Gabriel Knight : Sins Of The Father
Amatrice de point’n click depuis toujours, les titres incluant le nom Gabriel Knight ont toujours résonné pour moi comme des jeux de légende, inaccessibles car ayant été trop jeune à l’époque pour m’y abandonner dans les années 90. Nombres d’amis m’ont fait part de la même sensation. C’est donc pourquoi je pense être la cible idéale du remake de Gabriel Knight – Sins Of The Fathers, comprenez, les péchés des pères, sorti en Octobre 2014 sur Steam.
Au lancement du jeu, magnifique musique au piano, tandis que des coups de tonnerre résonnent en arrière-fond. Nous avons ici le choix de lancer une nouvelle partie, ou de consulter le roman graphique. Ce dernier s’avère être en réalité une bande dessinée d’excellente qualité graphique et narrative, nous racontant l’histoire des ancêtres de deux protagonistes du jeu. A vous de savoir si vous souhaitez la consulter avant, ou après le lancement du jeu. Car l’histoire des pères vous spoilera le scénario et vous permettra de deviner qui sera quoi bien trop tôt.
Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais en démarrant ma nouvelle partie, mais j’ai été terriblement déçue par les premières minutes du jeu. Pourquoi ? Je pensais que Gabriel Knight possédait un truc bien à lui. Du style une belle patte graphique, ou quelque chose qui n’appartient qu’à Gabriel Knight. Ben non. Ce sont bel et bien des décors faisant penser à des cartes postale très (… trop) propres. Rien ne bouge, tout est lisse, tout est trop droit. Oui, cela m’a carrément fait penser à un jeu de recherche d’objets (… les fameux hidden objects games). J’ai alors fait de petites recherches sur la version 1993 afin de mieux comprendre l’engouement de l’époque. Et là, oui, je comprends.
Je peux contempler des décors crayonnés, fouillés. Je vois du travail d’artistes sur papier. Une œuvre d’art. Pour le coup, c’était bien mieux avant. Autre gros soucis : les déplacements de personnages modélisés en 3D dans ces fameux décors figés. Cela crée un mouvement unique dans des graphismes sans vie. Eh ouais, même pas une mouche qui vole. A titre d’exemple, le Jackson’s Square est la représentation parfaite de ce ratage ; les personnages semblant être animés par des marionnettistes manchots. Cependant, les décors restent très fidèles à la Nouvelle-Orléans, dans laquelle nous avons grand plaisir à évoluer, que ce soit en ville, dans un parc, une église… Les développeurs se sont très bien documentés. Un vrai bon point.
On note, grâce aux détails présents dans les lieux visités, la mixité des religions qui forment le vaudou par ses origines africaines, additionnés de catholicisme et de croyances locales. C’est lorsqu’un premier dialogue survient que l’on ressent un nouveau malaise. En effet lors des discussions, nous avons le loisir de voir de grands portraits des personnages. Sauf qu’ils n’ont qu’une ou deux mimiques en magasin à nous montrer, et ce quelque soit la gravité du dialogue ou de la situation, ce qui n’aide franchement pas à instaurer une ambiance.
Pire, les dialogues sont simplement mal fichus. Nous auront droit à des « Salut toi, il y a des messages pour moi ? » – « oui ton grand père » , et comme le sujet n’est pas épuisé, on re-clique dessus, et cela nous fera un second « Salut toi, il y a des messages pour moi ? » – « Oui le voisin » . Puis, une troisième fois, puis une quatrième, jusqu’à ce que je sujet soit épuisé et qu’il ne disparaisse définitivement de la liste des dialogues. Je ne comprends pas qu’à notre époque cela puisse encore exister, surtout dans un remake. Et pour combler le tout, les sujets de conversation importants sont surlignés en jaune, ce qui occasionnera une absence d’intérêt pour les sujets non-surlignés et gâchera totalement l’immersion. De plus, on a rien demandé, nous ; pourquoi nous aider à choisir le bon jet de dialogue ?
Alors quoi ?! Il n’y a que du mauvais dans ce remake de Gabriel Knight ? Non, heureusement. Le scénario nous incite à continuer le jeu jusqu’à en voir le bout. Et quel est il ? Eh bien Gabriel Knight est un humble, voire un médiocre, bibliothécaire, écrivain à ses heures perdues, et se documentant pour son futur bouquin dont le sujet est le vaudou. Ayant un ami inspecteur de police, Gabriel s’intéresse de près à une affaire de meurtres en série sévissant dans la région, et ces derniers ressemblent fort à d’anciens rites de sacrifices vaudou. Évidemment, notre héros se sentira de plus en plus impliqué dans une affaire qui sera pour lui une véritable révélation, sur son passé, ses ancêtres… son destin. Et tout cela nous rapprochera d’un vaudou de plus en plus secret et interdit.
Tout comme pour les graphismes, les développeurs se sont excellemment documentés sur la religion vaudou. On apprendra énormément de choses sur ses rites, ses coutumes et ses origines, bien loin des zombies et des décapitations de volailles. Des termes tel que « loa » « capri sans cornes » ou « hounfor » n’auront plus de secrets pour vous. Le jeu se divise en nombre de jours qui correspondent aux nombres de chapitres. Dix en tout. Il y aura d’ailleurs plusieurs fins disponibles, mais tout se jouera toujours autour des choix que l’on fera au tout dernier niveau.
Comme tout bon point’n click qui se respecte, il s’agira d’utiliser les bons objets sur les bons endroits. Il y a également quelques puzzles à résoudre. Un cahier, dans lequel Gabriel note les principales informations, vous aidera à vous guider si vous vous sentez perdus. On sera le plus souvent bloqué lorsqu’il s’agira de régler un dernier détail afin de boucler la journée en cours, mais le jeu comprend un système d’indices avec différents degrés de précision, et qui est à notre disposition en cas de pépin. A noter que l’on peut mourir à de nombreuses reprises durant le jeu.
J’ai finalement aimé faire ce voyage en Nouvelle-Orléans (… il y aura aussi deux petits voyages en Allemagne et en Afrique, sans intérêts particuliers) en compagnie de Gabriel Knight, ce qui m’a permis d’en apprendre beaucoup sur la culture et la religion vaudou, ainsi que m’immerger dans des décors remplis de détails propres à la Louisiane et ses traditions. La musique est également envoutante et accompagne admirablement l’histoire. Cette dernière arrivera à nous tenir en haleine une bonne quinzaine d’heures. Les qualités du jeu ont donc, pour moi, réussi à gommer ses principaux défauts. C’est un avis totalement personnel, mais je préfère largement les graphismes et le look de Gabriel en 1993 que dans cette version remaster qui, comme dit plus haut, sont pour moi trop propres. Les décors crayonnés n’ont pas vraiment d’égal dans un point’n click.
J’ai longtemps cru que les Chevaliers De Baphomet était le meilleur jeu du type point’n click de tous les temps. Je me rends à présent compte qu’il s’était inspiré de Gabriel Knight – Sins Of The Fathers version 1993. Les deux tournent autour d’un sujet central fort : le vaudou pour Gabriel Knight, les templiers pour Les Chevaliers De Baphomet. Même si ce remake n’arrive pas à la cheville de sa version originale, il a le mérite de pouvoir faire découvrir aux joueurs d’une génération plus jeune ce merveilleux jeu de recherche, et nous permet de faire un agréable et instructif voyage dans une Louisiane tout autant haute en couleurs que riche de nombreuses cultures. La chasse aux sorcières est lancée !
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A propos de l'auteur : Crazy-Alice
3 Commentaires sur “Gabriel Knight : Sins Of The Father”
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C’est un très bonne critique.
Je pense comme toi que ce remake est inférieur à la version originale, que j’ai découvert à sa sortie en 93, et qui a achevé de me droguer au point’n’click).
Ce remake est juste une modernisation technique : graphismes refaits, sons refaits, musiques refaites. C’est effectivement plus joli, mais contrairement aux remakes de Monkey Isldand 1 et 2, le charme des graphismes d’origine a été quelque peu altéré. Le pire étant la tronche de cake qu’ils ont collé à Gabriel, lui qui avait un style si subversif dans la version originale…
Et effectivement, aucun des défauts propres aux jeux des années 90 n’ont été corrigés. On a donc des dialogues répétables qui peuvent devenir incohérents avec le temps, des séquences trop linéaires qui donnent un côté artificiel au déroulé des journées, des actions à faire parfois un peu trop tordues. Mais rien de bien méchant. Comme tu l’as dit, ce qui prime, c’est le scénario et l’ambiance générale. Et dans ce jeu, c’est très réussi. La Nouvelle Orléans est un super cadre, le Vaudou un super terme, et le démarrage d’une super saga au cours de laquelle le personnage de Gabriel est très bien développé. Si ce remake peut permettre à ceux qui ne connaissent pas et qui n’aurait jamais le courage d’aller tester la version originale et sa résolution 320×200, alors merci pour ce remake. En ce qui me concerne, j’étais de toute façon content d’avoir un nouveau prétexte pour refaire ce jeu et embrayer sur les suivants ;)
Derniers mots en ce qui concerne la fidélité de la Nouvelle Orléans de GK : elle est effectivement étonnante pour un point’n’click. J’ai visité cette ville, en particulier le Quartier Français dans lequel se passe la majorité de l’intrigue. On reconnait quasiment tous les lieux au premier coup d’oeil, même si leur représentation est parfois approximative (le musée vaudou est bien trop « rangé », le square de la cathédrale St Louis n’est pas du tout à la bonne échelle), j’ai pu reconnaître la plupart des lieux que j’ai visité d’après le souvenir que j’en avais du jeu. A quelques détails près toutefois : le Napoléon’s House ne ressemble absolument pas à ça, et la librairie de Gabriel n’existe absolument pas. A Dumaine & Bourbon, c’est une blanchisserie. Mais bon, il fallait bien placer le personnage sur Bourbon Street, c’était obligatoire, étant donné que c’est un gros débauché, il n’y a pas meilleur endroit. ;) Je confirme aussi que la base culturelle et historique présentée dans le jeu est très fidèle à ce qu’on peut apprendre là bas. Rien est inventé, en dehors ce qu’on découvre sur les derniers chapitres du jeu.
Je suis plutôt d’accord avec vous.
J’apprécie ce remake qui a le mérite de nous permettre de rejouer à ce super titre aujourd’hui, mais cette version remastérisée n’est pas aussi agréable à l’oeil que l’était l’originale, à mon goût. Ce n’est pas une histoire d’être puriste, car j’adore la version remastérisée de Monkey Island et de DOTT.
Les dialogues restent néanmoins le point faible du titre, avec cet abominable système de mots clés.
En premier lieu, je tenais à remercier Crazy-Alice pour cette critique croustillante et vraiment bien construite. Merci de continuer à nous faire découvrir des softs bien sympathiques ;)
Oh joie, je me souviens de cette divine sensation à l’époque que furent ces terrains inconnus, je veux bien sur parler de tout ces titres ingénieux ou avant-gardistes made in SIERRA et LucasART, » Full trottle, Woodruff, Day of the tentacle ,King’s Quest et tant d’autres…
Dans cette restauration, il est agréable de retrouver l’écrivain mère de la série pour notre plus grand plaisir. Adieu la vielle patte crayonnée de l’époque mais il ne faut pas oublier que c’est une évolution. Oui, dés le second opus, « The beast within », le style visuel changea pour laisser place à des plans fixes photoréalistes avec des personnages en capture vidéo intégrés dans ces plans (comme dans un jeu comme « Phantasmagoria » par exemple?). Dans cet épisode, les personnages en 3D semblent incroyablement rigides et l’animation est catastrophique comme Alice l’a mentionné. Apparemment le budget était très faible et il est tout de même à prendre en compte… La palme de l’handicap moteur 2016 est donc décernée à ce cher GABY, tétraplégique en ces heures. Quel dommage pour un héros si charismatique. Néanmoins, je trouve que l’essence même de l’ambiance est respectée. Vous n’avez pas parlé de l’intégration du making-of qui pour les fans est plutôt sympa et je tenais à le souligner.
Je trouve les doublages pas trop mauvais par contre… excepté ceux de Gabriel totalement ignobles.Je garde en mémoire des doublages de qualité sur l’original. Ici parfois, c’est à se demander s’ ils ne sortent pas d’ un Nanard ou un film de série Z.. Alors Gaby, on a plus cette classe naturelle de l’époque?