Bioshock

Bioshock

Voilà, c’est surement un moment un peu casse gueule pour moi. J’ai mis une plombe à finir Bioshock premier du nom, et j’ai dévoré Infinite avant de terminer celui-ci. Après une demie partie du premier effectuée sur PC et une autre sur 360, j’ai finalement choisi de le finir d’une traite sur One via émulation de la 360… Ouais ça n’a pas été simple. D’autant plus incompréhensible que j’ai dévoré Bioshock en deux jours dans ce troisième et ultime run, pour enfin pouvoir sortir dans les soirées mondaines auxquelles je ne vais pas « Non, mais oui, Rapture, Andrew Ryan, quelle merveille, quel virtuose !  » , alors qu’en fait… bah… c’est très cool comme jeu hein, c’est une immersive sim (… quoique) tout à fait réussie avec une introduction merveilleuse mais… Enfin bref, je vous avais dit que c’était casse gueule :

 

« L’homme choisit, l’esclave obéit ! Obéissez je vous en prie !  » . Voilà ce qu’est le jeu vidéo. Voilà ce qu’on retiendra le plus de l’histoire de Bioshock. C’est bien fait, c’est bien amené, c’est récité par un personnage très bien écrit, et, globalement, Bioshock est une très belle histoire écrite sous fond d’une dystopie fascinante. « J’ai choisi Rapture !  » dira l’envoûtant Andrew Ryan, créature effrayante de sa propre ambition, un homme fascinant qui devrait inspirer de nombreux scénaristes de jeux vidéo : ça c’est un bon antagoniste, ça c’est un personnage comme on en veut plus souvent. Et Globalement, Rapture est un cadre aussi brillant esthétiquement que réussi sur le plan idéologique avec sa population qui s’est déchirée, parce que justement, ils partaient tous de la même folie et ont tous chu dans le même enfer qu’ils ont créé.

Je ne peux pas enlever à Bioshock son histoire, je peux juste signaler que, si les messages audio sont un compromis nécessaires à l’immersion pour compenser l’absence de cinématiques, reste que leur placement un peu trop « à propos  » est fort peu crédible, et donne plus l’impression d’être sur un chemin balisé pour comprendre l’endroit que d’y être véritablement perdu et immergé. Même si ce Bioshock est encore celui qui arrive le mieux à donner le sentiment d’explorer quelque chose, il n’en reste pas moins que sa liberté factice, qui finit d’ailleurs par servir le propos du titre, est finalement un frein assez violent à tout ce que son genre entreprend. J’aurais aimé Rapture plus ouverte, plus hostile, moins soumise à cette progression sage du « niveau après niveau  » . C’est triste, mais quand on veut faire réfléchir sur la vacuité d’essayer d’offrir de la liberté aux joueurs, autant y aller à fond, et la proposer. Eh oui, ton propos est intéressant Levine, tu es quelqu’un d’intelligent, mais sans doute aurais-tu dû lâcher un peu plus la main du joueur afin qu’il ressente plus ce que tu finiras par lui dire. Vu qu’on parle de final, j’ai trouvé celui de Bioshock assez ridicule. Enfin bref, je ne suis pas là pour me faire frapper donc on va enchaîner.

Quoi qu’il en soit, ce serait cracher dans la soupe que de continuer sur le même ton. Ce qu’il y a de fascinant avec Rapture, c’est son histoire et son idéologie ultra-libérale qui l’a conduit à la chute (… et aussi une lutte idéologique naissante, mais à suivre dans Bioshock 2 !). Dans une société ne rassemblant que des gens « brillants  » libérés de la morale, de tous les codes, prônant l’auto-entrepreneuriat, la consommation, et toutes les bonnes valeurs que l’on nous fait bouffer au quotidien en oubliant les leçons tirées de l’histoire, Rapture a un bon goût de piqûre de rappel. Entre l’utopie et la dystopie, il y a un pas qui se franchi assez aisément. Les niveaux de lecture sont divers et variés, tandis que l’univers de Bioshock est réellement fascinant. D’autant que la politique de Rapture, c’est le libéralisme dans sa forme la plus pure ; aucune limite, qu’elle soit morale ou législative.

Parce que la fondation même de Rapture n’est pas l’anarchisme, c’est bien autre chose. Jamais des anarchistes n’auraient fondé une telle cité avec de telles idées. Ce qu’il faut bien comprendre avec Rapture, c’est que c’est à l’image de 1984 : une ville et un univers imaginés par un esprit qui a beaucoup de scepticisme vis-à-vis de la pensée dominante de son époque. Et ce n’est pas l’anarchisme qui domine notre époque. Je vais arrêter de m’étendre sur le sujet ; je me suis déjà bien trop risqué sur un terrain glissant.

Maintenant que vous avez pu voir que j’ai bien plus apprécié la toile de fond que l’histoire de Bioshock en elle-même, on peut passer à un truc très réussi. Esthétiquement, Bioshock c’est un coup droit dans ta dent cariée, qui s’arrache douloureusement et te brûle affreusement par la suite, pour te rappeler à quel point tu as de la chance d’avoir eu droit à de la confiture. Plus sérieusement, Bioshock dépeint Rapture, mais présente de nombreux quartiers à l’identité visuelle forte. C’est bien là sa force ; il arrive à raconter son histoire et l’univers de Rapture au travers d’environnements luxuriants. C’est bien simple, je n’ai pas souvenir d’un lieu inintéressant. Je n’ai pas souvenir d’un lieu qui m’a fait dire « Bioshock a vieilli  » . Certes, son moteur, l’Unreal Engine… 2.5 (original !), a pris un coup dans les dents (… décidément), mais le travail artistique reste fantastique. Le titre affiche des choses saisissantes, même encore maintenant.

Signalons déjà l’architecture globale. La qualité du level design, et sa cohérence, arrivant à nous faire croire que chaque lieu était un endroit de vie avant de devenir un parc à trucider des chrosomes. Tant que nous sommes sur le sujet, les habitants de Rapture, s’ils doivent faire avec des visages étrangement poupins et glauques – tradition de la série quelque peu brisée par le second opus, sont vraiment effrayants. Ils portent les stigmates d’une société superficielle où le corps est soumis à un nombre important d’artifices visant à l’embellir, l’améliorer avec les plasmides. Bref, une société assez atroce où le corps devient le sujet d’expérimentation de médecins sans code de déontologie. Un passage assez fantastique du jeu fait même preuve d’une grande créativité macabre, en mettant en scène des œuvres d’art faites de cadavres modifiés… Eh si, c’est de l’art ; on ne peut pas dire le contraire, c’est odieux, mais c’est esthétique.

Bioshock surprend aussi par la qualité de la modélisation de son eau, chose qui n’est pas gagné avec l’Unreal Engine (… au bon souvenir de Gears of War 2) mais aussi avec quelques compromis techniques permettant à la version 360 de se rapprocher du soixante images seconde. En effet, la physique des corps inertes et des objets est affichée à environ quinze images seconde ; de quoi garantir la fluidité de l’action en réduisant la consommation de la physique. Signalons d’ailleurs qu’il paraît parfaitement inutile d’expérimenter Bioshock premier du nom dans sa version remastérisée sur Xbox One ; je trouve que la version rétrocompatible est plus esthétique, malgré la basse résolution, et tout aussi fluide.

Bien sûr, vous pourrez toujours râler sur les textures baveuses, quelques effets un peu datés, mais rappelez-vous que c’est un jeu de début de septième génération et qu’il a excellemment vieilli, brillamment même. Je vous laisse juge, mais contrairement à beaucoup de ses contemporains, Bioshock est beau, sincèrement beau, et cela prouve que le gap technique de la septième à la huitième génération n’a vraiment pas eu un immense effet, sauf en de rares cas.

Pour les musiques, si elles ne sont pas forcément parfaites pour l’écoute en dehors du jeu (… tout comme celles d’Infinite d’ailleurs, mais n’accablons pas ce titre plus qu’il ne le mérite), elles se fondent divinement bien dans l’univers, garantissant à Bioshock une surcouche d’immersion pas forcément nécessaire vu à quel point une fois que l’on accepte les couloirs masqués. On se sent bien dans Rapture. Je noterai toutefois des doublages assez excellents et des bruitages qui sont devenus iconique, comme par exemple le bruit des appareil volants qui vous rendront fous « bibilibip bipbipbipbip !  » , ou encore le son d’un piratage réussi, toujours très sympa à entendre.

Donc, on est d’accord : la réalisation, c’est très bon et ça a très bien vieilli. Toutefois, il y a une chose qui a un peu pris un coup de vieux, notamment après avoir joué à Bioshock Infinite : le gameplay. Notre très cher Bioshock souffre en effet d’une maniabilité assez rigide ; les sauts, les déplacements, même la manière dont les armes réagissent en combat… Tout rappelle qu’il n’a pas toujours été question de pétoires avec du répondant. Même le fusil à pompe, pourtant symbole de la virilité et du bruit qui te réveille, paraît ici particulièrement étouffé, comme si on avait commis l’hérésie de lui coller un silencieux. Ainsi, à l’écran seul, les adversaires semblent réagir à la puissance de l’engin, notre personnage tenant fermement la chose comme s’il avait utilisé cette arme depuis sa plus tendre enfance. Globalement, c’est l’ensemble des pétoires qui donnent cet effet : mitrailleuse, pistolet, lance-grenade (… putain quoi, un lance-grenade)… Tout paraît léger et rien ne vient suggérer le différentiel de puissance. Le meilleur feeling au niveau de l’équipement est offert par la clé à molette, qui accompagne l’action du joueur par des animations nettement plus convaincantes.

En revanche, les plasmides offrent quant à eux des sensations d’ores et déjà plus présentes, avec quelques effets qui ont certes vieillis mais qui font encore parfaitement le travail. On n’est pas non plus en train de jouir à chaque éclair balancé dans la flotte pour griller les trois chrosomes suffisamment stupides pour y faire trempette (… en fait, si, c’est très drôle), mais cela donne un effet hautement plus satisfaisant que l’usage de la classique pétoire. D’ailleurs, les plasmides sont vraiment très bien intégrés à l’univers du jeu, et constituent une réussite indéniable sur le plan du gameplay, mais aussi et surtout dans la cohérence globale de celui-ci avec l’univers.

Néanmoins, même si les combats sont une immense partie de Bioshock, il reste tout ce qui fait le sel de l’expérience : l’exploration. Si Bioshock n’est pas un monde ouvert, ni même semi-ouvert, il laisse suffisamment d’espace exploitable dans ses assez vastes niveaux pour permettre aux joueurs de dénicher quelques secrets. Plasmides, améliorations de capacités du héros, munitions plus ou moins exotiques, armes, argent, distributeur de consommables et de d’améliorations du personnage. Certains pourraient même dire qu’il s’agit d’un RPG… mais je ne suis pas certain, et encore moins certain de penser que ces gens savent ce qu’est un RPG, même si je n’ai évidemment pas la certitude de le savoir moi-même ce qui nous laisse bien incertain. Toujours est-il qu’explorer dans Bioshock, c’est intéressant pour simplifier la progression (… la vie ne remonte pas toute seule, donc trouver des trousses de soin est vital, de même pour l’Eve permettant d’utiliser les plasmides), pour en apprendre plus sur l’univers via la narration environnementale, mais aussi via les enregistrements. Il est préférable de vraiment explorer l’environnement, quitte à céder à quelques allers-retours pour équiper les plasmides permettant d’aller plus avant dans certaines zones secondaires.

Le level design est ainsi plutôt recherché, pas renversant, mais convaincant. On utilise toutes les mécaniques de jeu pour exploiter pleinement l’environnement, même si, selon moi, le titre manque un peu de folie de ce côté en se contentant parfois de peu. Il aurait par exemple été préférable d’avoir des niveaux vraiment labyrinthiques, cachant leurs contenus, en ne révélant pas l’emplacement de chaque salle sur la carte. Cette petite déception mise de côté, cela n’enlève rien au plaisir d’explorer Rapture, bien que, une fois encore, on aurait aimé s’y perdre, d’autant que ses suites n’auront de cesse de réduire encore le champ de l’explorable, mis à part la parenthèse du Tombeau Sous-Marin renouant avec une exploration un peu plus intéressante.

On pourra aussi pester sur le manque de variété du bestiaire ; les chrosomes ne sont pas si nombreux, les tourelles ne sont que de deux sortes, les sentinelles sont toutes les mêmes. Heureusement que Big Daddy ou Monsieur P (pour Monsieur le Protecteur), véritable personnage phare (… Oh le phare, c’est rigolo ça), vient donner un peu de mordant à nos fréquentes altercations pour, soit libérer les petites filles, soit les tuer… Mais, tuer, c’est mal, n’est-ce pas ? Si tu les tues, tu as moins d’Adam te permettant d’acheter des plasmides, mais si tu les sauves tu as la bonne fin et tu auras une compensation sous la forme d’un cadeau toutes les trois petites filles sauvées. Cela paraît un peu manichéen et artificiel pour proposer des choix dans le jeu. Mais attention hein, tuer, c’est mal ! Donc, ne tuez pas les petites filles, je vous prie.

On pourra aussi vite fait parler du piratage sous la forme d’un mini-jeu plutôt sympathique, même si la génération procédurale des pièces accessibles peut paraître très injuste dans les derniers niveaux de difficulté. On prend plaisir à pirater tout et n’importe quoi, même si vous devriez faire attention à la remarque suivante : j’ai apprécié les mini-jeux d’Alpha Protocol.

 

Alors, culte ? Oui, certainement, mais je n’ai pas trouvé Bioshock à la hauteur de ce que la légende prétendait. Il reste certes un titre au-dessus du lot du côté de l’écriture, avec un personnage incroyable et un gameplay avec il est vrai pas mal de fraîcheur. Mais c’est ses imperfections, nombreuses et finalement assez significatives, qui m’ont fait relativiser la qualité du titre ; peut-être que les dix années qui ont passé commencent à effriter le jeu d’Irrational Games. Certainement pas de quoi vous le déconseiller, c’est une chaude recommandation, mais ne faites pas l’erreur d’en attendre monts et merveilles.

L’homme choisit, l’esclave obéit ! Obéissez je vous en prie !

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

Un commentaire sur “Bioshock”

  1. Ouega dit :

    Aah, Bioshock ! Quel jeu !

    Je ne sais même plus combien de fois je l’ai terminé, avec toujours le même plaisir.

    Et que dire de cette fameuse scène d’introduction, avec le landau…

    Il est vrai que la fin du jeu n’est pas le plus passionnant, que la physique du personnage est parfois un peu rigide, et qu’à y repenser, le jeu est parfois un peu linéaire.

    Mais n’y aurait-il pas un studio ou des fans pour développer un mod, à l’image de Kotor2, pour nous en resservir, dans une vile gigantesque et bien plus ouverte?

    Je crois que je vais le réinstaller, tiens !


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