Gears Of War : Judgement
J’aime bien la série Gears Of War hein, c’est pas le problème, c’est juste que si je devais faire des critiques sur la saga, je ferais certainement uniquement deux critiques : une sur le second, et une sur Judgement. Pourquoi juste pour le second ? Parce que de un : c’est le meilleur, donc forcément plus agréable à critiquer, et surtout les Gears Of War sont globalement assez interchangeables. Le troisième est plus beau que le deux, mais il est moins bien rythmé et plus facile, donc moins intéressant. Le premier est le brouillon du deux moins bien rythmé, plus laid, et plus difficile, donc autant dire que le second reste le meilleur choix. Mais alors, pourquoi est-ce que je mets de côté Judgement ? Parce que ce dernier épisode (… avant dernier, mais bon, on ne va pas me faire croire que Gears Of War 4 est une quelconque évolution pour la série, puis j’y ai pas encore joué aussi) a été développé par un studio qui a une identité et a voulu faire quelque chose de la saga, quelque chose d’autre. Alors, on en parle du Gears le plus décrié ?
Méthodologiquement con
Gears Of War, c’est avant tout une belle histoire de clichés de bonne grosse série Z, avec son lot de répliques absurdes et ridicules qui gênerait ou ferait rire même un dépressif. Les plus coincés ou premier degré trouveront ça navrant, et auraient sans doute un peu raison si l’univers se prenait au sérieux. Le fait est que non : Gears Of War, c’est bas du front, et c’est tant mieux. J’ai vu des joueurs fanatiques essayer de démontrer par A + B que l’univers de ce titre recèle une profondeur cachée et est plutôt riche. Mais les gars, je tiens à dire que vous êtes en train de vous ridiculiser, ce n’est pas le cas, ce n’est pas intelligent, et c’est très bien comme ça. Pas la peine de complexer ; vous jouez à un shooter, et le reste on s’en tape.
De ce côté, People Can Fly prend pourtant parti d’une narration un peu plus « originale » . En effet, c’est l’histoire d’une histoire racontée par nos protagonistes. Si vous n’êtes pas familier de ce type de narration, il y a aussi cet artifice pour Dragon Age II par exemple. Cette idée permet de mettre en scène une aventure qui aurait pu briser sa linéarité, en nous permettant de sélectionner, par exemple, qui raconte l’histoire en premier, et donc influer sur l’ordre des quatre actes qui composent l’aventure. Malheureusement, le seul effet de ce choix sera de pouvoir potentiellement rendre plus difficile les affrontements en sélectionnant préalablement un genre de « défi » . Sympathique, cette feature accompagne le joueur avec un intérêt certain parfois, mais aussi une tendance au recyclage assez agaçante. Car, de l’affrontement, il y en a dans ce Judgement.
Bien sûr, l’histoire est prétexte aux échanges de plombs, et il ne faut surtout pas attendre le moindre effort de narration une fois dans les niveaux, même si à l’occasion le jeu fait la part belle à une narration environnementale bienvenue. On est loin des efforts que Gears of War 2 avait entrepris en ce sens pour rendre le voyage intéressant. Ici, il est question d’une suite d’affrontement vaguement contextualisée. La principale réussite de cet opus est de proposer de la variété dans les environnements, ainsi qu’un côté décomplexé qui sied parfaitement à l’univers. Donc, est-ce un problème que l’on puisse résumer le jeu à « une arène, combat, blagounettes et dialogues débiles, une arène, combat » ? Pas forcément, parce qu’avec du recul, le genre du jeu de shoot n’a jamais proposé autre chose.
Je pourrais parler de l’apport scénaristique de l’acte bonus que vous gagnez une fois la campagne de Judgement terminée ; cet acte se situe au début de Gears Of War 3 et raconte… raconte… un trou scénaristique complètement inintéressant et poussif, qu’il aurait surement été invraisemblable de vendre en DLC vu sa qualité. Sauf si vous êtes un mordu de Gears Of War, je ne peux que vous conseiller la campagne du jeu de base, hautement plus intéressante sur le plan du gameplay.
La 360 vous souhaite la bienvenue dans ses retranchements
People can Fly surprend leur monde en montrant que la Xbox 360 en a encore dans le bide, si bien que l’émulation sur Xbox One offre un rendu tout à fait saisissant en atténuant l’aliasing, supprimant le tearing, et en maintenant bien plus efficacement le framerate. Loin d’avoir mauvaise mine, Gears Of War : Judgement apparaît presque comme un remaster sur la dernière machine de Microsoft, alors qu’il ne s’agit que d’un jeu de septième génération. Comment expliquer ce phénomène ? Déjà, c’est avant tout un choix artistique ; si Gears Of War premier du nom et le second ne proposaient que du gris et ses multiples variations, le troisième faisait des folies en intégrant des tons ocres, eh bien Judgement pose ses couilles sur la table et offre une palette de couleurs supérieures au moment les plus créatifs de la série.
Ainsi, visuellement, l’Unreal Engine 3 (… oui-oui, on lui dit bonjour cette fois, il fait un joli travail) paraît changé, transfiguré, comme s’il avait appris de ses cousins. On assiste à un enchaînement de plans magnifiques soutenant des modélisations plus précises que jamais, et des textures qui sont une nouvelle fois affinées. C’est une réelle surprise aussi de voir autant de variété dans les environnements traversés. Cela renouvelle d’autant plus une série que l’on croyait visuellement arrivée à ses limites sur console de septième génération. Malheureusement, on ne pourra en dire autant du level design qui a une forte tendance à ne proposer que des arènes aux formes globalement similaires, et donc forcément répétitives. Un écueil qui se conjugue à une structure ne cachant pas ses artifices. Dommage, car le jeu propose parfois des panoramas offrant, si ce n’est plus de liberté, une impression de grandeur, en laissant le regard se perdre dans les détails du monde construits à l’origine par Epic Games.
On pourra aussi dire que les musiques sont un peu moins inspirées que par le passé, mais c’était déjà le cas à propos de Gears Of War 3, qui n’arrivait pas à chatouiller le second opus qui reste le meilleur sur ce plan… Sur tous les plans en fait. On retrouvera donc Steve Jablonski à la baguette, mais il en avait vraiment plus rien à foutre pour le coup ; il avait fait son gentil petit chef d’œuvre avec Gears Of War 2, après s’être mis d’accord avec Epic Games sur le fait que, oui, ce second opus resterait le seul vrai jeu brillant de cette saga. Quoi ? je parle beaucoup trop du deuxième épisode ?! Oh je ne sais pas. Oui, surement. Peut-être que cela donnera lieu à un article de plusieurs milliers de mots, comme j’en inflige un sacré paquet à un Toupilitou qui, je le sais : commence à secrètement me haïr.
Mais, ne tergiversons pas plus là dessus, parce que les doublages (… moins en sourdine cette fois !) font toujours un joli job avec des voix bourrues, des voix couillues, ou couillue manqué pour la femme du casting (… bien foutue quand même, faut pas déconner), mais surtout, des accents tellement clichés que ça confine au racisme. Enfin, on est habitué : du Gears dans toute sa splendeur de jeu d’action viscéral inspiré des années 80 qui fera toujours autant tiquer les gens qui n’aiment pas et fera toujours autant plaisir à ceux qui aiment entendre des tas de muscles en armure épaisse comme le tronc d’un arbre centenaire (… allez millénaire !) hurler « Crèèèèèèève ! » en découpant des aliens mutants qui t’éclatent à la gueule une fois crevé. Eh oui Toupi, cette phrase n’a pas assez de virgules pour être lue d’une traite à voix haute et rapidement par un humain normalement constitué, mais je sais déjà que tu vas aérer tout ça (ndlr : ou pas :p ).
Spoil : il y aura de nombreux murets dans ce jeu
Que dis-je, des centaines de milliers de murets ! Des dizaines de millions ! Et toujours placés au bon endroit pour que l’on puisse à loisir se cacher des tirs ennemis, alors que, bordel de merde, avez-vous vu la taille de l’armure de ce gaillard ? Bon, il ne porte pas de casque, c’est vrai, mais est-ce que vous avez déjà vu un gentil se faire headshot dans un film d’action décomplexé ? Non, par définition, ça arrive à celui qui porte un casque, parce que voilà, c’est ainsi fait. Donc, il est toujours question de faire de la musique avec les adversaires ; on se cache quand les mélomanes vident leurs chargeurs sur le couvert derrière lequel on se situe, et quand ils rechargent (… parce que décidément, il n’y aura jamais assez de balles dans leurs chargeurs pour qu’ils puissent titrer à l’infini), on leur colle quelques bastos pour une composition plus aérée, mais tellement plus précise et efficace qu’à la fin. Il ne reste alors de nos ennemis qu’un corps encore paralysé par la beauté de notre composition.
Mais, si on fait toujours la même chose que dans les précédents, alors pourquoi faire un nouvel épisode ? Parce que celui-ci intègre quelques nouveaux joujoux, tous plus rigolos les uns que les autres, qui viennent renouveler un arsenal qui n’en a finalement pas tant besoin. Mais, une fois qu’on a découvert les subtils équipements originaux proposés, on peut s’intéresser à la structure de l’environnement, au challenge proposé, mais aussi et surtout : est-ce que c’est cohérent ce patchwork de nouveautés pas si nouvelles, de niveaux pas si originaux, et ce système de scoring qui envahit l’écran ?
Eh bien oui. Carrément même. Ce Gears Of War propose une narration qui est déjà un peu « virtuelle » , dans le sens où c’est une histoire que quelqu’un nous raconte. Donc, on peut faire à peu près ce que l’on veut du récit, et People Can Fly propose donc un système de score avec des notes en fin de chaque arène, avec des vagues d’ennemis proposant un challenge largement plus féroce qu’avant s’adressant aux fans de Gears Of War et à leurs potes. Oui, parce que si vous n’avez pas d’amis sous la main, Judgement sera répétitif et scandaleusement difficile dans le dernier mode de difficulté, parce que l’IA alliée, si elle n’est pas totalement inutile, ne sera jamais aussi efficace qu’un pote qui s’amuse à te jeter une grenade sous les pieds. Donc, si vous avez envie de vous laisser tenter, faites-le avec des potes, et le jeu passera crème, parce qu’il est bâti pour la coopération et la compétition saine. Et de ce côté, c’est simplement la meilleure campagne d’un Gears Of War ; pas de moment de creux, de l’action non-stop, du défi, et surtout, quelques situations grotesques qui valent leur pesant de cacahuètes.
Loin d’être la déception que l’on m’a décrite, Gears Of War Judgement est un jeu qui cerne particulièrement bien ses ambitions, et propose une expérience maîtrisée pour tous les joueurs avides de gros jeux bien équilibrés pour vous et vos potes. Dommage que la structure ne s’adapte aucunement à une expérience agréable pour un joueur solo, car avec un meilleur travail sur l’IA alliée, le studio People Can Fly aurait pu proposer un challenge intéressant pour les acharnés solitaires, comme peut l’être un Halo 5 solo en difficulté légendaire. Si vous avez un groupe de potes sur Xbox One ou 360 et que vous cherchez un jeu coop allant jusque 4 qui peut vous proposer son pesant de challenge, foncez dessus. Sinon, faites Gears Of War 2, ou refaites-le. C’est encore mon meilleur conseil.
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