Demetrios : The Big Cynical
Version presse fournie par Cowcat
Jean-Jacques connaissait une nana qui a fait un marmot toute seule, et grand bien lui en fasse. Pour ma pomme, j’ai fait la connaissance d’un mec qui fait son jeu tout seul – ou presque. En effet, l’énergumène, Fabrice Breton, s’est acharné en deux ans à faire un remake d’un jeu qu’il avait créé pendant son adolescence. A quoi ressemble le bête ? (… non, pas celle-là) Eh bien à un point’n click à l’humour potache et au dessin caustique. Au bout du bout, qu’est-ce que cela vaut ? C’est ce que nous allons voir ensemble. C’est parti !
Dans Demetrios : The Big Cynical, notre avatar se prénomme Bjorn Thönen, un antiquaire parisien, et il va se retrouver embrigadé dans une aventure abracadabrantesque ; un coup de fil d’un type un peu space et un cambriolage ciblé dans son appartement vont tout déclencher, le dénominateur commun étant une statue de volatile acquise il y a peu. A l’issue d’événements tous plus improbables les uns que les autres, il ira jusqu’à embarquer sa voisine (aux talents culinaires insoupçonnables… ) et sa môme dans le pays lointain et caché qu’est le Nogo, tout cela pour sauver le monde à l’insu de son plein gré. Il faut tout de même avouer que le héros est légèrement atypique, puisque rares sont les jeux qui nous mettent dans la peau d’un simplet doublé d’un gros dégueulasse, quoique cet adjectif soit encore un peu faible dans son cas. Pour compléter les qualificatifs, je rajouterai même qu’il est également un sombre connard égoïste, mais ce n’est qu’une appréciation somme toute personnelle.
Pour accompagner le tout, dans la droite lignée des point’n click à consonance caricaturale, le jeu est tartiné d’humour foireux. Pour ma part, même en étant bon client à ce niveau-là, je ne pouvais faire de session excédant une heure sous peine d’atteindre la surdose. Quand bien même on retrouve de l’humour à grand renfort de pipi, de caca, et de vomi, il y a pourtant quelques fulgurances sortant de ce cadre scatophile ; elles ne sont pas vraiment dans le texte en lui-même, mais dans l’environnement à travers tous les dessins des tableaux. J’étais bien plus réceptif à cet ensemble de petits détails cyniques qu’à l’humour présent dans les nombreux dialogues. Pour dire les choses plus clairement, pour les intégristes de l’humour qui pensent que l’on ne badine pas avec ce sujet, je ne suis pas certain que celui de ce jeu vous plaira forcément. Le créateur de Demetrios m’assure tout de même vouloir pondre une update du jeu, dans les prochains mois, permettant d’amoindrir cet humour si particulier.
Il y a pourtant un sacré sens du détail, puisque toutes les interactions – qu’elles soient avec ou sans objets – auront au moins quelques phrases de commentaires personnalisées. Alors que la grande majorité des point’n click vont pondre une phrase générique lorsqu’une combinaison d’objets est infructueuse, du style « cela ne mène à rien », Demetrios se permet de briser régulièrement le quatrième mur dès lors que le joueur commence à faire des combinaisons d’objets vraiment hasardeuses. Certaines interactions peuvent également provoquer la mort de notre (anti)héros, détourné sous forme de mini-jeu afin d’obtenir toutes les situations de gameover possibles. Cela va des doigts dans une prise électrique, à tomber dans un trou, ou bien encore pisser sur une plante dans un commissariat.
L’autre mini-jeu qui a été implanté est de retrouver, sur chaque tableau que nous parcourrons, trois cookies disséminés dans le décor – et parfois très bien cachés ! Une fois que l’on en a retrouvé un, on a droit à un commentaire vis-à-vis de l’endroit où on l’a trouvé. Ces cookies, une fois mangés, permettront de récolter un indice sur la suite des événements si vous vous retrouvez bloqué à un moment. Si vous en consommez trop, vous finirez par vomir vos tripes, ce qui est largement compréhensible lorsqu’on se remémore les endroits où ils ont été dénichés. Pour autant, ne vous attendez pas à en avoir besoin à outrance, car les énigmes qui parsèment le jeu sont relativement simples pour celui qui serait un habitué des point’n click old-school.
Car oui, s’il y a bien quelque chose que j’ai retrouvé dans ce jeu, c’est bien une touche d’hommage aux jeux de mon adolescence, tels que les Leisure Suit Larry, ou bien encore les Runaway, notamment via ses sympathiques graphismes . Malgré tout, il y a comme un hic dans la recette, puisque je n’ai jamais vraiment réussi à m’identifier à l’avatar de Demetrios ; comme dit plus haut, l’ami Bjorn est un sombre connard, cela ne va jamais le quitter, et rien n’est vraiment fait pour le rendre plus sympathique. Ainsi, ce jeu enfile les blagues plus ou moins cyniques comme des perles, simplement pour le plaisir de la vanne. C’est un principe assumé qui n’a rien de contraignant, à partir du moment où l’on sait à quoi s’attendre. Le pendant de cet état d’esprit est que cela peut parfois nous faire perdre le fil de la trame principale.
Afin de rompre le train-train du gameplay, on retrouvera à l’occasion quelques autres mini-jeux disséminés tout le long de la partie. Cela ne casse pas trois pattes à un canard, mais leur présence était aussi plaisante qu’inattendue ; une tombe-flipper, des rébus, un langage crypté, de la pêche, un quizz, etc… Cela permettait de varier le gameplay au-delà de la simple association d’objets, le tout selon une fréquence assez espacée. Tous ces ajouts donnent véritablement un cachet particulier à Demetrios. Et lorsque l’on additionne tout cela, avec un scénario allant toujours plus loin dans le what the fuck, on se retrouve avec une aventure plutôt plaisante pouvant s’étaler sur dix heures.
Finalement, on m’aurait dit que ce jeu avait été créé par Telltale ou Daedalic, j’aurais probablement tapé dessus comme un sourd. Mais sachant que ce jeu a été créé par une personne, je salue avant tout la somme colossale de travail que cela a dû représenter. Pour un premier essai, j’ai envie de dire qu’il s’en sort relativement haut la main, ce qui pourrait être prometteur pour la suite ; il m’assure vouloir sortir, pour son futur jeu, de l’archétype du looser. J’ai même envie de rajouter que j’ai déjà joué à des point’n click créés par toute une team, et qui se sont avérés être autant buggés qu’inintéressants, ce qui n’est pas le cas de Demetrios. Bref, si vous avez vraiment faim d’un point’n click, et qu’un humour bien typé ne vous fait pas peur, vous pouvez vous laisser tenter ; une démo est d’ailleurs disponible pour ceux voulant en avoir un aperçu !
Je partage cet avis.
Le jeu est bourré de qualités. Le simple fait d’avoir des tonnes de répliques pour chaque situation, là où les autres point’n click sont assez friands des phrases génériques, m’a fait rappeler le merveilleux « harvey & edna s’évadent ».
Par contre, je trouvé également l’humour un peu trop souvent crade et pipicaca. Dommage, car il y a également plein de touches d’humour plus subtiles ici et là, des références pop et beaucoup de cynisme. Mais noyé sous des blagues vaseuses.
Le fait par contre qu’on ne s’identifie pas au personnage (ce dernier étant effectivement un vrai connard) ne me gêne pas, bien au contraire. J’aime, dans les point’n click, voir des personnages atypiques.