Hellblade, ou le simulateur de marche maquillé au war paint Viking

Ah, les walking simulators, les jeux les expériences vaguement interactives où tu passes ton temps à flâner dans une illusion de décors vides et linéaires, avec à l’oreille un(e) doubleur(se) qui te noie sous une logorrhée de balabla qui n’en finit pas… Je caricature, et c’est vrai que c’est un genre facile à basher par ceux qui se la jouent hardcore de la mort, mais je n’en fais pas partie. Franchement, j’avais été bouleversé par Dear Esther, parce que c’était une expérience unique en son genre à l’époque de sa sortie, et parce que ça reste le meilleur anti-stress que je connaisse. J’avais été charmé par The Stanley Parable et sa mise en abyme bien décalée du média et j’ai même quelques centaines d’heures au compteur sur Arma III. Pour dire…

 

Cependant, quand ce genre est devenu une mode snobiste, quand c’est devenu une solution de facilité pour balancer des trucs qui durent deux heures et qui sont plus ou moins dénués de gameplay, et quand ses artifices sont devenus gros comme un château de cartes, je commençais à en être écœuré. La goutte qui a fait débordé le vase était Gone Home, surtout le moment où je me suis surpris à gueuler « bordel de merde, tout ce foin pour une amourette de lesbiennes ?!!!  » . Oui, je spoile cette saloperie ; vous devriez me remercier… Maintenant, cela étant dit, c’est quoi le rapport avec Hellblade : Senua’s Sacrifice ?

Hellblade : Senua’s Sacrifice est le dernier rejeton des britanniques de Ninja Theory, sorti il y a quelques temps sous les applaudissements critiques et commerciales. Bien que je sois loin d’avoir goûté à tout son catalogue, je vous avouerais que j’en veux encore un peu (beaucoup) à ce studio d’avoir Justin-Bieberisé Devil May Cry, une série qui était auparavant chère à mes yeux. Mais, j’ai sincèrement fait fi du passé. J’étais surtout en admiration devant sa volonté de faire du AAA tout en restant indépendant, et devant toute la passion qui gravitait autour de ce projet. Et puis, si vous me connaissez un minimum, vous saurez qu’incarner une psychotique qui se fraye un chemin dans l’enfer des morts de la mythologie nordique, c’est pour moi un mix enthousiasmant. Hellblade ? HELL YEAH ! Me suis-je dit… En fin de compte, j’en suis ressorti du côté du Hell No...

Ça commence très mal dès le menu d’options de la version PC qui laisse vraiment, mais alors vraiment, à désirer. Au delà des options rachitiques, j’étais vite sidéré de constater que le slider de la sensibilité de la souris était carrément absent. Oui-oui. Pour ne rien arranger, les mouvements de caméra viennent avec cette sale accélération de souris (inévitable, bien entendu) qui font qu’ils sont patauds et trop peu sensibles. Ça ressemble peut être à un détail, mais vu qu’une grosse partie de Hellblade s’articule autour du mouvement de la caméra dans les décors, croyez-moi, vous le sentirez passer. Ainsi, je me suis retrouvé à lutter pour faire glisser ma souris l’équivalent d’un demi-mètre pour que Senua tourne à peine la tête… D’ailleurs, tourner la tête, c’est la seule interaction que vous pourrez faire lors de l’intro qui dure pas loin des dix minutes. Une attente que je n’ai pu atténuer qu’en faisant un Alt-Tab, et en la passant en train de chercher comment bricoler le DPI de ma souris, en vain.

L’intro interminable de Hellblade sert aussi de générique, qui est surtout là pour exhiber fièrement le fait que les devs ont eu recours à un consultant psychiatrique histoire de se légitimer. Ils ne devraient pas en faire des caisses, car on est vite capable de voir que la représentation de la psychose y est réaliste et plutôt admirable. C’est vraiment ce qu’il y a de plus intriguant avec le titre, d’autant plus que ça brise intelligemment le quatrième mur en considérant le joueur comme une personnalité parmi tant d’autres de l’esprit cacophonique de Senua… En revanche, un problème se pose d’un point de vue « jeu vidéo  » : on a trop privilégié le réalisme aux dépens du confort de jeu. Car avoir des chuchotements continus dans toutes les directions de ton casque audio, c’est marrant cinq minutes, mais ça finit quand même vite par devenir une agression auditive enquiquinante.    

Néanmoins, le péché capital que commet Hellblade, c’est qu’il nous prend vraiment pour des débiles mentaux. Les devs auraient dû prendre conseil de leur fameux consultant à ce sujet, pour le coup… C’est clair comme de l’eau de roche qu’il s’agit là d’un (superbe) walking simulator : on se balade avec une (superbe) doubleuse à l’oreille, dans de (superbes) environnements où l’on s’arrête occasionnellement pour interagir avec un menhir qui nous abreuve de (superbes) expositions narratives. Après, ce n’est pas du tout le fait qu’il soit un walking simulator qui pose problème ; c’est un genre comme un autre que je peux respecter lorsque c’est bien foutu. Non, c’est surtout le fait qu’il ne l’affiche pas, qu’il ne joue pas cartes sur table, et qu’il nous trompe grossièrement avec du rafistolage de maigres éléments de pseudo-gameplay pour appâter le chaland.

D’un côté, les « puzzles  » dont il regorge sont de vastes blagues : ils ne requièrent aucune réflexion, aucune logique, aucun investissement intellectuel de la part du joueur. Il se limitent à maintenir la touche de « Focus  » et de quadriller les décors en quête de symboles ou d’illusions d’optique. Un jeu d’objets cachés en 3D (en encore plus frustrant), en somme… De l’autre côté, les combats sont tellement simplistes qu’il en deviennent risibles. Pas de stratégie, pas de combos, pas de gestion de ressources (même pas de l’endurance), juste un écran ensanglanté à la CoD en guise d’unique feedback. Voilà à quoi se résument les affrontements (même en « difficile  » ) de Hellblade : un ennemi télégraphe une attaque, tu la bloques (même pas besoin de timing), il fait une longue animation de chancellement, tu spammes bêtement ta souris. GG, au suivant…

Je suis conscient que Hellblade veut avant tout raconter une histoire et je ne doute pas que celle de Senua, qui a des allures de l’Enfer de Dante (pas l’emo Dante, l’autre Dante) chez les nordiques, soit Dantesque. Mais la sincérité de cette histoire est malheureusement salopée par la démarche clairement malhonnête d’y forcer des énigmes dont le seul intérêt est de rallonger artificiellement la durée de vie, et des combats m’as-tu-vu qui sont une façade juste là pour leurrer les fans de Dark Souls... Finalement, l’ironie est grande avec ce walking simulator qui a une crise identitaire. Mais le plus ironique dans cette histoire, c’est que Hellblade aurait sûrement pu me réconcilier avec le genre, s’il s’était cantonné à s’assumer en tant que walking simulator droit au but et droit dans ses bottes…

 

Le meilleur exemple de la fourberie du développeur de Hellblade, c’est quand il te sort carrément du jeu avec un gros message intradiégétique juste pour te sortir une mécanique inattendue de son chapeau et pour t’annoncer qu’au bout d’un certain nombre de morts, il est possible de perdre toute sa progression en jeu… Si c’est pour de vrai, alors c’est un sacré coup bas aux consommateurs. Si c’est du troll, alors c’est un sacré coup bas aux consommateurs. En tout cas, je n’ai aucune envie de le savoir, parce qu’au bout de deux heures de tourment, j’ai demandé qu’on me rende mes brouzoufs…       

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A propos de l'auteur : Andariel

Chaotique mauvais jusqu’à la moelle, il est le grand ami des Bisounours, des poneys et des teletubbies. Surtout au petit déj’. Avec une bonne marinade.

2 Commentaires sur “Hellblade, ou le simulateur de marche maquillé au war paint Viking”

  1. Toupilitou dit :

    Allez… Avoues… On est entre nous… Tu check ma wishlist pour pondre tes billets, hein ?

    Je sais qu’il y a de tout et surtout de n’importe quoi, mais ça fait déjà le deuxième qui saute de la liste de souhaits

    Par contre, avant de te lire, jamais j’aurais pensé que c’était un simulateur de marche…

  2. Andariel dit :

    C’est comme ça que tu me remercies de t’avoir fait économiser de l’argent afin que tu te payes tes shmups Manga ? :p

    Bien que je ne nie pas que le fait de faire le rabat-joie de la wishlist, c’est drôlement satisfaisant ^^

    Sinon moi non plus je ne pensais pas avoir affaire à un walking simulator quand je me le suis pris, et c’est là tout le problème ><


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