Halo 4
Halo 4 est le renouveau de la saga Halo. Les aventures de Master Chief n’étaient pas sensées connaître de suite, mais les juteuses ventes de la série ont convaincu Microsoft de se passer de Bungie pour donner suite à l’une des licences les plus puissantes du monde des consoles. Halo 4 est le douloureux premier épisode de la trilogie du dépositaire, l’amorce scénaristique d’un tout nouvel arc dans l’aventure Halo. Un jeu qui fait passer par bien des états : l’excitation, le ravissement, le dégoût, la satisfaction, mais avant tout, l’espoir. Halo 4 est un jeu bien imparfait qui ne porte pas sur ses épaules la saga qu’il est sensé perpétuer, mais il n’est pas un mauvais jeu, loin de là.
Ça ne démarre plus sur des chants grégoriens
Master Chief est porté disparu depuis maintenant quatre ans. Quatre longues années qu’il passera dans un sommeil artificiel, sous le regard tendre et affectueux de Cortana, qui veillera comme sa fonction le lui indique sur le légendaire soldat. Fleurant un danger imminent, elle réveillera John de son long sommeil et le supportera dans sa mésaventure. Une mésaventure qui le conduira en de nombreux lieux, durant une courte aventure dans laquelle il se rendra compte que ses réussites passées n’ont pas arrêté l’implacable marche de la guerre. La lutte contre les Covenants, l’ennemi relatif de l’humanité qui refait surface, tandis que dans l’ombre se dessine une nouvelle menace insoupçonnée qui mettra en péril la galaxie entière.
Cliché et pas original pour un sou, l’histoire du titre a le mérite de faire bien les choses, d’être très bien rythmée, et de faire évoluer une relation jusque là peu mise en avant ; le soldat et le joueur se rendront compte que Cortana est plus qu’une machine. Le gain d’humanité de cette entité artificielle est à contrebalancer par la froideur effrayante dont fait preuve le Chief dans l’exécution de sa tâche. Un renversement des rôles qui, s’il n’est certes pas très original, a le mérite de mettre en avant des thématiques pas franchement courantes dans les jeux de tir à la première personne. Cette avancée tragique dans l’histoire de Cortana et du guerrier mythique à le mérite d’être tout à fait réussie et bien traitée, sans se presser, et sans trop s’appuyer sur ses cinématiques. Le jeu arrive à faire avancer son intrigue, mais aussi à mettre cette relation en scène en parvenant à rendre les deux complémentaires.
Chapeau pour ce petit tour de force avec ce changement de ton bienvenu, dans une série qui prenait un peu tout au second degré. On note tout de même que l’entrée dans le scénario du jeu pour un non-initié risque d’être plus que complexe, au regard des nombreuses références à l’univers. Un choix plutôt audacieux, lorsqu’on considère l’immense troupe de fans attendant de Halo 4 juste un peu plus de Halo. Ce choix de narration plus soutenue, ainsi que les thèmes abordés, ont décontenancé les fans, d’autant que cette nouvelle formule s’accompagne de choix bien plus malheureux qui ne rendront guère service au titre, surtout quand on considère sa jouabilité.
Entre tradition et fausse modernité, halo 4 échoue sur tous les plans
Le gameplay de Halo repose sur des bases solides qui ont toujours été exploitées sans jamais avoir été remise en cause et ce, même lorsque la série intégra dans l’épisode Reach un très grand nombre de changements aussi bienvenus que parfois malvenus. Halo 4 assume d’être un Halo, mais pas complètement ; le jeu fait l’erreur d’intégrer le sprint sous une forme classique. Il est directement intégré aux possibilités de base de notre Spartan. Sur le papier, l’idée semble être d’élargir les cartes avec cette nouvelle fonctionnalité. Faux. Halo 4 est le plus étriqué de la série, et ne propose que de très rares zones plus ouvertes, et lorsqu’elles le sont, elles sont remplies de vide qui rendent les affrontements mous.
Plus linéaire, moins généreux en adversaire, Halo 4 se prend les pieds dans le tapis, proposant aussi bien des affrontements en corridor que l’on aurait apprécié plus nerveux vu l’espace réduit, que des zones plus ouvertes et plus traditionnelles qui ne profitent plus de la générosité des anciens épisodes. Les,véhicules se font rares, leurs feelings sont désormais bien moins réussis. Les ennemis sont très statiques et attendent que vous veniez les déloger dans leurs petites bases au milieu de grands espaces inutiles. Les phases épiques d’assauts de grandes structures sont, pour ainsi dire, absentes, ou lorsqu’elles sont présentes, prêtent à rire. Le jeu abuse d’objectifs rébarbatifs ; je ne compte plus le nombre de fois où il a été demandé au Chief d’appuyer sur des boutons. Mention spéciale à l’ultime mission…
Déjà triste, la construction des niveaux alternent entre le correct sans grand génie, et le fainéant nous faisant directement retomber dans des travers sensés avoir disparu depuis le premier épisode. Ce sentiment de gâchis de potentiel s’additionne à des nouveaux ennemis à l’esthétique certes fabuleuse, mais au comportement agaçant. Passant leur temps à fuir dès que le moindre danger se fait ressentir, vos nouveaux adversaires joueront avec vous au chat et à la souris, à raison de dix à parfois quarante secondes de tirs exaspérés de votre part. Pour achever ce tableau peu reluisant, les nouvelles armes s’avèrent bien plus efficaces que l’ancien équipement historique de la série, tout en proposant un feeling loin d’être pleinement satisfaisant.
Ce qui est vrai pour le mode solo se retrouve en pire dans un mode multijoueur saccagé par un ensemble d’idées absurdes. Face au succès de la série Call of Duty, Halo 4 intègre un ensemble de fonctionnalités n’ayant aucun rapport avec l’esprit original de la série. Il va jusqu’à permettre aux joueurs de choisir leurs armes avant chaque début de partie, déséquilibrant ainsi les affrontements dès les premières secondes de combat. À cela s’ajoute le constat aberrant de cartes certes jolies, mais affreusement mal construites dans lesquelles tout fan se posera bien vite la question suivante : « Est-ce cela, Halo ? » .
Cet ensemble de choix hasardeux et irréfléchis rendent l’expérience frustrante, car la base fonctionne, la jouabilité est toujours aussi plaisante, mais les multiples changements incohérents par rapport à l’ADN de la série donnent un résultat hétérogène. Un résultat dont le joueur ne parvient jamais à s’habituer, car Halo 4 a raté le coche le plus important : perpétuer une jouabilité connue et maîtrisée en y apportant des nouveautés réfléchies, chose que Halo 5 fera plus tard avec brio. Mais, ce quatrième épisode restera le moins réussi, car il ne parvient pas à fournir le minimum demandé aux jeux de tir sur console : une jouabilité souple, simple, précise et agréable qui ne renie pas un certain élitisme qui a fait la renommée de la série. Quoi qu’il en soit, Halo 4, ce n’est pas que des échecs…
Réalisation fabuleuse, gueule d’ange et musiques surprenantes
Bientôt quatre ans après sa sortie, Halo 4 m’éblouis encore. Quelle claque ! Quelle maîtrise technique ! Le moteur n’a pas pris une ride, s’avère miraculeusement optimisé sur la petite 360, et offre toujours un visuel d’une très rare précision. Les animations ne sont pas en reste, et l’ensemble s’avère d’une stabilité déconcertante, même en zone ouverte, bien que l’on doive faire avec quelques textures de sol disgracieuses. Hormis ses quelques défauts techniques, Halo 4 fait parti de ces jeux de la septième génération de console qu’il faut s’amuser à comparer avec les autres pour s’écrier : « Mais, ça ne peut pas être la même machine ! » .
Sans direction artistique, la technique n’est que peu, et cela, 343 Industries le savait. Halo a toujours été une série au visuel plat, sans véritable cachet autre que ses deux spin off un peu plus originaux qu’étaient ODST et Reach. Halo 4 est l’extrême opposé du design froid ; il possède une identité forte, donnant à cette univers de science-fiction une allure qui en impose grave, et ce sans pour autant se la jouer moulant à la Mass Effect. Halo 4 propose des panoramas ahurissants, des créatures parfaitement bien modélisées, et des cinématiques d’une très rare qualité. Pas un moment du jeu n’est décevant artistiquement, si bien que ce quatrième épisode efface à lui seul les critiques faites sur l’absence d’identité visuelle de la série. Halo 4 est beau. Halo 4 est le plus beau. Il est même si beau que je le soupçonne de l’être plus que le visuel imparfait de sa suite.
Si l’image sert à illustrer le gameplay, il faut bien de la musique pour guider le joueur. Martin O’Donnel cède la place pour ce nouvel opus à un autre compositeur : Neil Davidge. J’ai eu la bêtise de m’intéresser à l’avis des joueurs et de la presse, qui ont unanimement qualifiées la bande-son de « moins bonne » que les précédents Halo… Les gars… Non mais… Les gars ! C’est pas parce qu’il n’y a plus de guitare électrique ou de morceaux de blues dans la musique de ce Halo que vous pouvez qualifier la bande-son de « moins bonne« . Moins bonne de rien du tout ; les nouvelles sonorités accompagnent parfaitement le changement de direction de la série. Les musiques sont rythmées, belles, et parfaitement réussies. N’allez pas tomber dans la bêtise de critiquer ce qui ne le mérite pas, même si Halo 4 mérite bien de s’en prendre une.
Passons aux bruitages qui soufflent le chaud et le froid. Si les flingues manque de punch, il reste que certains réussissent à se faire remarquer par leur justesse. On notera surtout les bruits que font les nouveaux ennemis du titre, effrayants et tout à fait fascinants. Les doublages sont quant à eux excellents et font honneur à l’histoire. On regrette cependant que les grognards ne parlent plus dans la langue commune, ce qui rend leurs jérémiades et leurs lamentations incompréhensibles. Vous n’avez pas d’humour, 343.
Un mauvais Halo, mais un début prometteur ?
Sans être pleinement catastrophique, Halo 4 est une sincère déception à peine contrebalancée par la qualité de sa courte campagne solo. Faible avec un multijoueur dont la qualité fait défaut, d’une jouabilité aux repompes sur la concurrence stupides, cet opus est le divorce brutal entre les fans de la première heure et la série. Pourtant, Halo 4 fait bien les choses en ce qui concerne sa campagne. Même s’il a la bêtise de vouloir prendre en compte tout l’univers étendu, les émotions que procurent son histoire, et la nouvelle construction de la narration, permettent à l’aventure de trouver un second souffle, ainsi qu’un nouveau départ sur lequel bâtir une nouvelle trilogie très différente de la première.
Mais, le jeu vidéo est heureusement encore suffisamment conscient de ce qu’il est pour condamner Halo 4 pour ses erreurs. Loin d’être un digne successeur de la saga dont il porte le nom, il s’est vu justement rejeté par la communauté. Ne disposant pas de suffisamment d’arguments pour en faire un jeu culte, ou même pour faire vivre ses quelques amateurs, Halo 4 est un acte manqué et un cas d’école de ce que ne doit pas être une suite. Son erreur n’est pas d’être différent ; Halo 5 l’a bien fait. C’est simplement de ne pas saisir l’importance des bases solides et immuables de sa série.
Halo est un monolithe du jeu vidéo. Ses codes ont inspiré par la suite tous les jeux de tir à la première personne sur console, et le peu d’innovations de ses émules n’ont pas apporté grand chose à la formule de base de cette saga. S’inspirer des émules des Halo classiques, c’est renier l’efficacité avérée de ses titres légendaires et croire que la seule voie est dans l’uniformisation des systèmes de jeux. Halo 4 est la preuve qu’innover, ce n’est pas faire avancer sa propre série, mais faire avancer avant tout le genre en lui-même. Croyant rattraper un retard – inexistant – et se remettre au goût du jour, Halo 4 a échoué à être un bon Halo et à être un bon jeu de tir multijoueur.
Une leçon dont 343 tirera les enseignements dans la suite directe du titre, en délivrant une copie quasiment parfaite, rappelant que la rédemption existe ; même les meilleurs doutent et se mettent à faire des erreurs. Fin 2012, Halo a bien failli tout perdre, mais l’avenir en a décidé autrement, en gardant ce qu’il y avait de bon et de nécessaire en Halo 4 tout en ramenant la série dans le droit chemin, et en faisant évoluer la série. Halo 4 était surement un échec nécessaire à la compréhension de 343 Industries envers le chemin que devait prendre une vraie bonne suite ; des changements sur des bases éprouvées en jouissant de l’expérience des anciens épisodes afin de proposer un renouveau constant.
Halo 4 un mauvais Halo ? Oh que oui ! Un mauvais jeu ? Oh que non ! Des défauts de jeunesse, une volonté imbécile de séduire un public qui a déjà tout ce qu’il veut chez la concurrence depuis désormais presque une dizaine d’années avec les nombreuses itérations de la série Call of Duty. Halo 4 n’en reste pas moins un titre intéressant à considérer dans ses échecs comme ses réussites. Véritable leçon en bien comme en mal, il reste un titre qui m’inspire beaucoup de sympathie, et que je n’ai pas oublié deux ans après l’avoir conclu. Pas si mal pour le plus raté des Halo…
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