The Witcher 2 : Assassins Of Kings
Argh ! Le destin s’acharne donc sur moi. Pour une fois que je pouvais démonter un jeu adulé, épaulé par le chef Loutre, le voilà qui me sort : « Ouais mais le concept d’Otter’s Dial est subtil tu vois, il faut une défense et une attaque, deux attaques ce serait mal considéré par la communauté internationale, tout ça…« . Esseulé une nouvelle fois face à un adversaire personnellement détesté, mais surprotégé par une fanbase énorme, je me décide à passer à l’offensive, sabre à la main. La force est mon allié, The Witcher 2, et je compte bien expliquer pourquoi je t’ai trouvé mauvais. Je te survivrai, et triompherai !
Tout commence par… une introduction et des QTE
Imaginez : 2012, The Witcher 2 vient de sortir sur Xbox 360. J’ai fini The Witcher premier du nom il y a peu, et j’étais impatient de mettre la main sur ce second opus. Pourquoi ? Parce que le premier épisode est une tuerie indiscutable, possédant cela dit un système de combat des plus discutables. Cela fait un an qu’on me rabâche le crâne avec The Witcher 2 : Assassins Of Kings avec ses multiples qualités, son écriture ciselée, ses notes à tomber à la renverse. Je m’attendais donc au plus grand jeu de l’époque, le tueur de KOTOR 2. Un foutu messie quoi !
Mais, les premiers instants confirment tout cela : cinématiques de haut vol, réalisation technique et artistique ainsi qu’animations impeccables, scénario mature et adulte traitant de politique et de thèmes tout autant sombres qu’intéressants. Cela, c’est les premiers instants. Puis, vient le moment où l’on joue. Les animations sont directement plus rigides, les lieux ont l’air plus étriqués qu’on aurait pu le croire, et enfin, globalement, il y a peu d’interactions avec les PNJ. Je pardonne ce dernier point ; l’armée est sur le pied de guerre, et il est donc logique qu’on ne soit pas tous là pour tailler une bavette.
Cela dit, on découvre avec plaisir le retour du jeu de dés, le retour de la lutte (… désormais en QTE), et un petit nouveau : le bras de fer. Tous ces à-côtés sont bel et bien des gadgets. Oui, sauf qu’ils contribuent à l’ambiance, et que je les aime bien. On gambade dans le campement, puis on va dans la suite de l’aventure, cinématiques de qualité, blabla révélant des personnages complexes et humains, premier combat. Mais… mais pourquoi les mecs ? C’est une bonne idée les combats plus action, mais pourquoi Geralt fait cinq galipettes pour donner un coup rapide, et n’en fait pas pour donner un coup lent ? Pourquoi le personnage ne répond plus pendant une seconde une fois lorsqu’il s’est prit une torgnole ? Pourquoi est-ce que la caméra est aussi mauvaise que dans les autres jeux d’action ? Pourquoi quand je fais une roulade, mon personnage morfle en prenant le coup ?
Cela doit surement s’améliorer par la suite me dis-je. Début douloureux, je continue, cinématiques, blabla réplique amusante « Je vous interdis de mourir bande de corniauds !« . Enfin, on a une mission vitale qui consiste à détruire une barricade à l’aide d’une baliste. Vagues d’ennemis (… soupir de lassitude face aux problèmes de collision), QTE pour armer la baliste… Un QTE ? Passons. Autre vague, un autre QTE. Je commence à me demander ce qui ne va pas. Autre vague et un dernier QTE. Je pose la manette, mets le jeu sur pause, regarde le boîtier de The Witcher premier du nom qui se met à faire la moue en foudroyant la télé du regard.
Un bon départ
« Que s’est-il passé ?« , demandais-je à mon vieil ami The Witcher 1. Celui-ci prit son temps avant de me répondre, et lance alors d’un air désespéré : « CD Projekt savait pas trop quoi faire et voulait s’essayer au jeu vidéo moderne. » Remarquant le ton dépité du titre, je ne pouvais que comprendre que nous étions d’accord au sujet de cette introduction poussive de trois heures qui enchaînait les cinématiques, combats en lieu clos, QTE, et rythme chaotique. Une fois que ce fut fini, je lui répliquai : « La cinématique de fin d’introduction est cool, mais le jeu ça ne sera pas que ça, hein Witcher ?« . Il sourit pour me rassurer et annonça : « Y aura de ça, mais là, tu vas passer quinze heures dont tu te rappelleras pour leur qualité. » Conscient de l’absurdité de ce flashback qui ne s’est évidemment jamais produit, Marcheur reprit sa plume, son clavier bien réel, et continua de pianoter en grognant à l’idée de dire du bien de The Witcher 2.
Le bateau s’arrête enfin. Notre ami Geralt et moi même (… bien que je ne me sente pas bien concerné par cet individu à la voix d’alcoolique et à l’air cadavérique) descendons sur la berge. Premier constat : bordel, cette végétation est fabuleuse. C’est magnifique. Ce soin dans les textures, dans la conception de l’environnement, cette perfection organique dans la position de chaque élément de décor… CD Projekt, vous êtes bons. J’avance un peu, je récupère une blinde de trucs sans pouvoir en choisir un parmi ce qu’il y a à récupérer, et pour la première fois je suis en surcharge, le jeu possédant un système odieux de gestion de l’inventaire. Déjà énervé, je jette le tout sur le sol, grinçant des dents à l’idée de faire cela une bonne centaine de fois en expérimentant une interface ni fait ni à faire qui me donne la gerbe. Quittant avec bonheur les menus inutilement nombreux, l’esprit et le personnage léger, j’avance… Bam, cinématique réalisée avec talent, un nouveau personnage intéressant et à la modélisation ahurissante s’impose comme mon coup de cœur. S’ensuit une séquence d’escorte emmerdante.
Bien sûr, si toute bonne chose à une fin (… toute mauvaise aussi), ainsi notre petit groupe composé d’une Triss trop bien roulée pour ne pas être un personnage principal, et l’énervant soldat « j’aime emmerder le monde avec mon honneur« , parviennent au village qui constituera le hub de la première vraie zone ouverte de jeu. Ensemble, ils devront enquêter sur la crise qui pèse sur le pays, et trouver les membres du groupe rebelle que forment les elfes et nains de la Scoia’tel. Et si le jeu a bien des défauts énervants, son système d’évolution particulièrement plat en tête et ses éreintants problèmes de jouabilité, le premier chapitre est l’œuvre d’une équipe soudée, écrivant parfaitement, construisant un environnement plaisant et proposant peu de quêtes, mais longues et bien écrites. Cocktail d’enfer qui enivre tout joueur un minimum sensible à ce qu’est un bon jeu d’aventure ; l’exploration et la complétion totale de la zone et de ses mystères prendra quinze heures. Des heures durant lesquelles on comprendra ce que CD Projekt a dans le ventre, et qui ouvriront la voie à un sublime The Witcher 3. Mais quand vint le moment de la conclusion de ce premier chapitre, après une fin en apothéose et un choix très important qui prend aux tripes, vient le moment de la dure séparation entre moi et The Witcher 2.
Un chapitre 2 plus court, moins intéressant et plus longuet
Moins intimiste, plus politisé, aux accents plus épiques, le chapitre 2 emmène Geralt dans un conflit qui le dépasse, lui, pauvre Sorceleur. Les PNJ parlent, me donnent des ordres, tandis que les quêtes secondaires se raréfient, perdent en qualité et en complexité. Les lieux, à l’exception d’un bosquet, sont visuellement bien moins séduisants. On note l’effort mis pour créer un embranchement important dans cette seconde partie, mais je ressens moins d’intérêt. L’accélération du rythme et les enjeux ayant explosés trop rapidement, je ne me sens maître de rien, libre de rien, contraint de suivre le fil d’une décision prise dans l’urgence. La démarche est bien comprise, mais je m’emmerde. Le Geralt que je suis n’a jamais voulu prendre parti. Neutre dans l’âme, ce choix forcé et cette manière qu’a le héros de s’impliquer sans trop se poser de questions m’énervent au plus haut point.
La jouabilité devient alors d’autant plus énervante. Les combats deviennent simples mais toujours pourris par les problèmes cités ci-dessus. L’évolution du héros est difficilement perceptible, et seul un personnage me donne envie de continuer : mon elfe, mon poto, mon re-frè aux oreilles taillées et à l’œil crevé. Iorveth ne le dit pas, mais il s’emmerde. Il cherche juste à tirer son coup avec la blonde qui sert de dirigeante à son armée de dissidents. Geralt le comprend, lui aussi il est là pour Triss. Le reste il s’en tape, mais tous deux doivent subir les passions futiles de tout ce petit monde, pour tirer plaisir du peu que peut leur proposer le titre. Finalement, on se retrouve à suivre le fil de l’histoire, ennuyé dans l’attente d’un chapitre 3 plus exaltant, plus personnel. Un truc plus Witcher au final, parce que c’est bien beau de faire des références à Tolkien, ou à la saga littéraire dont l’auteur méprise l’adaptation en jeu vidéo. Pitié, un dernier effort… Raté.
Fatigué d’espérer et fatigué de croire…
Citer Renaud, on arrive sur la fin, cela se sent. J’ai fait ce chapitre 3 avec un œil fermé, l’esprit éteint. A peine moins long que le prologue, j’ai snobé les quêtes secondaires, snobé le peu d’exploration qui se dessinait. J’ai snobé pour en finir face à ce chapitre rempli de séquences me laissant de marbre, fatigué de jouer à un jeu qui ne me donnait plus aucun plaisir. Quand vint la conclusion, je sortis le CD de ma console, soulagé d’en avoir fini, parce qu’il était bien temps. Sérieusement temps que je passe à un autre titre, et que je laisse à The Witcher 2 la chance de se trouver un nouveau public. Belle gueule, belles musiques, belle écriture, mais un désintérêt croissant dû à la qualité en berne. Elle était partie du niveau zéro avant d’aller à cent, puis de descendre inexorablement, jusqu’à devenir de l’ennui même plus animé par un quelconque ressentiment.
Déception, ravissement, dégoût, rage, lassitude, ennui profond. L’évolution de mon ressenti sur le titre est assez parlante sur mon expérience globale. Mauvais jeu ? Non. Compensant ses nombreuses faiblesses par d’immenses qualités, The Witcher 2 est juste un très bon jeu qui ne m’a pas accroché au moment où il était sensé donné le meilleur de lui-même. Et là où il y a eu des fans en extase, il y a aussi eu une personne (… moi en l’occurrence) qui a soufflé un grand coup et a suivi sans enthousiasme. Le Marcheur a marché sans entrain à travers le titre, relevant les détails et les défauts avec un air professionnel et détaché de toutes émotions, envers un titre sensé donner les lettres de noblesse au faux genre du A-RPG. Et tandis que le générique annonçait une suite prometteuse, je ne ressentais que l’envie de passer à autre chose. Game of Thrones de Cyanide, qui me redonna le sourire. Les humains sont des êtres étranges, oui.
The Witcher 2 est un monolithe intouchable qui m’évoque le froid le plus glacial. Sans être sincèrement mauvais, je tiens à dire que je l’ai trouvé pire, car après avoir fait monter mon enthousiasme au plus haut niveau, la chute fut inexorable ; le titre n’est en réalité jamais mauvais, mais le rythme s’accélérant, les enjeux me perdaient, et l’intérêt frisant le zéro jusqu’à l’étreindre avec amour quelques heures avant le générique. Je n’arrive même plus à dire ce que je pense de The Witcher 2. Quinze heures délicieuses, qui mutent en quinze d’une platitude extrême. Je n’ai pas su accepter une telle chute, et il reste aujourd’hui une de mes plus grandes déceptions, même si je suis conscient de la qualité du titre.
A propos de l'auteur : Marcheur
4 Commentaires sur “The Witcher 2 : Assassins Of Kings”
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Pour ma part, ce qui m’a enthousiasmé dans le jeu, c’est justement les intrigues politiques dans lesquelles notre pauvre Geralt est dépassé mais impliqué de force. Cet aspect à la « game of throne » m’a bien plus (même si sur ce niveau, je préfère aussi le scénario du jeu de Cyanide, et de loin).
Par contre, les QTE m’ont bien saoulé. J’ai failli abandonner le jeu au passage du Keyran.
Tu parles de Game of Thrones de Cyanide ? Tu sais que j’allais te répondre ça à propos du héros dépassé par des intrigues politiques :p
The Witcher 2 a un superbe morceau de jeu (le chapitre 1) mais m’a complètement perdu dans la seconde et troisième partie, c’est dommage car plus constant, le jeu n’aurait rien eu à envier au premier.
En même temps niveau comparaison vous y allez pas de main morte, car ce qu’a fait Cyanide pour les intrigues politiques de ce Game of Thrones, c’était quand même du très haut niveau, perso j’ai beau chercher un équivalent, je trouve pas.
Et pour les QTE, on est bien d’accord, c’est l’oeuvre du diable, déjà dans Shenmue c’était de la merde (mais de la merde fraîche), mais le temps passant ça c’est multiplié comme la pire des mst, et j’avoue avoir été très déçu de voir que CDpro avait décidé de suivre le mouvement.
On n’y va pas de main morte parce que Game of Thrones de Cyanide est un des meilleurs jeux à licence de tous les temps (il peut même se permettre de tutoyer Kotor 2 là dessus) et que personne n’en parle alors qu’il met à l’amende pleins de jeux qui se disent « matures et bien écrits ».
En vrai, le jeu de Cyanide est tellement puissant en matière de rythme, d’écriture et de narration, que je vois difficilement comment on aurait pu mieux faire avec cette licence, c’est un putain de tour de force. Le jeu a beau être perfectible sur pleins de choses, il démonte.
Les QTE c’est comme les cinématiques pour ma pomme, je déteste ça, j’exècre ça même, c’est de la pure fainéantise, et c’est complètement naze, ça ne se justifie même pas.