression à base de bouillie de pixels. Que faire d’autre ? S’assurer que le jeu laisse la possibilité d’un multijoueur, car là était bien son principal intérêt : faire en sorte de pouvoir rajouter du contenu à l’avenir, mais aussi rééquilibrer le système de jeu.
Ils ont réussi. Il y a des hics ici et là, comme ce framerate capé à un 30 images seconde qu’il est simplement impossible de retirer, ou encore l’encodage des cinématiques en résolution originale, compensé par le fait que le jeu quitte alors le plein écran pour mieux mettre en valeur l’image. On pourra aussi se surprendre du poids du jeu : 9,6 Go, alors que ni les textures, ni les effets, ni les modélisations n’ont été retouchés. Le jeu est tel qu’il était, mais désormais accessible sur Xbox One, avec un online renouvelé, une résolution plus agréable à l’œil, et la chance d’avoir un avenir.
Oui, car le deal est le suivant : comme il ne s’agit pas d’un vrai remaster et que l’équipe derrière ce portage est composée de moins d’une dizaine de personnes (… que je salue au passage ; un boulot original mais qui paye au final !), et que le jeu est gratuit. Oui, c’est un free to play pour le moment, sans aucun DLC, mais qui pourra en connaître si demande il y a (… et si le multijoueur est fréquenté). C’est déjà un peu le cas, mais pas encore assez, vu que Phantom Dust a connu quelques soucis à son lancement (… notamment la sortie en France : pas de lien direct dans la section « jeux gratuits » , et il faut passer par un lien détourné. Curieux). Cela dit, en élargissant son audience en sortant en bonne et due forme partout, Phantom Dust risque d’attirer du monde. Mais, finissons sur le sujet.
Le portage de ce titre est là pour faire office de compensation à l’arrêt de développement du reboot, mais aussi là pour voir si il y a une demande d’un nouveau Phantom Dust. Comme on sait que la branche Xbox cherche des manières de soutenir de nouveaux modèles économiques, il n’est pas à exclure qu’une population pas forcément nombreuse mais active autour du jeu, pourrait convaincre big M de lâcher quelques menus dollars pour relancer la série. Voilà le deal en somme. En espérant que les joueurs répondent présent lorsque Microsoft aura réglé le soucis d’accessibilité du jeu en Europe.
Maintenant, attardons-nous un peu sur le visuel. Phantom Dust est un jeu de sixième génération non-retouché. Je m’attendais à souffrir visuellement, le fait est que le jeu a bien vieilli techniquement ; s’il propose des environnements cloisonnés ou des arènes, c’est pour mieux les détailler. Le jeu propose donc beaucoup d’éléments dans ses décors, et des modèles de personnages plutôt solides malgré des faciès étranges et mal animés. Ce qui surprend le plus, c’est la physique ; les environnements sont parfois destructibles et l’effet est particulièrement saisissant, d’autant que faire chuter des éléments sur vous comme sur les ennemis cause des dégâts. Une vraie bonne idée.
Le jeu n’a donc pas forcément besoin de rattraper sa technique grâce à des effets visuels qui n’ont pas à rougir. Cependant, le plus surprenant, c’est l’esthétique globale. Comme beaucoup de jeux d’époque, Phantom Dust est assez grisâtre et tristoune, mais il sait particulièrement bien agencer ses décors, les chargeant juste assez pour être fouillés et lisibles. Leur interactivité rajoute un attrait supplémentaire, tandis que le design osé des créatures comme des personnages (… d’une qualité variable) a au moins le mérite de ne pas sentir le réchauffé.
Yoshiyuki Usui, Yuko Araki Phantom Dust : Club Baroness
Phantom Dust a aussi une autre grande, très grande réussite : la musique. Je n’y croyais pas la première fois, mais on y trouve des accents électro proche de ceux d’un Deus Ex, mais aussi du Chopin (Nocturne op. 9 no. 1 de Chopin, un air au piano sublime que vous avez surement déjà entendu), ou encore un remake planant du chant de Carmen. De quoi aligner des sonorités hétérogènes qui finissent par donner à la musique de Phantom Dust une saveur absolument unique et irremplaçable. Si quelques musiques paraissent ternes face au culot des autres, on ne peut que saluer très bas le choix musical. De même, les dialogues, s’ils sont peu nombreux à être doublés (… uniquement en anglais, sous-titres comme dialogues ; Phantom Dust n’est jamais sorti en Europe après tout), ils le sont d’assez remarquable manière.
Bon point : le héros, qui est déjà assez moche comme ça, est muet comme une carpe. Tant mieux pour nous, car quand on est aussi moche, on a pas envie d’entendre sa laideur en prime ! Après ce tacle de méchanceté gratuite, je vais vite parler du solo, car il n’est pas le cœur du jeu même s’il est intéressant. Il y a 114 missions en mode mono-joueur, où chaque mission se termine en un temps compris entre 2 à 10 minutes avec une limite fixée à 15. Ces missions sont répétitives et impliquent toujours des combats. De plus, elles se déroulent toutes dans les sept mêmes cartes, tandis que les deux dernières se débloquent sur le très tard, et les deux précédentes vers le milieu du jeu.
Oui, sept, plus le hub. De quoi rendre parfaitement injustifiable les 9,6 Go demandés par le titre, qui laisse cela dit confiant sur le fait que Phantom Dust a encore quelque chose à nous proposer à l’avenir. Le solo est donc monstrueusement répétitif. Le seul moyen permettant de faire varier le rythme, c’est de profiter de chaque entre deux missions pour acheter des nouveaux sorts, discuter avec les personnages et ainsi apprendre à connaître chacun (… certains sont plutôt intéressants), lire les memory box trouvées sur le terrain, ou encore personnaliser sa panoplie de sorts.
Parlons un peu du scénario, qui est ici la bonne surprise. Narré par 21 cinématiques plutôt bien réalisées, la trame se laisse suivre et délivre petit-à-petit des révélations plutôt intéressantes amorçant lentement l’évidente révélation finale, qui fait regarder l’univers de Phantom Dust avec un regard neuf et particulièrement enthousiaste. Je n’en révèle pas plus, mais dites-vous bien que lire les memory box et discuter avec les personnages apporte un vrai plus à la compréhension de l’ensemble. Par contre, n’attendez pas de mise en scène pour les dialogues, car c’est excessivement plat.
Phantom Dust souffre aussi d’un autre problème : le solo est très déséquilibré en difficulté, parfois horriblement simple, d’autre fois compliqué à s’en arracher les cheveux. On aurait aimé que l’équilibrage promis par la nouvelle équipe de développement s’attaque à une poignée de missions bien sadiques. On peste notamment sur les boss qui sont assez inégaux en intérêt, et parfois très chiants à faire, brisant ainsi une grande partie du fun du jeu en nous forçant à quitter la mission amorcée pour aller changer de deck.
Oui, parce que le titre n’est pas un jeu d’action à proprement parler, c’est de l’action / jeu de carte. On compose son jeu de carte avant d’aller sur le terrain, et ensuite on doit utiliser les orbes qui apparaissent au fur et à mesure afin d’exploiter le deck. Il est évidemment possible d’éviter les attaques ennemis avec notre skill, mais globalement, le système de lock et la visée automatique, assistés de nombreux pouvoirs, impose aux joueurs d’être plus des tacticiens que des hommes d’action. Le système du jeu fonctionne du tonnerre ; il y a 300 cartes à débloquer en jeu, on ne peut en avoir que « 30 » dans son deck, sachant qu’on peut en acheter d’autres, mais que seul un d’entre eux est autorisé par mission. Il faut tout de même laisser des emplacements vides dans son deck, car sans cela, vous n’aurez pas de cartes « d’énergie » permettant de lancer les autres sorts. Tout est une question d’équilibre.
Il y a cinq écoles de magie marquées par cinq symboles, puis il y a cinq catégories. Avec cette richesse, Phantom Dust use d’un peu de génération aléatoire sur l’apparition des pouvoirs personnels, pour rendre les affrontements légèrement imprévisibles et variés. J’ai pris grand plaisir à réfléchir autant à mon placement qu’à savoir s’il était judicieux d’utiliser telle carte à tel moment. Tous les affrontements de Phantom Dust sont uniques, et ça, c’est une réalité. On finira le mode solo en un peu plus d’une quinzaine d’heures, ce qui représentera une belle mise en jambe pour le mode multijoueur en deux contre deux. Ce dernier mode permet de comprendre tout le potentiel du titre, et de voir que l’on peut faire de la compétition sur Phantom Dust.
J’ai passé d’ailleurs quelque temps sur ce jeu en multijoueur, et je mettais rarement dit « heureusement qu’il y a un didacticiel de 15 heures » . En effet, la plus grande vertu du mode mono-joueur, c’est de nous permettre de connaître l’effet des cartes. Mais même une fois connu, la rencontre avec des joueurs est pour le moins surprenante ; passer des comportements mécaniques et systémiques de l’IA en solo pour plonger contre des vrais êtres humains est encore moins chose aisée que sur d’autres jeux. Ici, la fourberie est maximale ; certains usent et abusent de l’environnement à votre dépend, les campeurs sont redoutables et les déloger ne se fera pas sans mal ou sans prise de risque. Bien souvent, c’est l’usure qui décidera du perdant, vu à quel point le temps d’un match est court.
Il faut aussi décider assez tôt de la marche à suivre vu le peu de temps que l’on possède, sachant que le blitzkrieg, comme j’en ai toujours été spécialiste (… on va encore m’insulter de nazi), fonctionne pas trop mal, mais veillez à avoir un stock inépuisable d’attaques au corps-à-corps. Dernière petite mention pour les chasseurs de succès, car il y en a bien eu d’ajouté. Sachez qu’ils sont relativement aisés à obtenir, et que la plupart sont réservés au mode solo. Vous voilà prévenu : la chasse est ouverte.
Chopin (performed by Rei Ono) Phantom Dust : Memories (Nocturne op.9 no.1)
Je ne vais pas vous mentir, j’ai été conquis par Phantom Dust, son atmosphère, son gameplay, sa prise en main aisée, son système de jeu complexe, son visuel osé, sa musique formidable, et son univers particulièrement soigné font de lui un jeu vraiment singulier. Vraiment unique en son genre, le retour de Phantom Dust est un témoignage d’une époque où Microsoft osait, et on espère vraiment que Microsoft osera à l’avenir d’offrir un nouvel opus, car Phantom Dust est aussi un jeu de frustration. Si on l’aime déjà en tant que jeu de batailles en arène, on se prend à rêver d’un jeu plus ouvert, avec un système de cartes à créer soi-même selon son expertise dans telle ou telle école de magie ; de quoi faire rêver d’un autre grand jeu, car je pense que, effectivement, Phantom Dust est un jeu culte pour les bonnes raisons. Il est unique et réussi, et si vous avez Windows 10 ou une Xbox One, laissez lui sa chance. Cela ne vous coûtera que du temps.
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