DOOM (solo)
Ces quatre lettres forment le nom d’un titre et d’une saga désormais mythique. Difficile d’être un joueur et de ne pas avoir joué à au moins un DOOM, faute de s’être essayer à tous. Malheureusement, même si l’on retrouve les jeux jouables sur les machines de septième génération pour faire perdurer la saga, il faut bien avouer que l’on voit difficilement les premiers DOOM survivre plus longtemps aux affres du temps, surtout vingt trois ans après. Mais, heureusement, après un terrible parcours du combattant, ID Software créateur de la série, l’ont rebooté avec un opus sobrement nommé… DOOM. Alors, le reboot de la saga est-il l’épisode des retrouvailles amoureuses, ou est-il une déception comme le troisième épisode en son temps ? Des hectolitres d’hémoglobine, des millions de kilomètres d’intestins, et des chaînes montagneuses de corps déchirés dans le lointain plus tard, Marcheur, équipé de son fusil à canon double, vient donner une réponse concrète. DOOM l’absurde est de retour, son skill légendaire, son feeling détonnant, et son univers décomplexé dans sa besace, en font la valeur sûre de cette année… et des suivantes.
DOOM Soundtrack, réalisé par Mick Gordon
Un jeu historique
On n’attend pas DOOM sans éprouver un minimum d’émotion. Bien sûr, il y a la peur qu’un projet traîné depuis si longtemps qu’il puisse donner naissance à un accident industriel, les différentes bêtas n’ayant pas été si rassurantes que cela. Mais, malgré la crainte, il y a aussi une immense dose d’espoir. Parce que DOOM est entre les mains de ses parents, et ses parents n’ont pas envie d’accoucher d’un gamin affreux, mais bien d’imposer une seconde fois le meilleur FPS de son temps. Ah parce que oui, pas la peine d’en débattre : les premiers titres de la saga sont, et resteront, les meilleurs, précurseurs et pourtant déjà maîtres. Je ne renie pas pour autant l’avancée du genre, mais le feeling le plus efficace et le plus sacré est encore détenu avec perfection par les classiques.
C’est pour cela que toute tentative de reboot est vouée à l’échec auprès des fans hardcores, tout changement voué à être lapidé, tout effort d’accessibilité vu comme une hérésie. Donc ID Software avait fort à faire pour contenter un nouveau public, et ne pas se mettre à dos les anciens qui sont toujours en vie, ou tous les petits frères d’anciens qui sont encore en vie (… moi). Affirmer qu’ils ont réussi serait s’avancer sur un chemin escarpé et épineux. Mais, dans la vie, il faut savoir prendre des risques, et si on est capable de mettre de côté sa nostalgie contraignante et est prêt à accepter quelques faiblesses, alors oui, ce DOOM est l’épisode fédérateur tant attendu qui fera perdurer la saga quelques années encore. Au bon souvenir de la concurrence, ID Software revient donner une leçon de jeu de tir à la première personne, comme Rage l’avait fait en 2011. Allez, c’est parti.
Une réalisation réussie, un son qui tabasse
ID Software signe son nouveau titre avec son moteur maison l’ID Tech 6. Si vous avez joué à Rage, vous savez à quoi vous attendre pour ce nouveau jeu. Textures peu détaillées avec un flou désagréable, fluidité exemplaire sur console (… et PC cette fois !), effets graphiques détaillés et somptueux, ainsi que globalement, des niveaux vastes et fouillés. Si techniquement le moteur paraît parfois dépassé, reste qu’il est extrêmement fonctionnel ; sur la version One du titre, le framerate ne bronche que peu, et lorsqu’il y a trop de choses à l’écran, à la manière d’un Halo 5, le titre sacrifie sa résolution au profit de la fluidité. Comble du bon goût, vous pouvez désactiver ou régler le flou cinétique, activer ou non les aberrations chromatiques, et régler le FOV. Oui, régler le FOV en le faisant passer de 90 à 110. Si ça c’est pas la classe ! Cela fait tout de même des années qu’on le demande pour les FPS consoles !
On notera également des arrières-plans qui vont du fantastique au médiocre. Quelque chose de surprenant lorsqu’on a en mémoire le merveilleux Rage et sa direction artistique du tonnerre. En parlant de direction artistique, celle de ce nouveau DOOM est tout à fait absurde, et croule sous les détails ainsi que les architectures tentaculaires et guignolesques qui défient toutes les lois, surtout quand vous vous rendrez en enfer. Loin d’être pleinement convaincu, je dois aussi dire que j’ai trouvé les niveaux assez hétérogènes ; certains sont même des plus plats visuellement, faiblesse qui s’accompagne d’ailleurs d’un léger manque de soin dans le level design, pourtant globalement brillant.
Bon, on va dire du bien maintenant. De l’excellent. Les bruitages des armes sont globalement excellents, avec quelques « moins bon » dans le lot, mais uniquement parce qu’une parmi toute les autres se distingue trop par sa perfection, à savoir le fusil à double-canon. Bordel de merde, ce fusil m’avait manqué ! « Bam !« , m’écriais-je à chaque tir de cette merveille en ressentant le personnage tenir fermement l’arme pour ne pas défaillir. Chaque décharge est un choc brutal renvoyant tous les jeux modernes de shoot dans les cages en matière de feeling. Quelle maestria ! La même maîtrise dont avait fait preuve ID Software pour le fusil à pompe de Rage. Petit bémol : les démons ont des cris globalement trop aigus, mais pour que cela cesse, éclatez leur la tronche !
Niveau musique, on a à faire à du métal bien bourrin et bien rythmé qui sait disparaître lorsqu’il n’y a plus rien à dégommer. Des musiques décomplexées pour un jeu qui l’est complètement aussi. Les compositions sont pour la plupart totalement inédites, même si certaines remixent le thème original de la série parce que… Parce que DOOM, c’est juste trop cool !
Ouais, DOOM, c’est juste trop cool
Impossible de faire un fast FPS sur console. Impossible de revenir aux fondamentaux. Impossible de faire un digne successeur à DOOM II. Blablabla… Si l’on écoutait les mauvaises langues depuis l’annonce du projet, la tentative même de créer ce titre paraissait totalement absurde, sans aucun intérêt créatif, et surtout aucun intérêt ludique pour le joueur. Bien sûr, fidèle à lui même, ID a porté le projet à terme coûte que coûte, au risque même de se mettre dans une délicate situation face à son éditeur Bethesda. Risque énorme que le studio a pris en connaissance de cause, sans céder devant les critiques des joueurs face aux bêtas, et à l’accueil glacial des images et vidéos du jeu, allant même jusqu’à faire fi des railleries sur l’apparition du jeu à l’E3. Et ils ont eu raison.
Pourquoi ? Parce que mise à part quelques choix de game design assumés, et peut-être un peu trop intrusif, DOOM est non seulement le digne successeur de son héritage, mais est aussi porteur d’une jouabilité si étudiée et travaillée qu’il paraît difficile d’affirmer qu’il est moins bon que ses classiques. Avec un arsenal d’armes limité mais tout à fait varié et possédant de nombreuses subtilités, des mécaniques de déplacement rodées qui s’accordent parfaitement à la vitesse de la jouabilité, et un level design globalement soigné à l’extrême, DOOM est et semble vouloir rester le meilleur.
Désormais, seul dans la catégorie des fast FPS, il ne semble pas se reposer sur ses lauriers, et ajoute à sa formule classique des nouveautés et modernités qui donnent un coup de fouet à l’ensemble. Chose paraissant débile, mais qui a son importance : il est désormais possible de sauter, ce qui change pas mal la verticalité des niveaux (… qui gagnent ainsi en profondeur et deviennent plus labyrinthiques), mais s’accompagne aussi de manœuvres jusque là impossible dans DOOM. A un certain moment, on débloque le double saut qui permet de passer au dessus des ennemis, ce qui signifie que l’on peut prendre l’ascendant en bondissant entre les masses.
Des masses ? Oui, car ce nouveau titre est excessivement généreux en ennemis à affronter, et du début à la fin, des armées complètes de démons vous sauteront dessus afin d’en découdre. Face à ce surnombre, le jeu nous fait vite comprendre quelque chose : de un, ils vous suivront partout dans les niveaux, de deux, être immobile signifie être mort, et de trois, plus vite vous réduirez leur nombre, plus vos chances de survivre en seront grandes. La seule et unique stratégie viable, même si elle possède des variations, consiste à bouger dans tous les sens, sauter, tirer, frapper, courir, straffer, se soigner. Ne soyez pas intimidé par vos adversaires ; la moindre hésitation conduit à la mort . Votre vitesse et votre capacité à obéir à vos instincts de joueur détermineront le succès ou l’échec de vos manœuvres.
Donc, pour réussir : tirez et bougez. Et quand vous n’avez plus de quoi tirer, exécutez vos adversaires avec zèle et cruauté afin de récupérer des munitions, de la vie, et peut-être même de l’armure. Ne rêvez pas, votre vie ne remontera pas seule. Vous pouvez anticiper les combats à venir en explorant les niveaux pour trouver des munitions, de la vie, de l’armure, mais vous pouvez aussi foncer dans le tas pour trouver au plus vite des ennemis à exécuter, qui vous laisseront alors quelques cadeaux. Pas la peine de le faire trop de fois ; une seule suffit pour récupérer sa vie et plusieurs peuvent être nécessaire afin de trouver des munitions. Mais, globalement, vous aurez toujours de quoi vous défendre.
Parlons justement de l’arsenal qui se montre parfois assez décevant. Pour tout dire, une fois le fusil à double-canon acquis, le fusil à pompe ne sert guère plus. Le pistolet, possédant des munitions à l’infini, redouble d’efforts pour démontrer son inefficacité. Hormis cela, vous pourrez améliorer votre équipement gagné en découvrant de très nombreux secrets (… mettant en avant un level design souvent brillant), ou en réussissant avec brio à tuer tous les streumons du niveau. Cet arsenal, une fois doppé au maximum, vous donnera accès à un défi permettant de rendre encore plus meurtrier votre équipement.
En plus de cela, vous pourrez améliorer l’armure du héros en explorant et en trouvant une nouvelle fois des objets cachés, tout en augmentant votre capacité de port de munitions, ainsi que votre maximum de vie et d’armure. Vous trouverez aussi de rarissimes bonus d’armure et de vie similaires aux anciens jeux, repoussant ainsi votre personnage dans ses derniers retranchements. Vous découvrirez aussi des objets à collecter afin d’en apprendre plus sur l’histoire. Enfin, l’histoire… Comprenez moi bien, cela contextualise l’action plus qu’autre chose. Vous mettrez la main sur quelques runes pour encore personnaliser vos capacités. Runes que vous débloquerez en accomplissant d’assez amusant défis.
Petite note concernant les glory kill. Ce sont des exécutions très gores qui permettent au personnage de récupérer munitions, vie, et parfois armure. Si elles s’avèrent assez plaisantes et délicieusement grotesque à regarder, elles peuvent ralentir significativement l’action si on en abuse. Car oui, il n’y a pas de raisons d’en abuser ; si vous jouez bien, vous ne serez guère souvent aux portes de la mort. Si les ennemis sont nombreux, ils sont aussi un peu débiles, et mettront parfois quelques secondes à appliquer la stratégie du « moi vois, moi tue« . Une faiblesse surprenante lorsqu’on se souvient l’excellence de l’IA dans un Rage.
Donc, niveau jouabilité, DOOM, dans son mode solo, propose un contenu énorme, garantissant une longévité comprise entre dix heures pour les sagouins, vingt pour les complétionnistes obsédés par les secrets, et d’autant plus pour ceux qui verront en ce titre un vrai potentiel de rejouabilité. Le feeling étant en effet excellent, et les cartes superbement bâties afin de ne jamais donner l’impression de revivre le même moment, on fera malgré tout avec des moments parfois plus redondants que d’autres. DOOM, c’est du petit-lait à jouer, et s’en passer me paraît difficile, surtout à une époque où tous les jeux de shoot se ressemblent.
Le scénario
Alors, c’est l’histoire d’un mec qui se réveille dans un complexe martien envahi par des démons. Il pète la gueule au démon, trouve des armes plus puissantes pour péter plus puissamment la gueule d’autres démons. Il découvre que ces démons sont venus à l’aide d’une taré sataniste / possédé. Alors il va en Enfer, tue des démons, tue le démon majeur, et met fin à l’invasion. Fin…
Oui, fin. Alors, on va pas se mentir, il y a d’autres éléments qui se greffent au milieu pour justifier la présence d’humains dans le complexe, mais franchement, lire des documents gigantesques dans un jeu rapide et jouissif comme DOOM, c’est délibérément ralentir le rythme d’un jeu effréné qui mise sur la tension du joueur pour lui procurer du plaisir. C’est tout à fait stupide comme idée. Pourquoi est-ce qu’on s’intéresserait à une quelconque histoire ou forme de narration dans un jeu qui la laisse délibérément de côté pour assumer un esprit bas du front ? Pour le coup, il assume clairement de ne rien proposer de bon en matière d’histoire, parce que le seul mérite de l’histoire d’un DOOM, c’est de ne pas exister. Tout simplement.
Si vous êtes en train de vous dire que vous allez acheter le titre pour son histoire, sachez que ce serait d’une absurdité déconcertante. Cela veut dire que vous êtes assez inculte du médium, et pour le coup, il ne faut pas attendre d’un DOOM autre chose que la violence, la frénésie de ses phases de tir, et l’intelligence de sa construction. C’est pour cela que l’histoire n’est même pas un critère pour ce titre, car elle deviendrait par définition un défaut si elle avait été plus élaborée.
Et c’est là où je rebondis ! Car s’il y a bien un scénario dans le titre, il est censuré par le protagoniste. Lorsque vient des explications sur la trame, le personnage y coupe court. Et vas-y que j’explose un ordinateur trop bavard, ou que je détruis un réservoir censé être délicatement détaché. Et lorsque le jeu vous impose son histoire, c’est pour qu’elle soit racontée par une intelligence artificielle, nous faisant admirer une situation assez amusante. La narration est froide et sans envie, comme si elle était là pour respecter un cahier des charges, tandis que l’histoire nous est raconté par des ordinateurs et des robots… Des créations logiquement impersonnelles. Joli message, non ?
Un mode « snapmap » au potentiel réel
Clou du spectacle, cerise sur le gâteau, coup de pinceau du maître : vous pouvez étendre l’expérience DOOM sur des heures supplémentaires en créant vos propres niveaux et vos propres campagnes. Mettant à disposition tous les outils nécessaires à la création du solo du titre, ID Software offre aux joueurs la chance de partager leurs créations sur tous les supports sur lequel le jeu est disponible (PS4, Xbox One, et PC). Vous pourrez aussi créer des cartes jouables en coopération jusqu’à quatre, voire créer de véritables modes de jeux pour le multijoueur.
L’avenir nous dira si la communauté a répondu présente, mais ce mode montre que DOOM est prévu pour avoir un avenir florissant, permettant au jeu de jouir d’un contenu potentiellement infini. Une idée de plus qui vient conclure un tableau étrangement idyllique pour un jeu revenu de très loin.
DOOM n’est pas une suite, c’est un reboot. DOOM n’est pas un jeu de tir à la première personne, c’est un DOOM-like. La différence est subtile, mais elle est bien là. Il vient de s’imposer dans le paysage moderne avec un toupet qui le rendra surement inoubliable. Vieille école mais pas régressif pour autant, il manie avec perfection le langage d’ID Software, et propose une alternative aux milliers d’émules de Call of Duty qui polluaient le paysage ludique. S’il fallait retenir une seule chose du mode solo de ce titre, c’est ce sentiment merveilleux d’avoir en face de nous un reboot qui, non content de faire revivre le mythe, se permet même de donner un coup de vieux supplémentaire aux anciens, devenant ainsi une référence pour les fans de la série, mais aussi pour ceux qui n’ont pas pu y toucher. Il ne me faut donc guère qu’on mot pour qualifier le titre : tuerie.
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