Sound Shapes
Dans mes sessions de jeux nomades, je commence à comprendre ce que le jeu mobile, dans le sens le plus strict du terme, peut apporter au médium. Des petites sessions, des épisodes ; ces expériences, construites durablement, créaient des liens bien différents avec le joueur, et c’est là où l’on se dit que l’épisodique n’est pas si stupide. C’est après avoir effectué les vingt cinq niveaux de Sound Shapes, dans des sessions très courtes, que j’en suis venu à cette réflexion. Étalé sur une semaine moins chargée en jeux que d’habitude pour ma part, j’ai pu sacrifier quelques minutes éparses sur ce jeu bien court qui a presque construit quelque chose. C’était bien sûr plus accidentel qu’autre chose, car il n’a pas vocation à être épisodique ou quoi que ce soit, mais je le remercie de l’inspiration. C’est déjà pas mal.
Sound Shapes est un jeu développé par Queasy Games, et distribué par Santa Monica Studio pour le compte de Sony Interactive Entertainment. Il a été distribué sur PS4, PS3 et PS Vita le 7 août 2012. C’est un jeu intéressant. C’est un jeu avec de belles idées. C’est un jeu qui a une belle invitation pour le joueur. Il l’invite à s’investir, à créer, et ça, c’est bien, ça, c’est beau. C’est globalement ce qu’on retrouve chez un SDK (… outils fournis par un développeur pour la communauté, permettant de développer des modifications à un jeu), mais en version sympathique pour le joueur ; pas de menus complexes, une grosse simplification du processus, tu crées des niveaux avec des objets fournis. Point.
Cela paraît sans doute limité pour un moddeur endurci, mais c’est aussi une belle initiative qui vient de plus en plus vers le jeu console (Doom, Project Spark, GTA V, la série Halo, Little Big Planet, le futur Dreams), et ça renouvelle l’expérience, crée un lien. Et c’est un peu tout le sujet de Sound Shapes : se lier avec le joueur, avec le gameplay en utilisant la musique. C’est là tout le propos, et il s’étend déjà suffisamment pour que l’on puisse dire que, oui, Sound Shapes a quelque chose à proposer.
Ce n’est jamais bien ardu que de jouer à ce titre. C’est bien là un de mes gros reproches envers le titre : on traverse la campagne créée par les développeurs en deux heures, voire une heure et demie si vous n’êtes pas manchot de la plateforme. Un constat amer qui s’accompagne du sentiment que sur les cinq mondes proposés par le titre, seuls les deux derniers valent leur pesant de cacahuète. Un point qu’il a en commun avec Little Big Planet qui a aussi du mal à démarrer avant de s’envoler vers un haut niveau. On pourra toujours se convaincre que Sound Shapes comme Little Big Planet sont deux jeux de création avec un éditeur fourni, mais Sound Shapes, contrairement à son modèle philosophique, ne propose pas une histoire intéressante et encore moins marquante.
La simplicité des contrôles est cela dit à mettre en tant que point fort du titre. Un vrai travail a été effectué afin que quiconque se sente à l’aise une fois la manette (… ou ici la console) en main. Jamais frustrant ni gonflant, on croque sans faim les niveaux, et on enchaîne des parties pouvant durer une bonne demie-heure avant que l’on ne se rende compte que le bus arrive dans une minute. Sound Shapes, c’est le pote que tu gardes installé pour les moments d’attentes, et il fait bien son boulot là-dessus. Et pour les amoureux de sa simplicité, de son caractère assez hypnotique, et de son ambiance presque cocon, ils pourront concevoir des niveaux, décuplant ainsi la durée de vie du titre.
Car oui, visuellement charmant, sans autre ambition qu’une invitation à la musique composée par des éléments de gameplay, et une jouabilité juste ce qu’il faut pour scotcher, Sound Shapes est un jeu réussi, sans trop de doutes. Sans doute mon mode de consommation m’a permis de prendre du recul et de mieux en apprécier le contenu ainsi que la proposition, mais je pense sincèrement que ce jeu est de ceux capables de nous faire comprendre que le modèle économique épisodique n’est sans doute pas qu’une mauvaise chose. Le dernier Hitman, les jeux Telltale, et d’autres qui viendront, montre que des jeux par sessions plus courtes, avec un rythme allégé, permettent de proposer un autre gamefeel : un gamefeel mobile, éphémère, plus apaisant, moins stressant, une expérience complémentaire à nos gros jeux chronophages. Je joue actuellement énormément à Downwell, et je me rend compte à quel point il m’est nécessaire d’avoir des jeux pour respirer entre deux gros titres, des œuvres plus basés sur l’immédiateté, des jeux qui comprennent leur support.
Pardon d’avoir bien peu parlé de Sound Shapes à la fin du dernier paragraphe, mais c’est accidentellement lui qui m’a fait voir autrement ce modèle émergeant que je vois percer sur les supports nomades plus que sur les fixes. J’aimerais que les consoles comme la Vita aient plus été théâtres de ce genre d’expérimentations sur l’épisodique, notamment elle, vu à quel point elle est devenue une machine dématérialisée. Toujours est-il qu’il est de nombreux jeux tels que Sound Shapes sur la machine de Sony, ce ne sont guère pas vraiment des jeux gigantesques qui justifient un achat compulsif, mais ce sont des jeux dont j’aurais aimé connaître l’existence avant de posséder la machine, pour encore plus me convaincre qu’elle valait le coup.
Petit, malin, accessible, joli, et peu coûteux, Sound Shapes a aussi son univers musical interactif et son potentiel de jeu infini grâce à son éditeur pour convaincre les joueurs. Convaincant dans tous ses choix, il n’en reste pas moins dommage que son développeur n’ait pas su mieux illustrer son potentiel par une histoire autrement plus ambitieuse que celle présente. Mais, il ne faut pas s’arrêter à ce qui est une grosse démo, et il lui faut préférer son éditeur ainsi que les niveaux qu’il nous offre pour être pleinement satisfait de cette expérience rafraîchissante. Cela laissera un joli petit souvenir, et sachez que j’avais écrit « sourire » au lieu de souvenir. Un bien joli lapsus.
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